Xavier Zubiri (Tome 2)
288 pages
Français

Xavier Zubiri (Tome 2) , livre ebook

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288 pages
Français

Description

Le premier volume de cette biographie de Xavier Zubiri brossait un portrait de ce philosophe par vocation et prêtre malgré lui, qui s'était frotté aux plus grands courants de la pensée contemporaine. À partir de correspondance, documents personnels, témoignages, mémoires, études et interviews, ce livre ébauche ce que fut, au fond, la vie de Zubiri.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2013
Nombre de lectures 3
EAN13 9782296535596
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

Jordi Corominas Joan Albert Vicens
XAVIER ZUBIRI La solitude sonore (19311940)
Tome 2
Traduit de l’espagnol par Vincent Pelbois Édition révisée et actualisée par les auteurs
ouverturephilosophique
XAVIERZUBIRI
La solitude sonore
(1931-1940)
Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot
Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions Rémy GAGNON,Phénoménologie de l’individualité, 2013. Jean-François MELCER,Ethique et rhétorique (d’)après Chaïm Perelman, ou la raison hospitalière, 2013. Jean-François MELCER,Justice et rhétorique selon Chaïm Perelman, ou comment dire le juste ?, 2013. Jacques STEIWER,Les méandres de la raison impure, 2013. Philippe RIVIALE, L’éternel dans le fini. Rencontre de Maître Eckhart et de Simone Weil,2013. Norbert HILLAIRE,La fin de la modernité sans fin, 2013. Jean-Pierre GRES,La démocratie et le vivant. Un système à l’épreuve des hommes, 2012. François HEIDSIECK,L’Ontologie de Merleau-Ponty (réédition), 2012.María PUIG de la BELLACASA,Politiques féministes et construction des savoirs, 2012. Pascal KOLESNORE,: éclairagesHistoire et liberté kantiens, 2012. Mahamadé SAVADOGO,Penser l’engagement, 2012 Françoise KLELTZ-DRAPEAU,Une dette à l’égard de la culture grecque. La juste mesure d’Aristote, 2012. Julien GARGANI,Poincaré, le Hasard et l’étude des Systèmes Complexes, 2012. Jean-Pascal COLLEGIA,Spinoza, la matrice, 2012.
Jordi Corominas Joan Albert Vicens XAVIERZUBIRI
La solitude sonore
(1931-1940) Tome 2 “Nous ne faisons que commencer” Traduit de l’espagnol par Vincent Pelbois Édition révisée et actualisée par les auteurs
Esta obra ha sido publicada con una subvención de la Dirección General del Libro, Archivos y Bibliotecas. Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Direction Générale du Livre, des Archives et des Bibliothèques. Ministère espagnol de la Culture. Relecture : Emna Arfaoui © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-00147-0 EAN : 9782343001470
SOMMAIRE. DEUXIÈME PARTIE
“NOUS NE FAISONS QUE COMMENCER”
1931-1940 1. LA RÉPUBLIQUE ............................................................................. 07 2. CRUZ Y RAYA ................................................................................ 31 3. L’UNIVERSITÉ D’ÉTÉ .................................................................... 57 4. SÉCULARISATION .......................................................................... 67 5. LE SECOND PROCÈS ...................................................................... 85 6. ROME............................................................................................... 103 7.MARIAGE......................................................................................... 121 8. GUERRE EN ESPAGNE ................................................................. 141 9. PARIS ............................................................................................... 161 10. ATTENTE ET TENSION .............................................................. 189 11. UNE AUTRE GUERRE................................................................. 213 12. LE RETOUR .................................................................................. 237 13. BARCELONE ................................................................................ 259 SIGLES FCC: Fiches de Carmen Castro. Ces fiches, écrites par la femme de Zubiri après sa mort, recueillent diverses informations dans le but d’élaborer une biographie. FXZ: Fonds Xavier Zubiri. Le fonds contient toute la correspondance de Zubiri et l’ensemble de ses travaux, publiés ou non, ainsi que les écrits en relation avec son procès de sécularisation (1933-1935) et la documentation personnelle qu’il gardait chez lui. Sous ces sigles, nous comprenons aussi les documents de Carmen Castro et de la Société des Études et Publications déposés à la fondation Xavier Zubiri.
Celui qui se sent profondément étranger à tout se retrouve seul, et se trouvant seul, il se retrouve avec lui-même. […] S’il a la force de ne pas fuir, sa solitude commence à ne plus lui être si insoutenable, et il commence à ne plus se sentir si étranger. X. Zubiri
1 LARÉPUBLIQUE L es voyageurs montent dans le train! Le train express de Madrid va partir ! — Camarades ! Tous à la grève du chemin de fer ! Le chef de gare annonce le départ du convoi dans lequel Xavier ira de Saint-Sébastien à la capitale de la République espagnole, pendant qu’un syndicaliste, monté sur une brouette, crie des slogans anti-capitalistes et distribue des tracts pour la grève annoncée des cheminots. Les gens se pressent sur les quais, avec leurs paquets et leurs valises, prêts à rentrer chez eux après les vacances à Saint-Sébastien. Xavier a bien du mal à trouver un porteur pour emmener vers son wagon ses malles pleines de livres et de notes de cours en allemand. Il vient de passer quelques jours avec ses parents, qu’il n’avait pas vus depuis deux ans. Son père et son frère, qui maudissent la République, lui ont raconté les jours dramatiques de la grève générale organisée par les anarchistes à Saint-Sébastien, qui a fait trois morts. La joie de don Miguel et de doña Pilar n’avait pas de limite lorsqu’ils accueillirent leur fils, que d’après leur correspondance, ils imaginaient enthousiasmé par son passage en Allemagne et par ses relations avec les savants les plus éminents. Ils ne tardèrent pas à déchanter. Ils retrouvèrent un Xavier déprimé, et qui tomba malade aussitôt arrivé en terre basque. Son retour à la maison signifiait le retour au monde étouffant qu’il avait presque oublié. Des jours difficiles. Xavier a dû remettre la soutane, et il a évité, prétextant sa mauvaise santé, les demandes insistantes de ses parents de célébrer la messe. La liberté des années en Allemagne, la proximité de son ami Ímaz, la tendresse de Carmen à Berlin, le festival des philosophies et des sciences auquel il a assisté aux premières loges : tout cela s’est évanoui sur les vieux scénarios de sa vie. Xavier se sent de nouveau enchaîné.
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Quand il arrive à Madrid, en septembre 1931, il remarque immédiatement que la ville a changé. Le drapeau tricolore flotte sur le Palais des Communications, et sur les autres édifices officiels. Tout le monde conserve le souvenir agréable des journées de triomphe, lorsque des multitudes parcouraient les avenues centrales au milieu des « Vivas ! » et des « À bas ! » pour fêter le nouveau régime républicain, au son de la Marseillaise, de l’Internationale et de l’Hymne de Riego. Sur certains murs, il reste encore des traces des affiches de ces journées de fête : beaucoup étaient favorables à la République ; et un certain nombre montraient du mépris envers le personnage du Roi. « Il n’est pas parti, on l’a foutu dehors ! », criait-on en avril. Les dégâts causés sur tout ce qui rappelait la monarchie : statues, inscriptions ou symboles royaux, et le changement des noms de nombreuses rues, de théâtres ou de commerces, sont bien visibles. L’hôtel Prince des Asturies, sur la Carrera de San Jerónimo, s’appelle simplement l’hôtel des Asturies. Il s’amuse aussi en voyant que l’ancien café Royalty a gardé son ancien nom : personne ne semble s’être rendu compte que cela signifie « Royauté ». Il est par contre ému de voir la façade noircie de l’église des jésuites, rue de la Fleur, près de la Gran Vía. L’église a été incendiée par des groupes anticléricaux au mois de mai, avec d’autres églises et couvents de Madrid, comme représailles contre une manifestation monarchiste de la veille. Xavier n’arrive pas à croire qu’elle ait brûlé devant une foule de curieux qui regardaient sans sourciller le spectacle depuis les balcons et les trottoirs, en mangeant des churros et des beignets, en suçant des glaces ou en se faisant lustrer les chaussures. Quelques-uns seulement osèrent condamner à voix haute ce qui se passait. — C’est les Maçons qui ont fait ça ! cria un homme indigné devant la foule indifférente. — Ce gouvernement est plein de Francs maçons ! C’est eux qui ont tout décidé en secret ! renchérit un autre. — S’ils l’ont décidé en secret, comment donc le sais-tu, toi ? lui réplique 1 aussitôt un petit malin, tout en mangeant de la friture . En ce même mois de mai, le gouvernement avait expulsé l’évêque Mateo Múgica de Vitoria ainsi que le cardinal Pedro Segura, primat de Tolède. Le premier avait accepté la République, mais n’avait pas voulu annuler une manifestation de carlistes et de nationalistes qui le reçurent lors d’une visite pastorale à Bilbao ; le second, plus provocateur et traditionaliste, avait écrit une lettre pastorale élogieuse envers la monarchie. Le militantisme anticlérical de plusieurs des gouvernants du moment, ajouté à la connivence séculaire des catholiques avec la Monarchie, rendait déjà tendue l’atmosphère politique. On pressent de graves conflits entre le nouveau régime et l’Église catholique. Par-dessus toutes ces incertitudes, beaucoup vivent dans l’enthousiasme d’une liberté dont ils n’avaient jamais rêvé. La République, la « jolie petite fille », comme beaucoup la nomment, signifie avant tout un
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espace de liberté. Les citoyens se sentent libérés de la vieille tutelle, où l’on avait du mal à tolérer les avis différents, et ils jouissent de leur liberté d’expression, de réunion et de manifestation, comme d’un nouveau jouet. Beaucoup attendent de la République une profonde transformation sociale. Les ouvriers, fatigués de vivre mal et de mourir misérablement, aspirent à des salaires dignes, au droit d’absence pour maladie et d’indemnisation pour le chômage. Les paysans, rassasiés de misère, exigent une réforme agraire qui leur assurerait le pain quotidien et les protègerait contre les caprices des grands propriétaires. Les républicains libéraux pensent que les changements doivent s’opérer prudemment pour éviter que les capitalistes ne prennent la poudre d’escampette et ne laissent l’économie du pays à l’abandon. Les partis de gauche, au contraire, croient que la République doit redresser tous ceux qui en ont besoin, qu’ils soient industriels, propriétaires, banquiers ou même des ordres religieux. Ils sont convaincus qu’une révolution d’inspiration socialiste est indispensable. Cependant, les diverses familles du PSOE, le principal parti du pays, divergent sur le rythme et sur la portée du changement : certains opinent qu’il faut avancer graduellement tant que c’est possible en coalition avec d’autres forces démocratiques, alors que d’autres préconisent une transition plus rapide vers un état socialiste. Et d’aucuns observent que dans les librairies de Madrid, les livres d’inspiration soviétique commencent à proliférer. De leur côté, les organisations anarchistes poussent comme des champignons en Andalousie, en Estrémadure et en Catalogne. Deux mois seulement après le départ du Roi, la CNT considérait déjà que la République n’était qu’un piège bourgeois pire que la monarchie. Avec dans une main une encyclopédie et dans l’autre un pistolet, les anarchistes rêvent d’une révolution libertaire, sans État, sans curés et sans propriétaires. Leurs attaques au régime par des grèves, des révoltes et des actes violents – la « propagande des morts », comme ils l’appellent – créent une atmosphère de panique dans la bourgeoisie espagnole. On suppose qu’ils sont capables de mobiliser jusqu’à un million et demi de sympathisants. Dans ce Madrid républicain, politiquement tourné vers la gauche, Zubiri se sent plus observé que jamais lorsqu’il se promène attifé de sa soutane de curé. Dans certains regards, il discerne un mépris qui jusque-là ne s’était jamais manifesté ; dans d’autres, une complicité ou une pitié qui laissent transparaître de la crainte pour le futur. — Après vous, mon Père, lui dit un brave homme, un matin, quand il monte dans le tramway. — Pas question de Pères ni de Fils, lui rétorque un jeune avec le visage des mauvais jours. Ici, on est tous républicains ! Zubiri loue un appartement rue López de Hoyos, près de la rue Serrano. Il refuse toute offre de bénéfice ecclésiastique, prétextant qu’il lui
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