Dieu pour tous et Dieu pour soi
402 pages
Français

Dieu pour tous et Dieu pour soi , livre ebook

402 pages
Français

Description

Aboutissement de recherches sur la vie religieuse dans la France de l'Ancien Régime, cet ouvrage étudie les confréries, leurs statuts et leurs images dans leur profusion au XVe et XVIe siècles et leurs mutations durant les deux siècles suivants : des confréries qui s'orientent beaucoup plus vers la prière personnelle, le salut individuel inversement à la période médiévale où les soucis du groupe et les manifestations collectives dominaient.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2007
Nombre de lectures 10
EAN13 9782296428942
Langue Français
Poids de l'ouvrage 27 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0070€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Préface
Dans le renouveau qu’a connu en France l’histoire religieuse, en ce
demisiècle écoulé, un des chantiers les plus actifs a porté sur les confréries. On ne
dira jamais assez le rôle qu’a joué le doyen Gabriel Le Bras pour intéresser les
chercheurs àdesinstitutions d’Eglise dontla relative spontanéitéavait d’emblée
retenu son attention. Mais il ne faut pas non plus négliger le vent qui soufflait
d’Italie quand, en 1960, on y célébrait le septième centenaire du«Mouvement
1des disciplinés » c’est-à-dire des pénitents . Car l’onde a d’abord touché les
historiens médiévistes qui, lorsqu’ils ne se perdaient pas dans de vaines
querelles sur les origines des institutions confraternelles, y trouvaient une des
formes les plus vivantes d’une société en voie d’urbanisation. Avec un peu de
retard, en dépit des exhortations de Le Bras, les historiens de l’époque moderne
se penchèrent à leur tour sur cet aspect de la ferveur religieuse et de la
sociabilité:ici,onnesaurait tairel’impulsiondonnéeparlelivred’Agulhonsur
2les confréries provençales du XVIIIe siècle . Mais l’onde atteignait aussi les
sociologues et les ethnographes, chez qui un petit livre de Martine Segalen fit
date: car il s’intéressait aux survivances actuelles des anciennes confréries,
3pénitents de Provence et charités de Normandie en particulier . Ultimes îlots
émergés de ce qui fut un immense continent. Mais ainsi va l’histoire, qui ne
choisitsesobjetsd’étudequelorsqu’ilssontmortsouqu’ilsagonisent.
Le Bras, l’Italie, la Provence. Faut-il s’étonner que Marie-Hélène
FroeschléChopard, enracinée dans la Provence orientale et élève indirecte du doyen, se
soit consacrée, depuis ses premiers pas dans le jardin de Clio, à l’étude des
confréries. Elle l’a fait en y apportant quelques touches qui lui sont propres: le
sens de la représentationgraphique, et la passion pour les images, cet outil
pédagogique dont les guides religieux ont toujours usé auprès des fidèles, avec
plus ou moins de talent. Le présent livre est donc l’aboutissement de dizaines
d’années de prospection dans les églises et les archives de Provence comme
dans les grands dépôts de Rome ou de Paris, sans négliger la lecture attentive
des travaux qui partout ont fleuri en ces dernières années. Grâce à elle, nous
avons à présent pour les confréries de l’époque moderne le répondant de
4l’ouvragepubliénaguèreparCatherineVincentsurlesconfréries médiévales .
1 Il Movimento dei Disciplinati nel Settimo Centenario dal suo inizio (Perugia 1260).
Convegno internazionale, Perugia, 25-28 settembre 1960.Spoleto,1962.
2 MauriceAgulhon,Pénitents etFrancs-Maçonsdel’ancienneProvence,Paris,1968.
3 MartineSégalen, Les confréries dans la France contemporaine. Les charités,Paris,1975.
4 Catherine Vincent,Les confréries médiévales dans le royaume de France, XIIIe-XVe siècle,
Paris,1994.DIEUPOUR TOUSETDIEUPOUR SOI
Après un premier flot confraternel, qui avait recouvert la chrétienté du XIIIe
au XVe siècle, nous assistons maintenant au déferlement de la deuxième vague.
Entrelesdeux,ils’estproduit unephasederemiseenquestion,souslecoupdes
critiques venues à la fois des autorités ecclésiastiques et politiques: on accusait
les confréries d’échapper au contrôle des prélats, de faire des monopoles, de
gaspiller l’argent destiné aux pauvres, de détourner les fidèles de leurs devoirs
paroissiaux etc. Les condamnations prononcées par Luther et par les
Réformateurs protestants ont trouvé un terrain tout préparé, quantité de
confréries sont définitivement abolies. Mais ailleurs, le réseau confraternel
oppose une résistance obstinée à ceux qui prêchent que les oeuvres –celles que
recommandaient leurs statuts– ne sont de nulle valeuraux yeux de Dieu. Il n’a
donc pas fallu longtemps pour que les responsables de l’Eglise établie, pape en
tête, s’avisent du parti qu’ils pouvaient tirer d’une institution rénovée et bien
tenue en main. Marie-Hélène Froeschlé-Chopard a trèsjustement mis en relief
la refondation, en 1539, par le pape Paul III, de la confrérie du Saint-Sacrement
établie à Rome dans l’église de la Minerve. Or, Paul III, c’est aussile pape qui,
toutenréussissantàfaireaboutirlaconvocationd’unconciledecontre-réforme,
a approuvé la Compagnie de Jésus fondée par Ignace de Loyola et restauré
l’Inquisition romaine. Toutes initiatives qui eurent leur écho en France, avant
même que notre pays ne se déchire dans la crise politico-religieuse de la fin du
XVIe siècle. Mais c’est dans cette France passionnément divisée que notre
deuxième vague confraternelle commence à monter, avant de s’épanouir au
XVIIe siècle, sous des patronages et dans des formes de piété qui correspondent
aux exigences du catholicisme réformé, tout en contrant les doctrines
protestantes. La dévotion s’adresse désormais avant tout au Christ –plus
spécialement dans le mystère, contesté par les protestants– de sa présence
eucharistique; à la Vierge Marie, dans la prière et la méditationdu Rosaire; à
des saints protecteurs, maisreconnus d’abord comme des modèles; sans oublier
lespauvresâmesquidanslePurgatoireattendentlessuffragesdes vivants.
Il ne m’appartient pas de suivre ici le parcours que nous propose
MarieHélène Froeschlé-Chopard. A partir de multiples sources, dont l’iconographie
est souvent la plus parlante, elle nous donne la mesure du phénomène. Des
centaines de confréries dans le Paris de 1621, plus souvent héritées du passé, à
cette date, que représentatives des nouvelles dévotions; et je puis ajouter, à
peine moins à Rouen, qui est alors encore la seconde ville de France. Mais des
confréries, également, jusque dans les moindres villages, ne serait-ce que parce
que les évêques n’ont de cesse que chaque paroisse de leur diocèse ait sa
confrérie du Saint-Sacrement ou sa confrérie du Rosaire. Dans ces confréries,
autant d’hommes, sinon plus, que de femmes: on s’inscrit par familles entières.
C’est plus tard, et selon une trajectoire qu’il serait intéressant de suivre en
10PREFACE
détail, que les hommes vont peu à peu déserter la dévotion confraternelle,
laissant la majorité –mais non pas le pouvoir– au deuxième sexe. Il faut bien
dire aussi que l’engagement dans une confrérie peut entraîner des conséquences
bien diverses: ce n’est pas la même chose d’être pénitent dans une compagnie
qui se réunit une centainede fois dans l’année et pose de strictes exigences de
pratique sacramentelle et de piété individuelle, ou d’être membre d’une
confrérie qui n’exige que le versement d’une cotisation et la présence à
quelques offices religieux et à une ou deux assembléesfestives. Délaissant
quelque peu ce dernier modèle, Marie-Hélène Froeschlé-Chopard a braqué son
projecteur sur les confréries véritablement dévotes, celles qui, créées comme je
viens de dire dans l’esprit de la Réforme catholique, sont les plus exigeantes en
actes de piété. Mais on ne saurait oublier que, même dans les confréries plus
anciennes, les confréries «d’intercession » et en particulier les confréries de
métier, les statuts réécrits au XVIIe siècle témoignent, par des articles
moralisantsou par la suppression de pratiques jugées trop profanes, que le
catholicismeépuréetcléricalaimprimésa marque.
On retiendra en tout cas une des idées majeure de ce livre: les confréries,
qui étaient primitivement des institutions de salut collectif et de piété solidaire
deviennent, dans l’Eglise moderne, des institutions d’encadrement d’une piété
essentiellement individuelle. Ce phénomène, Marie-Hélène Froeschlé-Chopard
l’illustre par une antithèse extrêmement suggestive entre le banquet et la
communion. Pour les anciennes confréries, le banquet annuel n’était pas tant
une fête qu’un rite de fraternisation et de paix, et à ce titre, obligatoire et
codifié. A l’époque moderne, le banquet, dont

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