La sorcelleriephobie

Olivier Nkulu Kabamba

Description

Cet ouvrage analyse de manière rationnelle cette phobie de la sorcellerie qui affecte un certain nombre des membres de la diaspora africaine vivant en Europe et en Amérique du Nord. L'auteur appuie son analyse sur l'enquête non structurée, basée sur une méthode qualitative, qu'il a mené dans les milieux de la diaspora africaine en Belgique et au Canada, deux pays dans lesquels il travaille.

Sujets

• Major religious groups
• Religion

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 19 décembre 2018
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782140108297
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

OlivierN KULU K ABAMBA

LA SORCELLERIEPHOBIE Enquête dans les milieux de la diaspora africaine en Belgique et au Canada

PHOBIE

LA SORCELLERIE

La sorcelleriephobie

Olivier N KULU K ABAMBA L A SORCELLERIEPHOBIE

Enquête dans les milieux de la diaspora africaine en Belgique et au Canada

© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16392-5 EAN : 9782343163925

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Dans la grande diaspora africaine en Occident se vit un phénomène caché aux conséquences souvent dramatiques au niveau de la santé mentale de certains membres de cette diaspora. Il s’agit de la peur excessive de la sorcellerie. Autrement dit, certains Africains de la diaspora vivent au quotidien dans une très grande peur d’être ensorcelés. Dans sa pièce de théâtre intitulée « Kindoki ekumisi ngai bolole » (la sorcellerie m’a rendu dingue ou ridicule), l’humoriste congolais Baba-Cool dépeint bien ce phéno- mène lorsqu’il dit : «Ils ont quitté l’Afrique sans vraiment l’avoir quittée, pour preuve : regardez comment la peur de la sorcellerie les colle au mental et vous comprendrez». En effet, dans le sujet de certains membres de la diaspora africaine, la peur excessive de la sorcellerie est une peur démesurée qui présente toutes les caractéristiques des 1 phobies telles qu’elles sont décrites dans les manuels de psychiatrie et de psychopathologie qui servent de réfé- 1 Le livre des psychiatres et psychologues français Christine Mirabel- Sarron, et Luis Vera présente un lexique très intéressant des phobies. CHRISTINE MIRABEL-SARRON & LUIS VERA,Comprendre et ème traiter les phobies,2 édition entièrement refondue, Paris, Dunod, 2012, Annexe 4 : Liste des phobies : une savante classification, p.214- 223.

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2 rence dans les pays occidentaux . Dans le livre des psychiatres et psychologues français Christine Mirabel- Sarron et Luis Vera, on trouve le terme «Wiccaphobie» pour désigner «la peur des sorcières et de la

2  PAUL DENIS,Les phobies,? », 2006.PUF, coll. « Que sais-je  Paris, Dans cet ouvrage de référence, agréable à lire et clair, précis et pédagogique, qui relève d’une synthèse très suggestive, Paul Denis éclaire avec justesse et profondeur la complexité des phobies, leur gravité fréquente, ainsi que leurs paradoxes. Sont également examinées dans ce livre de Paul Denis : les relations entre phobie, dépression et inhibition, les relations entre la phobie et la honte (à partir de l’éreutophobie) ainsi que les traitements de la phobie (psychiatrique, cognitivo- comportemental, psychanalytique). Paul Denis (membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris et directeur de laRevue Française de Psychanalyse de 1996 à 2004) nous propose cette fois une réflexion concise et dense sur les phobies : «Les phobies, ces peurs irraisonnées déclenchées par une circonstance sans danger, sont psychanalytiquement définies par le déplacement (projection), sur un objet, une personne ou une situation du monde extérieur, d’une figure angoissante de l’univers psychique. Elles se distinguent, par leur irrationalité, des peurs devant un danger réel ou devant ce qui rappelle un traumatisme antérieur. Elles concernent donc des situations ou des objets dépourvus de dangerosité. La phobie implique ainsi une distorsion partielle des possibilités de jugement appliquées au monde extérieur, une altération partielle du sens de la réalité, ou du moins leur contamination par un élément fantasmatique qui vient les troubler. Partiel, ce trouble rattache les phobies à la névrose, car l’ensemble du fonctionnement de l’esprit n’est pas atteint, mais des phobies multiples, intenses, extensives nous rapprochent parfois des frontières de la psychose. Certaines phobies entraînent une crainte permanente, obsédante, d’être confronté à la situation phobogène, ce qui pose la question du rapport entre obsessions et phobies. Contrainte à des répétitions incessantes de gestes visant à annuler l’angoisse sans parvenir à chasser l’idée parasite obsédante, la personne obsessionnelle est plus exposée à l’angoisse que celle qui est simplement phobique».

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3 sorcellerie. » Pour ma part, j’ai choisi de désigner cette phobie de la sorcellerie par le terme spécifique de ‘‘sorcelleriephobie’’ et les Africains qui en souffrent, je les désigne sous l’appellation de personnes ‘‘sorcelleriephobiques’’. En effet, en Afrique, il existe une peur de la sorcellerie ; en Afrique tout le monde ou presque a très peur d’être ensorcelé. La peur de la sorcellerie et de la magie est un élément important dans la culture traditionnelle des peuples africains. Cependant, chez certaines personnes, cette peur est excessive, démesurée, hors normes. Selon une figure bien connue de la psychiatrie africaine depuis les années 1990, Grégoire Ahongbonon, Béninois d’origine, qui a émigré en Côte d’Ivoire en 1971 : «ici,dit-il, la peur de la sorcellerie est obsessionnelle et oppressante ».:Le mot est lâché « obsession »selon le dictionnaireLe Larousses’agit il d’uneidée répétitive et menaçante, s’imposant de: « façon incoercible à la conscience du sujet, bien que celui- ci en reconnaisse le caractère irrationnel.» Certains Africains sont psychiquement de véritables malades de la ‘‘sorcelleriephobie’’. Pour une personne ‘‘sorcelleriepho- bique’’, la peur d’être ensorcelée est devenue vraiment très envahissante dans son esprit, créant des situations incon- fortables où l’anxiété prend énormément le dessus, la pensée raisonnable est stoppée net, le temps est comme suspendu, et la personne se sent sans recours face à un danger qui menace de la détruire. Elle est figée, inhibée, dans l’incapacité de se déplacer, d’aimer, de jouir de la

3 CHRISTINE MIRABEL-SARRON & LUIS VERA,Comprendre et ème traiter les phobies,2 édition entièrement refondue, Paris, Dunod, 2012, Annexe 4 : Liste des phobies : une savante classification, p.223.

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