Libérer le prêtre de l état clérical
298 pages
Français

Libérer le prêtre de l'état clérical , livre ebook

-

298 pages
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Description

De 1968 à 1975, Echanges et Dialogue rassemblent des prêtres contestataires français qui veulent tuer le clerc et porter la révolution dans l'Eglise. Le prêtre doit occuper un emploi salarié, s'engager dans la vie politique et syndicale. Il peut se marier s'il le désire. Par son fonctionnement en réseaux, son internationalisme et son ouverture à la société civile, ce mouvement n'était-il pas annonciateur des courants altermondialistes d'aujourd'hui ?

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Publié par
Date de parution 01 novembre 2008
Nombre de lectures 193
EAN13 9782296213562
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

INTRODUCTION
Dans la mouvance des groupes contestataires issus de mai
1968, émerge un mouvement très particulier, entendant jouer un
rôle dans l’Eglise et dans la société: Echanges et Dialogue, qui
rassemble des prêtres exigeant la mort du clerc. Le prêtre doit
occuper un emploi salarié, s’engager dans la vie politique ou
syndicale, et peut se marier s’il le désire.
De 1968 à 1975, la vie d’Echanges et Dialogue s’inscrit
dans cette période du catholicisme français que l’on qualifie
généralement de «crise ». En effet, la pratique régulière diminue
fortement, le nombre des vocations sacerdotales chute, l’Action
catholique spécialisée perd ses militants, le magistère se heurteà la
libération des mœurs ; tandis que les fidèles sont déboussolés, la
dissidence intégristeaffaiblit l’Eglise.
Le mouvement du 3 novembre,Echanges etDialogue,joue
un rôleassez important sur la scène religieuse desannées
soixantedix pour être au moins évoqué dans la plupart des ouvrages de
synthèse. Dans un ouvrage devenu un classique, Histoire
religieuse de laFrancecontemporaine,Yves-MarieHilaire expose
les revendications du mouvement et le soutien qu’il apporte au
1départ de prêtres .En revancheEchanges etDialogue n’est pascité
par René Rémond dans Histoire de la France religieuse. Certes,
l’auteur insiste sur le choc qu’ont subi les Eglises, protestantes
comme catholique, en 1968 ; «les clercs, écrit-il, ont été plus
troublés encore que les fidèles », mais il n’aborde pas le
mouvement du 3 novembre, se contentant de souligner l’action de
chrétiens qui «crurent alors devoir étendre les effets de 68 aux
2communautés ecclésiales et yfaire la révolution » .
1G. Cholvy, Y.-M. Hilaire,Histoire religieuse de la France contemporaine, t. 3,
Toulouse,Privat, 1988, p. 311, p. 325.
2Histoire de la France religieuse,(J. LeGoffetR.Rémond dir.),XXème siècle, t.
4,Paris,Seuil, 1992, p. 359.INTRODUCTION
Plusieurs historiens se sont penchés sur Echanges et
Dialogue dans leurs travaux.Par exemple, dans son ouvrage sur Le
Mai 68 des catholiques, Grégory Barrau décrit la naissance du
mouvement ; «le mai des prêtres contestataires sous-tend cette
création ; dans les rencontres qu’il suscite, dans l’influence du
message qu’il perpétue, dans son mode de manifestation»; il
présente la genèse du groupe «comme un épilogue aux
événements qui agitent le clergé durant le mouvement de Mai et
comme un prologue à une crise nouvelle dans l’Eglise de
3France » . Jacques Prévotat, lui, s’intéresse à l’ensemble du
4
XXème siècle ; il montre comment les chrétiens de France,
catholiques et protestants, ont tenté de surmonter les
bouleversements et les épreuves du siècle et ont cherché à vivre
leur foi. Ilfournit, en quelques pages, une synthèse des
interrogations du clergé en 1968, de la crise d’identité du prêtre,
très vive à la fin des années soixante, des tentatives de renouveau
sacerdotal mises en place pour y répondre jusqu’aux années
quatre-vingt-dix. Denis Pelletier envisage une période plus courte,
de 1965 à 1978, temps de «crise catholique de la société
5française » plutôt que de crise du catholicisme français. La
naissance d’Echanges et Dialogue, les prises de position du
mouvement sont expliquées et situées à la fois dans la mouvance
très politisée deschrétiens de gauche ou deschrétiens en recherche
et dans celle, plus générale, d’un catholicisme en pleine transition
au sein du champ religieux occidental. Dans Vers une Eglise sans
prêtres, Martine Sevegrand étudie de manière précise les éléments
de la crise du clergé séculier, qui s’exprime par un tarissement des
vocations et des départs massifs de prêtres ; elle en cherche les
racines profondes, en explorant le territoire national et en plaçant
3G.Barrau,LeMai 68 descatholiques,Paris,Editions de l’Atelier, 1998, p. 109.
4J.Prévotat,Etrechrétien en FranceauXXème siècle, de 1914à nos jours,Paris,
Seuil, 1998, 286 p.
5D. Pelletier, La crise catholique. Religion, société, politique en France
(19651978),Paris,Payot, 2002, p. 297.
8Libérer le prêtre de l’étatclérical.Echanges etDialogue (1968-1975)
la focale sur le diocèse de Dijon, où s’activa un groupe important
6d’Echanges etDialogue .
Plus que les historiens, Echanges et Dialogue a concerné
sociologues et théologiens. Parmi les premiers, Anton Buehler
choisit comme champ d’analyse «l’innovation spontanée et
conflictuelle dans l’Eglise catholique après le concile Vatican II».
Plutôt qu’à l’innovation contrôlée et reconnue par le pouvoir
religieux, A. Buehler préfère porter attention à l’innovation
spontanée voire sauvage à l’intérieur de l’Eglise, car souligne-t-il,
«celle-ci est première par rapport à l’innovation officielle qui est
le produit d’un rapport de forces entre la revendication d’un
sousgroupe et les exigences du corps institutionnel ». Sa recherche
concerne trois groupes de pays différents, où le mouvement
contestataire présente un visage original, constituant des cas
représentatifs au sein du mouvement des prêtres contestataires:
AGP, Septuagint, Echanges et Dialogue. A partir de l’examen des
textes publiés par les trois groupes, d’entretiens oraux et de ses
observations lors des assemblées de ces groupes, Anton Buehler
étudie chacun d’eux successivement ; il désigne tout d’abord les
facteurs ecclésiaux et sociaux qui conditionnent chaque
mouvement, puis les orientations et les stratégies de chacun.
Malgré ces trois tableaux successifs, A. Buehler donne à sa
recherche une dimension comparatiste, montrant par exemple que,
à la différence de ce qui se passe en Allemagne pour AGP, qui
choisit la voie réformiste, en France Echanges et Dialogue se
définit comme mouvement révolutionnaire engagé dans la lutte
politique, chaque pays ayant ses variables ecclésio-sociales
7propres .
6M. Sevegrand,Vers une Eglise sans prêtres. La crise du clergé séculier en
France (1945-1978), Rennes,PUR, 2004, 325 p. Martine Sevegrand qualifie le
diocèse de Dijon de«sinistré»; une assembléenationale d’Echanges et Dialogue
se tint danscette ville enavril 1970.
7A. Buehler, L’innovation dans l’institution religieuse. Une analyse sociologique
de trois groupes de prêtres contestataires: France, Allemagne, Hollande, Thèse
de sociologie, Université de Louvain, 1975, 405 p. L’intérêt de la recherche de
Buehler tient aussi à ce qu’il est un chrétienengagé, puisqu’il est secrétaire d u
9INTRODUCTION
8Théologien, Jean Rigal, dans sa thèse sur les ministères ,
ne se donne pas pour but d’étudier Echanges et Dialogue en
luimême. Mais, étant donné la date à laquelle il mène ses recherches,
tout à fait contemporaine de l’existence du mouvement, il ne peut
pas ne pas en tenir compte. La période post-conciliaire se
caractérise, dans le domaine des ministères, par le bouillonnement
et la contestation ; un double dynamisme apparaît: les requêtes de
nombreux prêtres rejoignent la définition des laïcs, tandis que
celles de beaucoup de laïcs rejoignent partiellement la définition
des prêtres. J. Rigal reprend donc les questions que pose Echanges
et Dialogue et les solutions qu’il imagine, en confrontant les
élémentscontestatairesaux enseignements magistériels.
Au total, si bien des études sur l’évolution de la vie
religieuse française contemporaine font mention du mouvement du
3 novembre, aucune, avant la nôtre, ne lui a été consacrée
exclusivement. Comment expliquer ce déficit bibliographique à
son sujet ? Est-ce la proximité de l’événement survenu il y a
seulement une quarantaine d’années ? L’historien est-il en mesure
de saisir les racines, les bases de ce groupe ? De déterminer ses
champs et ses modes d’action ? De désigner ses principaux
acteurs ? Peut-il surtout définir la nature de ce groupe qui se
présente comme mouvement ? Après à peine six ans et demi
d’existence, Echanges et Dialogue se saborde. Ce suicide semble
révéler l’échec d

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