Religion et valeurs en France et en Europe
207 pages
Français

Religion et valeurs en France et en Europe , livre ebook

207 pages
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Description

Quelle influence la religion exerce-t-elle sur les valeurs ? Dans quelle mesure être catholique, protestant ou musulman favorise-t-il le développement d'attitudes singulières et des comportements originaux ? Dès ses travaux fondateurs, la sociologie s'est intéressée aux liens entre religion et valeurs. Il s'agit ici de prolonger ce souffle pionnier en questionnant les sociétés d'aujourd'hui, en France et en Europe, dans divers registres de l'activité humaine : sexualité, politique, morale, économie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 141
EAN13 9782296231702
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sommaire
ClaudeDargent,RaphaëlLiogier,Introduction 7
1Religion, politique et sexualité
Pierre Bréchon, Intégration au catholicisme et valeurs politiques en
France 23
Guy Michelat, Attitudes à l’égard de la sexualité, intégration
religieuse et orientation politiqu e 45
Martine Gross, Valeurs chrétiennes et stratégies identitaires
homosexuelles 65
2D’uneconfessionà l’autre
Claude Dargent, Croyances religieuses, dispositions morales et
attitude faceau travail:actualité deMaxWeber 87
Yves Lambert, Des changements dans les liens entre religion et
valeurs enEurope 111
RaphaëlLiogier,Espace social des valeurs etadhésion religieuse 133
3Migrations etchangementculturel
Fabrice Desplan, Valeurs adventistes et culture antillaise: une
relation paradoxale 157
Sonia Tebbakh, L’islam et les Français d’origine maghrébine.
Incidences du religieux sur le rapport au monde et l’adhésion aux
valeurs 177
BrunoDuriez,Conclusion 197Introduction:Religion et valeurs en question
ClaudeDargent,RaphaëlLiogier
Voici trois ans, en 2005, on a célébré le centenaire de la
publication de l’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme de Max
Weber.Ce petit livre, issu de deuxarticles de revue,aconnu un destin
tout à fait exceptionnel: on pourrait constituer une bibliothèque
impressionnante de sciences humaines et sociales à partir des écrits
qui l’ont commenté depuis un siècle –pour l’illustrer, le réfuter, le
1
prolonger, le réinterpréter .
Mettant à profit le recul désormais acquis par rapport à ce texte,
cet ouvrage entend apporter sa contribution à l’étude de la question
qui en constitue le cœur: les liens entre appartenance religieuse et
système de valeurs et de normes. En assumant to ute la complexité de
ces liens, dans la lignée du texte deWeber.
Malgréce précédent illustre,consacreraujourd’hui un ouvrageaux
relations entre religion et valeurs requiert toutefois une explication.
Car il s’agit de s’intéresser icià deux objets des sciences sociales dont
la pertinence et l’avenir sont parfois questionnés.
Commençons par les valeurs. Et puisque la référenceà un des
textes majeurs de Max Weber s’est déjà imposée, recourons à u n
auteur quilui a consacré un des essais importants du dernier quart de
2siècle , Gordon Marshall. Le sociologue britannique relève dans son
Dictionnaire de sociologie que le terme de valeur a plusieurs sens
1Ce centenaire était donc l’occasion de faire le point sur les perspectives
d’analyse que ce livre a ouvertes. Parmi de nombreux événements, il a
constitué l’occasion d’une journée d’étude intitulée Religion, valeurs et
changement culturel, coorganisée par le réseau thématique Sociologie et
religions de l’Association française de sociologie et l’Association française de
sciences sociales des religions. Cette rencontre s’est tenue le 27 mai 2005 au
Cevipof-Centre de recherches politiques de Sciences Po, et son intérêt nous a
semblé justifier qu’un livre fût consacré au thème exploré, constitué sur la
base descommunications présentées.
2Gordon Marshall,In Searchof “The Spirit of Capitalism”:an Essay on
MaxWeber'sProtestantEthicThesis,Aldershot,GreggRevivals, 1993.
7assez différents.Parmi les définitions qu’il en donne, la plus proche de
ce qui sera étudié danscet ouvrage est la suivante:
«Dans les recherches sur les attitudes, les valeurs renvoient aux
idées répandues dans une population et portant sur lescomportements
conformes à l’éthique ou considérés comme appropriés, ce qui est
jugé comme bien oucomme mal, qui doit être recherché ouau moins
approché.Les valeurs peuvent être plus ou moins fortes,changeantes.
«Lessociétés peuvent souvent accepter une grande diversité de
valeurs, bien qu’elles aient tout de même besoin d’un certain degré
d’homogénéité et de similitude dans les valeurs partagées en leur sein,
susceptible de susciterunfond commun à l’origine du consensus
social et politique – même si les théories du fonctionnalisme normatif
en général, en particulier celles de Talcott Parsons, sont accusées de
surévaluer la nécessité de partager des valeurs communes pour
maintenir l’ordre social. »
On aurait pu aussi bien utiliser d’autres dictionnaires de
sociologie: le terme valeury bénéficie presque toujours d’une entrée,
et d’une définition analogue à celle qui vient d’être présentée. Pour
autant, ce concept fait l’objet d’un tir croisé venant d’horizons par
ailleurs très divers des sciences sociales. Ainsi Raymond Boudon
reproche à cette notion d’occuper un statut de deus ex machina dans
beaucoup d’études sociologiques, qui dispense trop souvent d’une
3véritable réflexion sur le fait social étudié . Il a consacré un ouvrage
entier à dénoncer le poids excessif accordé à cette notion dans les
4explications du changementsocial : son caractère «collectif » lui
paraît peu compatible avec la méthodologie individualiste qui a ses
faveurs. On avait pu croire que sa reconnaissance récente de
l’existence d’une rationalité axiologique à côté de la rationalit é
5instrumentale allait redonner une place aux valeurs. Mais cett e
deuxième version de la rationalité se trouve finalement absorbée pour
l’auteur d'Effets pervers et ordre social dans une rationalité cognitive
qui ne leur laisse plus une place véritable. Et sur la dernière période,
sa dénonciation de la thèse du relativisme au profit d’une conception
3Raymond Boudon, François Bourricaud, article valeurs, Dictionnair e
critique de la sociologie,Paris,PUF, 1982, p. 601 (1èreédition).
4Raymond Boudon, La placedu désordre : critique des théories du
changement social,Paris,PUF,1984.
5RaymondBoudon,Le sens des valeurs,Paris,PUF, 1999.
8universaliste des valeurs enlève d’ailleurs de facto à la culture une
6
grande partie de son statut de variable sociologique de pleinexercice .
Le jugement porté sur le concept de valeur n’est pas plus positif
chez un auteur comme Pierre Bourdieu, même si c’est pour des
raisons bien différentes. La notion de culture occupe cette fois une
place centrale dans ses écrits. Mais c’est pour montrer la dimension
7fondamentalement sociale du goût,comme l’établitLaDistinction.Et
certainement pas poury voir un principe organisateur des conduites
sociales sur le modèle de la définition générale énoncée plus haut. Ce
principe organisateur, on le sait, reçoit chez l’auteur de La nobless e
d’État le nom d’habitus.Maisce système de dispositions n’est en rien
vu comme le produit d’un apprentissage proprement culturel, via la
socialisation: il est le résultat desconditions objectives qui sontcelles
du milieusocial, depuis la prime enfance. D’ailleurs, le terme
socialisation est absent des publications de cet auteur, sauf dans le
sens qu’on trouve dans La Distinctionoù, bien loin donc de renvoyer
à un apprentissage culturel, il désigne en fait le processus
d’intégration sociale.Quantau terme de valeurs, il est réservé dansce
livre à la valeur sociale prêtée à telle ou telle conduite, dans le cadre
des rapports de domination.
Centrer ainsi la sociologiede la culture sur les rapports de
domination comporte un inconvénient: nier en fait les cultures de
classe, comme l’ont regretté Claude Grignon et Jean-Claude
8
Passeron.On peutajouter pour notre objetqu’elle empêche de penser
les effets culturels de l’appartenance religieuse. Et cette approche
interdit également d’envisager d’autres régimes d’action q ui ne
s’inscrivent pas dans les processus de domination: on pense par
6Voir par exemple: Raymond Boudon, «À propos du relativisme des
valeurs: retour sur quelques intuitions majeures de Tocqueville, Durkheimet
Weber », Revue française de sociologie, numéro spécial: Sociologie des
valeurs : théories et mesures appliquées au cas européen, Olivier Galland et
YannickLemel (dir.),47(4), octobre-décembre 2006.
7PierreBourdieu,La distinction,critique sociale du jugement,Paris,Éditions
deMinuit, 1979.
8Claude Grignon, Jean-Claude Passeron, Le savant et le populaire:
misérabilisme et populisme en sociologie et en littératur e, Paris,
Gallimard/Seuil, 1989.
9exemple aux économies de grandeur analysées par Laurent Thévenot
9
etLucBoltanski .
Bien d’autres sociologues, français ou étrangers, recourent
volontiers au terme de valeur. Mais sa disqualification chez deux
auteursaussi importants en même temps qu’éloignés dans les sciences

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