Une politique pour Dieu
288 pages
Français

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Une politique pour Dieu , livre ebook

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Description

Depuis son implantation, le protestantisme en Polynésie apparaît comme une religion militante qui mêle étroitement Dieu aux affaires de la cité terrestre. Le présent ouvrage retrace l'évolution de cet engagement social et politique, au nom de Dieu. Adoptant un point de vue comparatif entre trois séquences temporelles, du Tahiti colonial à la Polynésie actuelle, il nous fait pénétrer dans les arcanes des cités terrestres rêvées par les dirigeants protestants.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2013
Nombre de lectures 16
EAN13 9782296539532
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
COLLECTION LETTRES DU PACIFIQUE
Collection dirigée par Hélène Colombani
Docteur d’Etat en Littératures et Sciences Humaines (LLSH)
Conservateur en chef principal des bibliothèques (ENSB Paris),
Déléguée de la Société des Poètes français, Sociétaire de la SGDL.
Cette collection contribue, avec plus de cinquante titres d’auteurs contemporains ou classiques du Pacifique, ainsi que ses études sur les littératures modernes, les sciences humaines et les traditions orales océaniennes, à faire de l’Harmattan le principal éditeur sur l’Océanie.
La variété et la richesse de ces textes, qui vont des œuvres de fiction à la recherche en sciences humaines, offre aux lecteurs un vaste choix qui leur permet de découvrir les peuples du Pacifique Sud.

Contact : he lsav@mls.nc


Voir le détail de la collection à la fin du volume
Titre
Annick Pouira-Lombardini



UNE POLITIQUE POUR DIEU

Influence de l’Église protestante du Tahiti colonial
à la Polynésie autonome


Collection Lettres du Pacifique
— 52 —
Copyright

© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-66921-2
Remerciements
Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à Jean-Marc Regnault qui a dirigé la thèse dont est tiré le présent ouvrage. Qu’il trouve ici mes plus sincères remerciements pour sa direction exigeante, ses conseils éclairés et ses encouragements.
Je souhaite aussi rendre hommage aux professeurs Paul de Deckker, aujourd’hui décédé, et Pierre-Yves Toullelan qui m’ont soutenue à des moments importants de mon parcours universitaire.
Enfin, je ne saurais oublier ma famille qui a toujours été à mes côtés : mes parents partis trop tôt, mes enfants Heiura et Heipua et, bien évidemment, mon mari Christian qui a patiemment suivi mon travail.
Dédicace
À la mémoire de ma mère et de mon père

A Tuhiti, Maimiti et Timeri

A Kilya et Keala
INTRODUCTION
Le protestantisme en Polynésie française apparaît comme une religion militante dans laquelle Dieu se mêle concrètement de la condition humaine. En attestent les prises de position, souvent tranchées, de l’Église protestante 1 . Ainsi, par exemple, dans le communiqué final du Synode d’août 2005, les dirigeants protestants demandent à l’État français de reconnaître et assumer les conséquences de la toxicité des essais nucléaires sur la santé des Polynésiens et, plus particulièrement, des anciens travailleurs de Moruroa . Ils dénoncent la précarité des personnes exerçant dans l’hôtellerie, n’hésitant pas au passage à reprocher aux organisations syndicales « leur faiblesse pour assumer leurs obligations dans ce domaine ». Le Conseil supérieur apparaît même comme très partisan lorsqu’il critique ouvertement les autorités gouvernementales du pays leur reprochant « d’oublier le peuple ma’ohi et de l’écarter volontairement des programmes de développement économique ». En août 2010, les sujets abordés sont aussi très significatifs. Pêle-mêle, on y trouve la question de « la libération du peuple ma’ohi », le changement de nom de la Polynésie, la mauvaise gouvernance des dirigeants politiques, les mesures alternatives à la détention. Enfin, lors de son synode d’août 2012, le Conseil supérieur prend ouvertement position en faveur de la réinscription de la Polynésie sur la liste de l’ONU des pays à décoloniser.

On retrouve ici les thèmes et le ton classiques de l’engagement, sur la scène sociale et politique, de l’Église protestante polynésienne de ces dernières années. En réalité, et contrairement à la représentation la plus répandue, cette implication active du protestantisme « dans le monde » pour le « salut » des Polynésiens remonte au début de son implantation. Ainsi, les missionnaires de la société de Londres, au cours du « premier dix-neuvième siècle », s’imposent dans tous les domaines de la vie insulaire tahitienne, au point d’en modifier radicalement l’aspect 2 . À leur suite, les envoyés de la Mission de Paris se montrent également omniprésents et omnipotents dans toutes les sphères de la société. Les autorités administratives françaises font d’ailleurs fréquemment remarquer leur forte influence sur l’opinion des populations. « Si l’on considère les résultats obtenus, on est étonné de la supériorité acquise par la religion réformée sur le catholicisme étant donné le petit nombre des pasteurs français comparé à celui des missionnaires de la congrégation de Picpus », dit le gouverneur Edouard Petit 3 , en 1903.

C’est l’histoire de cet engagement, au nom de Dieu, dans le cadre de la Polynésie française, hier Établissements Français d’Océanie (EFO) 4 , que nous allons tenter de présenter. Il s’agit d’esquisser l’image de la société que l’Église protestante veut transmettre, mais aussi de déterminer le sens de cette implication sociale et politique.

Le point de départ de ce panorama est l’année 1863 – qui marque l’arrivée en Polynésie des missionnaires français, venus se substituer à ceux de la Société de Londres pour sauvegarder un protestantisme a priori menacé par l’arrivée conjointe des colons français et des missionnaires catholiques – et son point d’arrivée : nos jours. Dans ce temps, s’inscrivent trois séquences, pertinentes pour l’histoire de la Polynésie. La première, de 1863 à 1945, se caractérise par la francisation des îles polynésiennes. La seconde regroupe les années d’après-guerre. C’est le temps de la décolonisation, soudain interrompue par l’installation du Centre d’Expérimentation du Pacifique au début des années 1960. C’est aussi, par voie de conséquence, le temps de l’ouverture à « une modernité écrasante 5 ». L’année 1977 est le point de départ de la troisième séquence qui montre l’action de l’Église protestante dans le contexte d’une Polynésie en recherche de toujours plus d’autonomie.

Au total, ce parcours dans l’histoire des protestants polynésiens ravivera peut-être les contours de leurs rêves de cités terrestres.
1 Au cours de son histoire, l’Église protestante a changé de nom à plusieurs reprises. Églises protestantes tahitiennes du temps des missionnaires français, elle devient Église évangélique de Polynésie française (EEPF) en 1963, Église évangélique en Polynésie française en 2001 puis Église protestante mäohi (EPM) en août 2004.
2 Voir C. Laux, Les théocraties missionnaires en Polynésie au XIX ème siècle. Des cités de Dieu dans les Mers du Sud ? , Paris, L’Harmattan, 2000, 382 p.
3 Lettre du gouverneur des EFO au ministre des colonies , 15 mars 1903, FM-SG-OCEA 23 A160, Arch. d’Aix-en-Provence.
4 Appellation utilisée de 1843 à 1957.
5 L’expression est de Paul de Deckker, Préface de l’ouvrage de J-M. Regnault, Te Metua. L’échec d’un nationalisme tahitien 1940-1964 , Papeete, Polymages, 1996, 239 p., p. 13.
Chapitre premier
AU TEMPS DE LA CONQUÊTE COLONIALE (1863-1945) : LA CONSTRUCTION D’UNE POLYNÉSIE PROTESTANTE ET FRANÇAISE
La scène se passe à Paris en 1877. Le capitaine de vaisseau Brunet-Millet est sur le point d’appareiller pour Tahiti où il doit y remplacer le commissaire de la République Michaux. Eugène Casalis, membre dirigeant de la Société des missions de Paris, vient lui souhaiter un voyage prospère et une administration heureuse. Surtout, il lui recommande les Églises protestantes de Tahiti et les envoyés missionnaires en résidence là-bas :

Je puis vous dire que le seul but qu’ils poursuivent est de faire des Taitiens de bons chrétiens et de bons Français – de bons Français surtout. D’après nos idées protestantes, qui dit bon chrétien dit bon citoyen. Le patriotisme des protestants français est universellement connu et il a sa source dans leurs principes religieux 6 .

Eugène Casalis justifie l’adhésion des protestants à l’œuvre coloniale française par l’étroite parenté entre le protestantisme et le patriotisme français. Il tente, par là-même, de lutter contre l’idée largement répandue d’un protestantisme hostile à la politique de la France 7 .

Cette accusation de menées protestantes « antifrançaises » n’épargne pas les pasteurs des îles polynésiennes, surtout à partir de la fin des années 1870. Ainsi, en est-il de ce chef de l’admini

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