Recherche scientifique en terre africaine
214 pages
Français

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Recherche scientifique en terre africaine , livre ebook

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Description

Alors que l'Afrique sortait de la période coloniale, une vie de chercheur outre-mer s'annonçait comme une aventure et une confrontation à un monde scientifiquement peu connu. Spécialisé en science du sol, l'auteur a rencontré dans ses séjours africains des Petits Blancs oubliés de l'Hstoire, de grands personnages comme le docteur Schweitzer, des trublions comme Jean-Bedel Bokassa. L'étude des sols africains se faisait avec des moyens rudimentaires. Dans ses travaux d'histoire et de sociologie des sciences, Yvon Chatelin reconnaît les racines plongeant dans son expérience initiale de la terre africaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 62
EAN13 9782296810556
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Recherche scientifique
en terre africaine

Une vie, une aventure
Couverture : Butte cuirassée, région de Kaya, Burkina
Faso. Cliché Jean-Claude Leprun, base Indigo de l’IRD.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55115-2
EAN : 9782296551152

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Yvon Chatelin


Recherche scientifique
en terre africaine

Une vie, une aventure


L’Harmattan
Du même auteur

Une épistémologie des sciences du sol. Editions de l’ORSTOM, 1979.

Milieux et Paysages. Essais sur diverses modalités de la connaissance (avec Gérard Riou & al.). Masson, 1984.

Stratégies scientifiques et développement : sols et agriculture des régions chaudes (avec Rigas Arvanitis). Editions de l’IRD, 1988.

Le voyage de William Bartram. Découverte du paysage et invention de l’exotisme américain. Karthala & Editions de l’IRD, 1991.

Les sciences hors d’Occident au 20ème siècle (collectif, sous la direction de Roland Waast), in Tomes 3 et 6. Editions de l’IRD, 1994.

Audubon. Peintre, naturaliste, aventurier .
Editions France-Empire, 2001. (Grand Prix Jules Verne 2002).
Pour Dorian,

pour Elise
Avant-propos Partir pour l’Afrique
La planète sur laquelle nous vivons est devenue la source d’une angoisse qui envahit les médias, les débats politiques, les conversations privées. Chacun s’interroge sur la possibilité de la maintenir telle que nous la voyons de nos jours, beaucoup doutent qu’une humanité toujours plus nombreuse, exigeant sans cesse davantage de confort, puisse y poursuivre son existence. Ne sachant pas la gérer sur la longue durée, nous ne sommes même pas sûrs de bien la connaître.

Depuis longtemps, nous essayons de la décrire et de l’analyser, ayant la volonté et la conviction de l’aménager à notre convenance et parfois l’illusion de l’améliorer, comme Buffon autrefois. Je pensais suivre cette tradition bien établie, faite de curiosité et empreinte de confiance dans le progrès, sans penser aux révolutions drastiques que l’idée de « développement durable » tente aujourd’hui d’introduire, lorsque, à la fin des années 1950, j’ai commencé en Afrique une carrière de chercheur dans les sciences de la terre.

L’Afrique équatoriale dans laquelle je me suis trouvé était alors l’un des endroits les plus difficiles à pénétrer et à étudier. Malgré le peu de choses que l’on pouvait en connaître, il paraissait indispensable de prêter attention à la conservation des sols et terres de culture, objets de mes investigations. Pourtant, ce n’est pas seulement l’ambition de développer des contrées jusqu’alors négligées qui a orienté mon travail, mais aussi la difficulté d’une confrontation à un milieu naturel quasiment inconnu scientifiquement. Les pratiques habituelles de la science du sol m’apparurent inadaptées et appelant un renouvellement méthodologique.

Homme de terrain, je n’ai pas vécu une aventure intellectuelle dans un monde abstrait ou confiné à des laboratoires et bureaux. Au contraire, j’ai été très attaché à la terre africaine, j’ai traversé ses immenses étendues, sondé et creusé ses sols, contemplé ses paysages. J’ai appris à en connaître les habitants, leurs modes de vie, j’ai vécu des situations et moments critiques, j’ai approché des hommes de pouvoir. Beaucoup de ce que j’ai connu et vu a disparu, il me semble important d’en garder, pour d’autres, le souvenir.

La pratique de la recherche est parfois considérée comme un long fleuve tranquille que parcourent des individus privilégiés, mais en Afrique, plus qu’ailleurs, cette image est fausse. Pour bien comprendre ce métier, il ne faut pas le considérer seulement comme une activité à diriger, à financer, à gérer (ce pour quoi les structures administratives et les experts ne manquent pas). Il faut aussi le voir de l’intérieur, tel qu’il est vécu.

Relatant mon expérience personnelle, je voudrais dire les aventures auxquelles elle a conduit. Il y a eu celles de la vie quotidienne du chercheur plongé dans un environnement naturel et humain passionnant mais difficile et parfois dangereux. Les aventures d’ordre intellectuel sont venues s’y ajouter, elles étaient faites d’incertitudes, de ruptures et controverses. Leur corollaire était le conflit des personnes, les tentatives de domination au sein de ce qu’il est convenu d’appeler une « communauté scientifique ».

Mon ambition est de montrer comment tout se mêle, ou plutôt comment tout s’enchaîne dans une vie réelle de chercheur. L’Afrique a été pour moi un point de départ auquel je reste solidement ancré, mais elle a été de plus un tremplin vers d’autres horizons.
1 Une pensée perdue et retrouvée
Au début des années 1960, je me trouvais au Gabon, à Libreville, à quelques dizaines de kilomètres au nord de l’équateur. Ainsi en avait décidé l’Office de la recherche scientifique et technique outre-mer (ORSTOM) pour lequel je n’étais qu’un chercheur débutant en science du sol, cette discipline que l’on appelle aussi « pédologie ». En fait, c’était surtout George Aubert, le chef de file des pédologues de l’Office, qui l’avait voulu, me choisissant cette affectation parmi d’autres possibles en Afrique. Il y avait eu au Gabon plusieurs chercheurs de passage, dans la dizaine d’années précédentes, mais j’étais le premier à m’y trouver en affectation permanente dès 1959, après deux années de formation, une à Paris et l’autre à Brazzaville. J’étais muni, en arrivant dans le pays qui m’était destiné, d’une machine à écrire portative, d’une tarière à main pour sonder les sols et surtout d’un enthousiasme intact.

Plusieurs autres chercheurs envoyés également par l’Office sont venus ensuite rapidement s’installer, l’indépendance stimulant la demande de connaissances. Je parlerai plus loin de ceux relevant comme moi des sciences naturelles, et ne mentionnerai pour l’instant que les représentants des sciences humaines parce que l’objet de ce chapitre est de rappeler ce qu’ont été mes premiers contacts avec ces disciplines. Il y avait donc Laurent Biffot, un psychosociologue, gabonais de naissance, qui revenait en chercheur dans son pays. Je l’avais connu lorsque nous étions l’un et l’autre étudiants dans une université française de province. Plus jeune de quelques années et venu à Libreville un peu plus tard, Louis Perrois se présentait comme ethnologue, il était élève de Leroi-Gourhan dont il parlait volontiers. Il est aujourd’hui largement connu comme spécialiste des arts premiers, et principalement de la statuaire africaine. On vit apparaître aussi Jacques Binet, ancien administrateur de la France d’outre-mer passé à la sociologie. Il y avait enfin et surtout Herbert Pepper qui avait déjà un passé prestigieux de musicologue, et qui est devenu un ami intime, pendant les cinq ou six ans passés ensemble au Gabon. Je garde à sa mémoire, puisqu’il est aujourd’hui disparu, un attachement particulier. Comment oublier les soirées pendant lesquelles Herbert redevenait violoniste virtuose et son épouse Miléna, née dans l’aristocratie russe de vieille souche, chantait les lieder de Schubert ou Brahms ! Le temps et l’espace s’évanouissaient…

Parmi les jeunes spécialistes de sciences humaines, le dernier arrivé était musicologue lui aussi. Il se nommait Pierre Sallée. Au hasard d’une de nos fréquentes rencontres, il me tendit un jour un livre qu’il me décrivit comme assez curieux mais très intéressant. Il n’imaginait pas l’immense retentissement que l’ouvrage allait avoir dans le monde intellectuel. C’était La Pensée sauvage. Je revois encore la scène, et surtout le livre, tel qu’il m’apparut, très beau avec sa couverture et des illustrations en couleurs peu fréquentes à l’époque. Herbert m’avait passé auparavant Nous avons mangé la forêt, de Georges Condominas, un ouvrage que j’ai parcouru à cette époque, le trouvant aussi bon par son contenu que triste par sa présentation

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