Sentiers botaniques
180 pages
Français

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Sentiers botaniques , livre ebook

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180 pages
Français

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Description

Dans ces vingt-huit chroniques, l'auteur, nous conte l'histoire de la balsamine, les supposées vertus alexitères d'une liane américaine appelée condurango ou celles, maléfiques, des poisons africains utilisés dans les ordalies… Vous saurez tout sur les teintures héroïques et les tisanes émollientes. Tout sur la coca ou la kola. Les présents des Rois mages, la myrrhe, l'oliban. La vie des plantes et l'avis du botaniste.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 48
EAN13 9782296467927
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sentiers botaniques
Michel Bernardot
Sentiers botaniques
Chroniques
L’Harmattan
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56132-8
EAN : 9782296561328
Pour Jacqueline

« Que dans vos frais sentiers doucement on s’égare »

Delille, Jardins
Avant-propos
J’ai presque envie d’écrire, paraphrasant Cyrano de Bergerac et sa célèbre tirade du baiser : – « Un livre, mais à tout prendre qu’est-ce ? »
Ces Sentiers botaniques sont la résultante d’une double démarche.
J’avais pris l’habitude depuis une quinzaine d’années de confier à la page blanche – dans de vieux cahiers de brouillon que j’ai nommés Chahine d’après le prénom d’un copain de Vincent, mon fils cadet (le copain les avait abandonnés, encore vierges, au fond d’une valise en papier mâché, dans un recoin de mon garage) – des notes, d’abord éparses, irrégulières, sortes d’exutoires au gré d’humeurs passagères. Peu à peu, au fil du temps, les occasions périodiques ou accidentelles se sont faites plus régulières puis journalières. En fait je suis devenu diariste sans le savoir, comme monsieur Jourdain faisait de la prose, et sans le moins du monde penser égaler le maître absolu du genre, Julien Green et les 17 volumes de son Journal.
Pour me faire la main, j’y ai compilé ad nauseam l’origine et le cursus des mots que je jugeais intéressants, surtout des homonymes – ah, les trois significations et les trois origines distinctes de « poêle » ! – pris page par page et de A à Z dans le petit dictionnaire étymologique d’Albert Dauzat. Après la séance de travail j’ajoutais parfois quelque billet d’humeur, scènes domestiques, l’enchantement d’une promenade, le récit nonchalant des jours qui passent. Je m’aperçus bientôt que, outre ma passion pour l’étymologie (facilitée ou initiée par des études classiques), mon plaisir jumeau et fort ancien d’évoquer des sujets botaniques se manifestait par un saupoudrage assez fréquent d’occurrences touchant aux plantes, aux drogues, aux toxiques, autres poisons.
Ils m’étaient bien sûr familiers (je suis tombé dans le chaudron de la botanique à l’âge de dix-sept ans dans des circonstances auxquelles j’avais, il faut bien l’avouer, un peu tordu le bras, mais je procédais aussi d’une filiation, subissais l’impact d’une forme d’atavisme). Encore aujourd’hui, les noms latins des plantes, appris par cœur – mais avec un fameux sucre d’orge à la clef – voilà plus d’un demi-siècle, suivent automatiquement dans mon esprit leur vocable français. Ils se prélassent dans les replis de matière grise comme de petits fantômes qu’il n’est jamais nécessaire de convoquer : ils jaillissent alors, comme Athéna toute armée du crâne de Zeus, son papa. En deviennent gênants à la limite, tintinnabulant à la suite du nom courant mieux qu’une clarine au cou d’une vache d’alpage. Impossible de béer devant le port altier d’un noyer sans que Juglans regia , son blase savant, n’en vienne parasiter la noblesse (encore que « regia » n’est-ce pas…). Pas mèche d’admirer le flamboiement cramoisi d’un laurier-rose « Géant des batailles » au bord d’un oued sans que le Nerium oleander qui lui est irrémédiablement associé n’accoure ainsi qu’un double enchaîné par un sortilège.
Qu’on veuille bien compatir… Et la poésie dans tout cela ! Obligé de ruser, tricher et, si besoin, renvoyer les importuns dans les limbes à coups de lattes.
Bref ! Cette intuition de combiner deux de mes passions les plus notables, étymologie et botanique, s’est imposée à moi comme une évidence. Les différentes facettes linguistiques de mes petits diamants végétaux peuvent en effet prendre des reflets supplémentaires selon les éclairages, se mettre à chatoyer de conserve tout en se poussant mutuellement du col. J’ai tenté d’en faire de mignons joyaux sertis dans une rivière, des bouquets de floralies…
Je ne sais pas, moi… Pour oser une comparaison footbalistique, comme Xavi et Iniesta en compères inspirés sur la pelouse illuminée du Nou Camp à Barcelone ou, pour en revenir à mes moutons, montrer que, s’il est aisé à un profane de deviner que la digitale , Digitalis purpurea (zut ! les deux mots m’ont échappé, diablotins vif-argent), montre le doigt (lat. digitus ), les noms populaires de la plante, « doigtier de Notre-Dame » et « gantelet », le rappellent amplement. Mais, bien souvent, les origines ne sont plus reconnaissables par le commun des mortels : on le verra au fil des pages pour le séneçon et tant d’autres … Ainsi de la balsamine, nommée Impatiens noli me tangere , à cause de la phrase adressée par le Christ à Marie-Madeleine après sa résurrection. « Ne me touche pas ! ». (Plus exactement « Veuille ne pas me toucher »). Un nom qui lui est échu car, nous dit Littré, « la balsamine est une plante dont les capsules, à l’époque de la maturité, s’ouvrent au moindre contact et dont les graines s’élancent avec raideur à l’ébahissement de quiconque ignore ce phénomène ; on l’appelle aussi balsamine des bois et herbe de la sainte Catherine. »
Ou ce cachottier de myosotis, qu’on nomme grémillet mais aussi oreille-de-souris dans les campagnes (en grec, muos, génitif de mus « souris » et oton , accusatif de ous « oreille »). Son sobriquet le plus courant, « Ne m’oubliez pas » – les Allemands ont Vergiss mein nicht , les Anglais Forget me not , les Espagnols no me olvida , et tant d’autres, Italiens, Polonais – viendrait d’une légende, apparemment universelle, qui conte la triste fin d’un chevalier penché sur l’encolure de son destrier pour en cueillir une fleur à la gente dame juchée à ses côtés sur sa haquenée, et qui se noya, emporté par le poids de son armure. Il lança alors la fleur à sa dulcinée en lui criant (dans l’une quelconque de ces langues européennes) – « Ne m’oubliez pas ! ».
Enfin… il m’a vite semblé judicieux d’habiller ce que ces sciences – qui m’emplissaient certes d’aise – pouvaient avoir de rébarbatif, des atours fringants que nous a laissés la littérature et, lorsque c’était impossible, avec des oripeaux brodés par moimême au fil du temps…
Une petite Hélène s’y reconnaîtra peut-être dans « Une valse à trois temps » mais des Hélène j’en avais tant (quatre, en comptant celle de la chanson de Brassens avec ses sabots crottés et la petite sœur qui m’a quitté ce dernier automne). Me restent mes brus…
Je n’ai pu éviter l’évocation ça et là de mon pays perdu voilà déjà si longtemps, une vie d’homme ou presque… Tentant, sans toujours y parvenir, afin de ne pas paraître vieux jeu (les lacaniens liront « je »), d’éviter les délices délétères de l’égotisme, les sables mouvants de l’égocentrisme, les grillages implacables du solipsisme.
J’ai plaisir à reconnaître ici, à proclamer ma dette immense envers le majuscule Pierre Michon des Vies minuscules . Dans les moments de doute, de déréliction, de panne d’inspiration, j’avais toujours en mémoire ses confidences sur ses propres affres d’écrivain :
« Chaque matin, je posais la page sur mon bureau et attendais en vain que la remplît la faveur divine… Des livres m’entouraient, bienveillants et recueillis, qui allaient intercéder en ma faveur ; la Grâce ne saurait assurément résister à un si bon vouloir ; je la préparais par tant de macérations… Elle ne vint pas… C’est que, orgueilleusement janséniste, je ne croyais qu’à la Grâce ; elle ne m’était point échue ; je dédaignais de condescendre aux Œuvres, persuadé que le travail qu’eût exigé leur accomplissement, si acharné qu’il fût, ne m’élèverait jamais au dessus d’une condition d’obscur convers besogneux. Ce que j’exigeais en vain, dans une rage et un désespoir croissants, c’était, hic et nunc, un chemin de Damas… »
Mais j’ai parlé de double démarche… essayant d’éclairer la première, qui fut intégralement mienne, autonome et, peut-être programmée de longue date. Me

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