Entretiens de science familière
121 pages
Français

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Entretiens de science familière , livre ebook

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Description

Au cours de l’été 1884, ceux des Parisiens qui aiment à suivre le progrès scientifique purent se donner le plaisir de visiter une exposition unique en son genre et superlativement intéressante. Dans une annexe du Museum d’histoire naturelle avaient été réunis et classés les produits des dernières campagnes d’explorations sous-marines opérées à de grandes profondeurs, en 1880, 1881, 1882, par le Travailleur, et en 1883 par le Talisman, deux navires de l’État mis successivement à la disposition d’une même commission scientifique, composée de savants spécialistes et dirigée ou présidée par M.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 3
EAN13 9782346027880
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Eugène Muller
Entretiens de science familière
DÉCOUVERTE D’UN NOUVEAU MONDE
Au cours de l’été 1884, ceux des Parisiens qui aiment à suivre le progrès scientifique purent se donner le plaisir de visiter une exposition unique en son genre et superlativement intéressante. Dans une annexe du Museum d’histoire naturelle avaient été réunis et classés les produits des dernières campagnes d’explorations sous-marines opérées à de grandes profondeurs, en 1880, 1881, 1882, par le Travailleur, et en 1883 par le Talisman, deux navires de l’État mis successivement à la disposition d’une même commission scientifique, composée de savants spécialistes et dirigée ou présidée par M. Alphonse Milne-Edwards, membre de l’Institut.
Depuis un certain nombre d’années, un mouvement à peu près universel s’est manifesté, ayant pour but de ravir à la mer le secret de ses abîmes. La science française, qui compte tant de notables personnalités. en toutes ses branches, ne pouvait rester indifférente. Elle s’est donc mise très bravement et très habilement à l’œuvre. Ses premiers coups ont été coups de maître ; et non seulement l’exposition ouverte au Museum étonnait par le nombre, la variété et la curiosité des objets qu’elle renfermait ; mais encore de son ensemble ressortaient les solutions, absolument inattendues, de plusieurs problèmes jusqu’alors restés obscurs. Toute une série d’idées ayant cours se sont trouvées forcément changées par toute une série de révélations, qui ont ce singulier caractère que les anomalies qu’elles ont indiquées, prouvent une fois de plus que nous sommes encore bien loin de connaître toutes les ingénieuses singularités de la création.
Les premières tentatives sérieuses d’investigations sous-marines datent du milieu de notre siècle. Un naturaliste anglais, qui dragua dans la mer Égée et qui crut avoir fait beaucoup en descendant ses appareils à 4 ou 500 mètres, déclara hautement, après de minutieuses observations, que ce serait peine perdue de vouloir pousser plus loin, plus bas : car, à l’en croire, vu l’énorme pression résultant des hautes masses d’eau et vu la complète obscurité régnant dans ces abîmes, il allait de soi qu’aucun être ne pouvait vivre à de pareilles profondeurs. Et comme cette belle affirmation émanait d’un savant émérite, d’un praticien habile, nul ne songeait à en contrôler la valeur.
Vingt ans plus tard, en 1861, un câble télégraphique posé en travers de la Méditerranée s’étant rompu et ayant été relevé sur un point où il reposait à quelque 2,000 mètres de profondeur, grand fut l’étonnement de voir qu’il ramenait des abîmes, prétendus impropres à toute sorte d’existence, des colonies d’animaux, les uns très rares, les autres inconnus, et d’autres enfin, circonstance particulièrement intéressante, offrant les types vivants d’espèces qui jusque-là n’avaient été rencontrées qu’à l’état fossile, dans les couches du terrain dit tertiaire supérieur, l’une des plus récentes formations géologiques.

Fig. 1 . —  Macrurus globiceps, pêché à 2,500 mètres de profondeur.
Cette découverte, due au hasard, fut le point de départ des études dont les voyages du Travailleur et du Talisman viennent non pas de dire le dernier mot, mais de démontrer la haute portée, aussi bien pour l’histoire biologique de la mer en particulier que pour la science physiologique du monde en général.
Le premier des trois voyages du Travailleur (1880), qui en réalité était une campagne d’essai, se borna à l’exploration du golfe de Gascogne.
En 1881, le même navire, après avoir encore croisé sur les côtes de France, s’en alla visiter celles de Portugal ; puis, entré par Gibraltar, il fouilla en divers sens la Méditerranée ; en 1881, il prit le large sur l’Atlantique et poussa jusqu’aux Canaries. En 1883, le Talisman, parti de Rochefort, a d’abord visité les Açores, d’où il a pointé sur la fameuse mer dite des Sargasses ; de là, il s’est dirigé sur les îles du Cap-Vert, puis il a exploré les côtes du Sahara et du Maroc, d’où, en contournant la péninsule ibérique, il est revenu à son point de départ. — Résultat matériel : quelque six ou sept mille préparations de sujets, ajoutant, comme espèces et même comme genres, une grande quantité d’articles nouveaux au catalogue de la faune marine. — Conséquences scientifiques : affirmation d’un ensemble de faits non soupçonnés ou même déniés, qui élargissent d’autant le champ des lois naturelles.
Et d’abord mise à néant de cette double objection : impossibilité d’existence dans les grandes profondeurs, par suite de l’énorme pression que les masses d’eau y doivent exercer, et de l’obscurité complète qui forcément règne en ces abîmes.
Pression énorme en vérité : pour s’en faire une idée, il suffit de jeter les yeux sur certains disques de liège qui, pour être descendus avec le filet dragueur à quelque 3 ou 4.000 mètres au-dessous de ce que nous appelons ordinairement le niveau de la mer, en sont revenus ayant perdu presque la moitié de leur volume primitif. Puisque la compression qu’ils ont subie là-bas à été assez forte pour que, malgré l’élasticité naturelle du liège, ces disques soient restés ainsi diminués, nous nous demandons si nous devons admettre que la vie soit possible dans de telles conditions. Pourquoi nous posons-nous cette question, qui semble toute rationnelle, mais qui n’est rien moins que profondément illogique ? Parce que nous ne savons que, difficilement nous défaire de cet absurde préjugé qui, en physiologie, comme en bien d’autres choses, nous fait vouloir tout soumettre aux formules qui nous sont propres.

Fig. 2 . —  Eustomias obscurus, pêché à 2,700 mètres de profondeur.
On raconte — apologue sans doute — que certain peuple habitant les rives d’un lac où l’on n’avait jamais vu le moindre poisson, déclarait absolument impropre à la vie cette eau où l’homme se noyait. De prime abord, cela nous parait profondément comique, à nous qui savons que l’ intérieur des eaux est habitable à la condition d’avoir des branchies pour organe respiratoire ; mais ne rions pas trop : car, à y regarder de près, en bien des cas nous raisonnons avec la même étroitesse de vues que le peuple en question.
Sans chercher plus loin, nous ne nous expliquons pas une vie sans air, sans oxygène ; pourtant, au cours de ses dernières recherches, l’école de M. Pasteur a constaté l’existence de microbes que notre air, que notre oxygène tue, et qui ne se développent que dans le gaz carbonique, qui nous asphyxie.
En somme, simple affaire d’appropriation des organes : tâche pour l’accomplissement de laquelle nous devrions admettre que l’art qui à présidé à la création ne s’est jamais trouvé en défaut.
Et voyez d’ailleurs l’analogie dans ce qui paraît être tout d’abord le dissemblable. Vous vous rappelez, n’est-ce pas ? la terrible catastrophe du ballon le Zénith, où trois vaillants aéronautes s’aventurèrent un jour pour aller expérimenter les effets de la pression, ou plutôt de la dépression atmosphérique à de grandes altitudes. Bien qu’ils se fussent nantis de provisions respiratoires, ils ne purent impunément séjourner dans l’air raréfié. Ils perdirent connaissance, et le ballon, en revenant sur la terre, en rapporta deux (Sivel et Crocé-Spinelli) à l’état de cadavres ; le troisième (M.G. Tissandier, le savant vulgarisateur), qu’on retrouva évanoui, n’échappa que par miracle à cette audacieuse expérience. Pourquoi ces deux morts ? Parce que ces hommes, organisés pour vivre sous l’ énorme pression de la masse atmosphérique ordinaire, s’étaient risqués en des régions où cette pression est beaucoup moindre.
Or voilà que le Travailleur et le Talisman, montés par des êtres à qui la dépression

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