Impressions de voyage en Italie
56 pages
Français

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Impressions de voyage en Italie , livre ebook

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Description

Il y a peu de voyageurs qui n’apportent avec eux en Italie un bagage de préventions plus ou moins lourd, et qui ne s’étonnent bientôt, en leur âme et conscience, de trouver tant de différence entre les mœurs qu’ils avaient imaginées et celles qu’ils sont à même d’observer par leurs propres yeux. Ainsi, quiconque se sent encore quelque jeunesse au cœur et ne se voit pas trop de cheveux blancs sur la tête, arrivera en Italie tout infatué des conquêtes faciles qu’il doit faire dans ce pays des belles femmes et des grandes passions ; mais notre homme en sera probablement pour ses frais de préméditation galante, et jurera peut-être, à son retour, que l’Italie est devenue la terre classique de la vertu et de la froideur.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346025923
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Paul Lacroix
Impressions de voyage en Italie
PRÉFACE
Les morceaux de différents genres que renferme ce volume, ont été écrits au retour d’un voyage en Italie, il y a vingt ans. C’est là tout ce qui reste d’un ouvrage beaucoup plus considérable. L’auteur qui avait réuni à ses observations propres, celles d’une personne étrangère d’un esprit remarquable, s’est bientôt reproché d’avoir jugé l’Italie avec une partialité peu bienveillante. Il a fait amende honorable en brûlant son manuscrit à l’exception de quelques fragments inoffensifs, qu’il ne pouvait plus supprimer d’ailleurs, puisqu’on les avait recueillis dans une revue. Ces fragments sont donc destinés à survivre forcément aux impressions chagrines et passionnées sous lesquelles ils ont été composés. Voilà pourquoi l’auteur ne changera rien à ses idées et à ses jugements de 1839 : il se contente de les dater, en se rappelant que l’Italie lui a rendu la santé et lui a laissé de bien chers souvenirs.
LA SOCIÉTÉ ITALIENNE
I
Il y a peu de voyageurs qui n’apportent avec eux en Italie un bagage de préventions plus ou moins lourd, et qui ne s’étonnent bientôt, en leur âme et conscience, de trouver tant de différence entre les mœurs qu’ils avaient imaginées et celles qu’ils sont à même d’observer par leurs propres yeux. Ainsi, quiconque se sent encore quelque jeunesse au cœur et ne se voit pas trop de cheveux blancs sur la tête, arrivera en Italie tout infatué des conquêtes faciles qu’il doit faire dans ce pays des belles femmes et des grandes passions ; mais notre homme en sera probablement pour ses frais de préméditation galante, et jurera peut-être, à son retour, que l’Italie est devenue la terre classique de la vertu et de la froideur. Voilà les dames italiennes réhabilitées en saintes ou en tigresses, parce que le chercheur d’aventures, Anglais, Russe ou Français, n’a pas rencontré sur son chemin une seule intrigue pour ses menus plaisirs.
On lui avait pourtant dit que l’Amour, le plus païen des dieux, était toujours l’idole chérie de l’Italie chrétienne ; on lui avait dit que cet Amour ne se gênait pas le moins du monde dans un si charmant asile, et que, tout enfant qu’il était aujourd’hui comme autrefois, il avait là les cent bras de Briarée et les bottes de sept lieues du Petit Poucet, avec lesquelles il ne restait jamais en route. L’amour est, de toutes les illusions, celle qu’on perd la dernière, et l’on s’y cramponne souvent, quand les autres nous ont abandonnés sans pitié. C’est donc l’amour, ou, si l’on ne veut pas profaner un mot qui sera éternellement consacré, c’est la galanterie qui sert de mobile secret à tout voyage d’Italie entrepris par un homme seul, sous prétexte de santé, d’étude ou d’instruction. Cet homme seul partira un jour, avec un délicieux plan de roman érotique, médité et arrangé dans sa tète : il ne rêve que tendres entretiens, mystérieux rendez-vous, billets doux anonymes, escaliers dérobés, masques, voiles et poignards ; il espère que les fibres naguère insensibles de son cœur vont se ranimer et recevoir une harmonieuse vibration au passage rapide de sentiments aussi suaves, aussi légers, aussi variés que les parfums des fleurs ; il se représente les Italiennes semblables à des roses qui ne demandent qu’à être cueillies plutôt que de se flétrir sur leur tige. Innocence nulle, femmes complaisantes, maris trompés et insouciants de l’être, tels sont les renseignements qu’il a empruntés à la tradition orale et à l’opinion écrite ; telles sont les notions préliminaires qu’il a prises de toutes mains, relativement à la moralité italienne en général : l’imagination s’est faite la complice empressée des mensonges débités et imprimés sur ce thème favori ; l’imagination, trop aveugle compagne de l’homme, et surtout de l’homme qui voyage seul, l’introduit dans un palais enchanté, le pousse de déception en déception, et le laisse enfin stupéfait vis-à-vis de la réalité, réduite à des proportions chétives et communes.
Car on ne lui avait pas dit que sa qualité d’étranger opposerait d’insurmontables difficultés à ses projets d’amoureux triomphateur ; on ne lui avait pas dit que cette qualité lui fermerait les portes des cœurs, en lui ouvrant celles des salons, et qu’on refuserait de l’admettre dans l’intime confidence des secrets du logis ; on ne lui avait pas dit que les Italiens, naturellement ombrageux et dissimulés, ne s’effrayent guère de l’invasion permanente du forestier, comme ils appellent l’étranger de tous les pays, mais ne lui permettent pas de pénétrer dans l’intérieur des familles ; on ne lui avait pas dit que les femmes, élevées dans les mêmes préoccupations de défiance, sinon de haine, à l’égard des étrangers, ont peine à vaincre cette espèce de répugnance qui les éloigne d’eux, et ne leur accordent pas plus le rôle de confident que celui d’amant ; on ne lui avait pas dit que, pour obtenir ses entrées dans une société vraiment italienne, il serait d’abord obligé de se naturaliser pour ainsi dire Italien, en reniant son caractère naturel ces habitudes de monde élégant qu’il avait si laborieusement acquises ; de se donner les allures du lieu, si maussades et si grossières qu’elles lui paraissent, et de se prêter corps et âme au genre sans gêne qui contraste d’ordinaire avec son éducation et ses goûts ; on ne lui avait pas dit que, pour achever cette pénible et longue initiation qui est motivée par la crainte de se livrer à un espion malveillant ou moqueur, il devrait renoncer à importer aucune innovation dans les idées qu’il trouverait établies, tant l’esprit italien se complaît avec une indolence instinctive au milieu de ses routines les plus impardonnables. Voilà pourquoi la plupart des voyageurs parviennent à connaître l’Italie, mais peu ou point les Italiens.
Le malheureux touriste, qui n’a fait que traverser la société italienne sans y obtenir, à force de persévérance et d’adresse, la confiance qu’on n’accorde jamais à un nouveau venu, retournera chez lui complétement désappointé, et il écrira sur son journal de voyage quelque malédiction formulée de la sorte ou à peu près : Il n’y a pas de société en Italie  ! il n’y a pas d’esprit de conversa-lion, pas de distractions du cœur, pas d’occupations des sens. Les femmes ne savent point aimer, et les hommes ne se soucient pas qu’ou, les aime. Ce voyageur, ne fùt-il pas avantageux (et tous le sont plus ou moins), a trouvé le contraire de ce qu’on lui annonçait et de ce qu’il s’était promis. Au lieu d’une société originale, caractérisée, particulière enfin à l’Italie, il n’a trouvé qu’une mauvaise et pâle copie des usages de France et d’Angleterre ; au lieu de ces entretiens familiers, piquants, animés, pleins de verve et d’entraînement, qu’il espérait depuis son départ de Londres ou de Paris, il n’a trouvé que des conversations banales, décousues, languissantes, sans éclat et sans charmes ; enfin, au lieu de cette langue si expressive et si mélodieuse, si abondante et si pittoresque, prononcée avec de douces voix et accompagnée de ce regard velouté qui appartient aux yeux méridionaux, il n’a trouvé qu’une désagréable contrefaçon de sa propre langue, estropiée, déguisée, méconnaissable. Le touriste soupire, prend ses tablettes et y dépose cette profonde observation : L’Italie ne se soutient plus même de la langue de Pétrarque et de Dante ; elle apprend à écorcher l’anglais et le français ? Italie, où es-tu ?
Or, dans la bonne compagnie d’Italie, il faut distinguer les personnes qui recherchent les étrangers de celles qui les évitent et les tiennent à distance. C’est avec les premières seulement que le voyageur fait aussitôt connaissance, dès qu’il entre dans le monde, c’est-à-dire dès qu’il est présenté aux membres du corps diplomatique accrédités dans les principales villes, et ce sont ces Italiens-là qui s’efforcent à perdre leur individualité nationale, à parler d’autres lang

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