La Seine et ses bords
85 pages
Français

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Description

PRÈS le village de Saint-Germain-la-Feuille et non loin du bourg de Chanceaux, il existe un étroit vallon, espèce de gorge resserrée entre deux cotes qui font partie de la chaîne des monts de la Côte-d’Or. Là sur le revers septentrional d’une hauteur couverte de bois, on voit jaillir un faible ruisseau qui descend rapidement la pente de la colline. Plus bas une espèce de mare ou de petit etang l’arrête dans sa course et l’emprisonne un moment.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346046294
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

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Extrait

À propos deCollection XIX
Collection XIX est liothèque nationaleéditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bib de France. Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigi eux fonds de la BnF, Collection XIXsiques et moins a pour ambition de faire découvrir des textes clas classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces e fonds publiés au XIX , les ebooks deCollection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Charles Nodier
La Seine et ses bords
INTRODUCTION
L’HISTOIRE de la SEINE est, beaucoup plus qu’on ne l ’imaginerait au premier abord, l’histoire de la France elle-même. Il en est des fl euves comme des nations. Inconnus à leur origine, rien ne révèle, dans la source obscur e d’où ils s’échappent, la portée de l’espace qu’ils vont parcourir, et les différentes vicissitudes de leurs cours. Faibles à leurs commencements, ils coulent cependant au gré d e la pente qui les entraîne, approfondissant peu a peu leur lit, reculant peu à peu leurs rivages, portant avec eux des désastres ou des bienfaits, la fertilité ou la terreur, jusqu’à ce que, parvenus au plus haut degré d’étendue, de richesse et de splend eur qu’il leur soit permis d’atteindre, et poussés à son terme par leur propre violence, ils se précipitent et disparaissent pour toujours dans l’abîme des mers. Ainsi apparaissent et s’accroissent et finissent les empires. L’histoire de l’homme est tracée partout dans le tableau magique de la nature. Ajoutons quelque chose à cette comparaison ; c’est qu’il serait également téméraire de mesurer la grandeur des peuples a la durée de le ur prospérité politique, et de mesurer l’illustration des fleuves à la longueur de leur trajet. Les cent cinquante années d’Athènes laisseront plus de glorieux souven irs à l’histoire que les siècles innombrables de la Chine ; et la SEINE, dont le voy ageur peut parcourir les bords en peu de jours, réveille plus d’idées imposantes et r appelle plus de grands événements à la mémoire des âges, que ce fleuve immense de l’A mérique septentrionale dont le cours embrasse la moitié d’un monde. La SEINE ! le fleuve roi de la reine des cités, le fleuve français qui n’a pas appuyé son urne sur une terre étrangère, comme le Rhône et comme le Rhin ; qui ne va pas en transfuge enric hir nos voisins du trésor de ses eaux, comme l’Escaut et comme la Meuse ; qui descen d de nos montagnes et se perd dans notre Océan, sans avoir fécondé d’autres plain es, sans avoir baigné d’autres villes, sans avoir miré d’autre ciel ! Que manque-t-il à sa beauté ? La nature végétale a prodigué sur ses rives fleuries toutes les richesses de sa corbeille ; il a visité en passant les plaines riantes de la Bourgogne ; il a bercé sur son cristal fidèle le fr ont doré de ses coteaux chargés de pampres ; il s’est enorgueilli sous la pompe royale des vieux marronniers des Tuileries. Vous le verrez, plus loin, suspendre com me à dessein la rapidité de ses flots pour rafraîchir de vapeurs salutaires les magnifiqu es ombrages qui séparent le berceau de Louis XIV de celui de saint Louis. Le vo ilà bientôt qui enveloppe Mantes comme une ceinture ; ou qui se déroule comme un rub an sous les agrestes collines de Vernon. Cette ville aux flancs boisés, aux frais boulevarts, au vaste port, c’est Rouen, le Paris du vieux Rollon. La SEINE fléchit p our la première fois sous le poids des vaisseaux. Elle s’enfle d’orgueil, elle accélèr e sa course, elle est impatiente de sentir les eaux de la mer se confondre avec les sie nnes. Rien ne peut la retenir, ni les
jardins délicieux de la Meilleraie, ni les ruines p ittoresques de Tanearville, ni les doux paysages aux frondes verdoyantes qui se pressent su r ses bords. Elle a entendu la grande voix du flux qui l’appelle et qui la repouss e. Elle s’élance, elle bondit, elle lutte, elle triomphe, elle se perd dans le reflux qui l’em porte. Tel est l’aspect sous lequel la SEINE se présente a la poésie, spectacle toujours nouveau, toujours divers, qui se modifie pour s’emb ellir à tous les détours du fleuve, et qui réunit toutes les grâces a toutes les magnifice nces, comme ce tableau qu’Apelles suspendit aux rivages de Neptune. Il ne serait pas besoin d’un autre charme pour la rendre chère aux Muses de la patrie ; mais c’est pe u de tant de merveilles qui enchantent les yeux, si elle ne manifeste son passa ge par des bienfaits plus sensibles à tous les hommes. Féconde auxiliaire de l’agricult ure, véhicule obéissant du commerce, elle multiplie les récoltes des champs qu ’elle arrose, elle les reçoit, elle les transporte, elle les distribue aux populations dont elle a de toutes parts appelé le concours sur ses grèves hospitalières et favorables ; nourrice de nos provinces les plus opulentes, elle en répartit les produits entre elles avec la prudente libéralité d’une bonne mère ; elle les améliore ou les varie par l’é change, et en livre enfin les trésors à cette glorieuse capitale de la civilisation, qui n’ a pas cru trop honorer la navigation de la SEINE en prenant un vaisseau pour son insigne. C e n’est pas tout cependant, car elle n’a donné jusqu’ici a sa ville suzeraine que l es richesses naturelles qui relèvent de son territoire ; elle va, tout en continuant ses distributions accoutumées parmi ses heureux riverains, demander d’autres richesses a la mer, où le Havre et Honfleur s’étendent en avant comme les deux mains du fleuve pour recevoir les tributs du monde. Elle enlève le superflu de l’utile pour rame ner celui du luxe ; elle abandonne aux besoins des nations éloignées les productions s urabondantes et sans cesse renouvelées de notre sol et de notre industrie, pou r se charger de biens plus rares que notre soleil n’a point mûris ou que nos artisans n’ ont point élaborés ; et, semblable a un conquérant qui traîne après lui les dépouilles d e l’univers, vous la verrez arrêter sous vos murs son convoi triomphal, et contribuer d e ces dons précieux à la décoration de vos fêtes et à l’illustration de vos monuments. Les délices pastorales des belles vallées de la SEI NE ont-elles assez longtemps flatté vos regards ? êtes-vous las (et qui pourrait s’en lasser jamais !) de vous égarer sur ses tapis de pelouse et dans la fraîcheur de se s bocages ? Ne seriez-vous sensibles, ni aux hasards d’une navigation pacifiqu e, sans aventures, sans combats et presque sans tempêtes, ni aux ambitions innocentes de l’industrie et du commerce, ni à leurs conquêtes faciles qui n’ont pas coûté de la rmes et que le sang n’a pas souillées ? Hélas ! puisse l’histoire des nations, pour leur repos et pour leur bonheur, ne point présenter d’autres images et ne point rapp eler d’autres souvenirs ! Mais la SEINE est un fleuve français, et par conséquent agu erri au bruit des armes. Aucune des rivières qui baignent les contrées les plus cél èbres par leurs fastes militaires, n’a mêlé plus souvent la rumeur de ses ondes à celle de s combattants ; aucune n’a vu arborer dans ses plaines dévastées plus de trophées de batailles ; aucune n’a fourni plus d’eau lustrale aux sacrifices sanglants de la guerre ! Devant elle ont campé tour a tour Jules-César, Constantin, Julien, Attila, Clovi s, Charlemagne, Rollon. Sur une de ses rives, l’Europe s’est arrêtée presque effrayée de ses victoires ; sur l’autre était Napoléon. Si ces campagnes, aujourd’hui chargées de moissons, venaient à s’ouvrir à l’appel de la trompette du jugement, elles ne suffi raient plus à porter les guerriers qui ont trouvé de siècle en siècle un tombeau dans leur s sillons, tant seraient épais les rangs accumulés de cette armée de cadavres. On y di stinguerait à leurs vêtements, a leurs armes, au type étrangement varié de leur phys ionomie nationale, le Gaulois, le
Romain, le Franc, le Normand, le Bourguignon, l’Ang lais, le Germain des bords du Rhin, du Danube et du Weser, le Croate de la Saxe, le Cosaque du Nieper, le Baskir des déserts d’Ufa, et surtout le Français ; car le poignard de la guerre civile a creusé ici plus de fosses que l’épée de l’étranger. Oh ! n e redoutez pas que cette célébrité funeste manque aux fastes de la SEINE ! Vous ferez à peine un pas sans rencontrer quelques vestiges tragiques de ces gloires farouche s qui rendent un peuple redoutable et fameux parmi tous les autres. Partout où s’élève une cité, vit la mémoire d’un fait de guerre. Bar-sur-Seine, forte et belliq ueuse encore du temps de Froissart, vous rappellera sa lutte contre Troyes, si fière de la ceinture de ses fortifications et du triple château qui la rendaient Imprenable. Troyes a son tour, Châtillon, Melun, Corbeil, Pont-de-l’Arche, Harfleur, le Havre, vous parleront de leurs siéges et de leur généreuse résistance. Rouen vous dira les assauts q u’elle a subis, et dont l’un coûta la vie à ce roi de Navarre qui fut le père d’Henri IV. Votre guide vous montrera l’embouchure de l’Epte, rivière aux bords riants do nt l’humble cours ne promettait rien d’illustre, mais qui s’enorgueillit d’avoir étédisp utée par Philippe-Auguste et Richard Cœur-de-Lion. Sous les restes délabrés d’un château antique, il vous fera voir l’endroit d’où partit la petite embarcation de Guillaume-le-C onquérant, quand ce héros alla rejoindre la flotte qui lui soumit l’Angleterre ; e t sur votre passage, vous aurez salué d’un regard la gracieuse solitude du Mesnil, où la tradition veut que les conseils d’Agnès Sorel aient animé, plus tard, le courage de Charles VII à la conquête de son propre royaume. Nous voyageons en France où les sou venirs de l’amour et de la volupté se mêlent toujours à ceux de la gloire. Ave c ces hautes impressions de l’épopée, viendront se confondre partout sur votre route celles du drame et de la romance. C’est au pont de Montereau que Jean-sans-P eur tomba sous la hache d’armes de Tanneguy du Châtel ; c’est au pont du Lo uvre que le maréchal d’Ancre tomba sous le pistolet de Vitry ; c’est sur le Pont -Neuf que ses membres sanglants furent dévorés par une populace d’anthropophages, à l’endroit même ou s’était allumé, trois siècles auparavant, le bucher de Jacques Mola y. Plus loin s’élevait la tour de Nesle, et vous croirez entendre encore sortir du se in des ondes, au milieu des rafales d’une nuit orageuse, ces paroles formidables qui pr ivilégiaient l’assassinat :Laissez passer la justice du roi, à sementsmoins qu’elles ne soient couvertes par les gémis des victimes de la Saint-Barthélemi, égorgées à la même place. Au pied de cette colline charmante où la nature sourit avec tant de grâce, et qui avait cependant offert autrefois une retraite austère à saint Clodoald, He nri III fut frappé du poignard d’un fanatique. Le château de la Roche-Guyon vous rappel lera le meurtre impuni d’un comte d’Enghien ; Rouen, le suplice impie de Jeanne d’Arc ; Jumiéges, l’exil des énervés. Mais ce n’est pas tout encore, et dans ces régions poétiques, les forêts, les rochers, les montagnes ont un langage. Celle-ci qui dessine a l’horizon son profil net et rapide, c’est lacôte des Deux-Amants.une chapelle construite à son Autrefois sommet, vous aurait montré le lieu où le fiancé s’a rrêta pour mourir. Quant à la jeune châtelaine, elle redescendit jusqu’à l’Andelle, où elle vint ensevelir son deuil et ses douleurs, et la petite rivière qui se jette à vos p ieds dans le grand fleuve avec un sourd gémissement, y apporta jadis ses rubans et son bouq uet nuptial. Un intérêt plus vif, qui n’est peut-être pas moins doux, enchaînera votre attention a cette histoire encore vivante, dont les annales son t écrites sur les monuments du rivage. Vous les lirez sur ces pages de pierre qui ont défié tant de siècles pour porter à l’avenir le témoignage du passé, et dont les révolu tions des âges qui altèrent et changent tout n’ont point altéré le caractère solen nel. A peine éloignés de quelques lieues de votre point de départ, vous visiterez a C hâtillon les restes de l’antique manoir
des ducs de Bourgogne ; à Bar, l’enceinte ruinée, m ais autrefois imposante, où florissaient les comtes de Barrois. Sur votre droit e, vous laisserez a Vincennes, parmi les arbres sous lesquels le saint roi Louis IX rend ait la justice à ses sujets, le vieux château où naquit le sage roi Charles V. A Paris to utes les époques et presque toutes les générations vous apparaîtront personnifiées dan s des édifices contemporains. Vous ne passerez pas entre la tour solitaire de Sai nt-Jacques et les tours jumelles de Notre-Dame sans rétrograder par la pensée sur les é vénements qui se sont accomplis devant ces colosses. Plus loin, c’est Saint-Germain -l’Auxer rois où gronda le tocsin de er la Saint-Barthélemi. Voilà le Louvre de François I . Voilà les Tuileries de Louis XIV. Votre cœur a palpité tout à l’heure dune tendre émo tion a l’aspect de la statue d’Henri IV. Quelque soit le sentiment qui vous anime à la v ue de la colonne de Napoléon, si l’amour de la liberté vous a prémuni de bonne heure contre les illusions de la gloire, rendez hommage cependant au génie et a l’infortune. Ne dédaignez pas de jeter un regard sur les jardins qui couronnent cette colline , ils ont prêté leur ombrage a Molière et a Boileau. Ici, non loin de cette machine hydrau lique qui rappelle les magnificences du grand siècle et du grand roi, vous auriez vu nag uères l’élégante demeure de Gabrielle, mais elle a du céder l’espace aux buttes badigeonnées de la propriété nouvelle. Consolez-vous en reportant vos veux au so mmet du mont voisin sur des murailles que la sape n’a pas encore ébranlées. For teresse ou palais, c’est le séjour royal de Louis XIII, où son fils passa une vie inqu iète et menacée sous la tutelle d’un prêtre. Assez d’autres tableaux vous occuperont enc ore, avant que les pentes boisées de la côte sainte Catherine vous aient annoncé Roue n ; mais réservez un intérêt sans partage à cette noble ville, musée gothique de la p atrie, Herculanum vivace et populeux du moyen âge, qui confond de loin les flèc hes de ses églises avec les mâts de ses vaisseaux. Nous vous dirons à quels temples appartiennent ces ogives transparentes qu’un ciseau délicat comme le burin e t sûr comme l’emporte-pièce a fouillées avec tant de grâce et d’esprit, ces tours dont la majesté n’exclut pas une certaine coquetterie d’ajustement, et qui portent j usque dans les cieux leurs fronts couronnés de dentelles et leurs campaniles brodés. Toutes ces merveilles de l’architecture chrétienne ne vous abandonneront plu s qu’au moment où la terre manquera elle-même sous vos pas, vers ces grèves de la Manche où la SEINE va perdre son nom. Elles se déploieront à vos yeux dan s l’imposante basilique de Saint-Georges de Bocherville ; dans les restes magnifique s de l’abbaye de Jumièges, sauvés de la destruction totale qui les menaçait pa r la sollicitude presque royale d’un propriétaire instruit et sensible ; dans les ruines moins heureuses de l’ancien monastère de Saint- Wandrille ; dans le beau cloche r de Caudebec et l’élégant portail d’Harfleur. Il n’y a pas jusqu’à la petite église d e Graville, ermitage décoré par la piété des peuples, et qui se cache a moitié comme un nid d’oiseau dans les arbres de la colline, où l’on ne voie briller quelques reflets é clatants de l’art sublime de nos ancêtres, Michel-Anges sans renommée, obscurs Palla dios, dont le génie longtemps méconnu avait deviné le caractère auguste et mélanc olique de la demeure du vrai Dieu. Est-il nécessaire d’ajouter après cela que la SEINE a eu son hagiologie ou son histoire sacrée, comme elle avait eu sa mythologie ou son histoire fabuleuse ? Elle reconnaît pour patron auprès du Dieu des chrétiens le véritable abbé Saint-Seine, qui vécut au sixième siècle, et fonda non loin de la so urce du fleuve un monastère connu sous son nom, qu’un petit bourg voisin a conservé. Saint-Seine y fut longtemps invoqué aux époques de sécheresse ou d’inondation, car ces terribles accidents naturels étaient imputés, dans la croyance naïve de s peuples, à la colère que lui
causaient nos péchés. En pareille circonstance, on allait en foule entendre la messe au pied d’une croix plantée auprès de la source, et au dernier évangile on plongeait par trois fois dans ce faible ruisseau la statue du saint patron. La philosophie a passé sur tout cela. La croix même a disparu et les pieus es consolations avec elle ; je ne sais ce que le pays, éclairé du reflet de nos brill antes lumières, y a gagné en bonheur temporel, mais il y a perdu le Ciel et l’espérance. De toute cette poésie merveilleuse du moyen âge, il ne reste que des traditions. Vous trouverez partout sur les bords de la Seine, c elles qui sont propres aux populations littorales, et surtout le souvenir viva nt encore de cette création fantastique dont Cuvier a reconnu des traces irrécusables dans les débris du monde ancien. Telle est entre autres l’histoire de laGargouille de Rouen, dragon formidable comme la Vouivre du Doubs et laTarrasqueRhône, qui, poursuivi par saint Romain, se du précipita dans laSeineoù il fut englouti. Les fictions mythologiques de cette histoire ont pl us de grâce. On les croirait détachées d’un poëme inconnu d Hésiode ou d’Ovide, et cette illusion s’expliquerait fort bien, puisqu’elle ont été recueillies par le p remier des poëtes du dix-huitième siècle, Bernardin de Saint-Pierre ; mais je n’oubli erai pas que c’est à lui seul qu’il appartient de les raconter. « La SEINE, fille de Bacchus et nymphe de Cérès, av ait suivi dans les Gaules la déesse des blés, lorsqu’elle cherchait sa fille par toute la terre. Quand Cérès eut mis fin à ses courses, la SEINE la pria de lui donner, en récompense de ses services, ces prairies que vous voyez là-bas. La déesse y consent it, et accorda de plus à la fille de Bacchus de faire croître des blés partout où elle p orterait ses pas. Elle laissa donc la SEINE sur ces rivages, et lui donna pour compagnes et pour suivantes plusieurs nymphes, entre autres Héva qui devait veiller près d’elle, de peur qu’elle ne fût enlevée par quelque dieu de la mer, comme sa fille Proserpine l’avait été par celui des enfers. Un jour que la SEINE s’amusait à courir sur ces sables en cherchant des coquilles, et qu’elle fuyait en jetant de grands cr is devant les flots de la mer, qui quelquefois lui mouillaient la plante des pieds et quelquefois l’atteignaient jusqu’aux genoux, Héva, sa compagne, aperçut sous les ondes l es cheveux blancs, le visage empourpré et la robe bleue de Neptune. Ce dieu vena it des Orcades après un tremblement de terre, et il parcourait les rivages de l’Océan, examinant avec son trident si leurs fondements n’avaient pas été ébran lés. A sa vue, Héva jeta un grand cri, et avertit la SEINE, qui s’enfuit aussitôt ver s les prairies. Mais le dieu des mers avait aperçu la nymphe de Cérès, et, touché de sa b onne grace et de sa légèreté, il poussa sur le rivage ses chevaux marins après elle. Déjà il était près de l’atteindre, lorsqu’elle invoqua Bacchus, son père, et Cérès, sa maîtresse. L’une et l’autre l’exaucèrent : au moment où Neptune la saisit dans ses bras, tout le corps de la nymphe se fondit en eau ; son voile et ses vêtement s verts, que les vents poussaient devant elle, devinrent des flots couleur d’émeraude ; elle fut changée en un fleuve de cette couleur, qui se plaît encore à parcourir les lieux qu’elle a aimés étant nymphe. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que Neptune , malgré sa métamorphose, n’a cessé d’en être amoureux, comme on dit que le fleuv e Alphée lest encore en Sicile de la fontaine Aréthuse. Mais si le dieu des mers a co nservé son amour pour la SEINE, la SEINE garde encore son aversion pour lui. Deux fois par jour, il la poursuit avec de grands mugissements, et chaque fois la SEINE s’enfu it dans les prairies en remontant vers sa source, contre le cours naturel des fleuves . En tout temps, elle sépare ses eaux vertes des eaux azurées de Neptune. Héva mourut de regret, et on lui éleva sur le rivag e un tombeau de pierres blanches
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