Le Monde polynésien
124 pages
Français

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Le Monde polynésien , livre ebook

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Description

Lorsque, tard dans la soirée, aux approches de minuit, je me dirigeais, le 14 juillet 1893, vers la Gare du Nord pour y prendre le Peninsular-Express, qui correspond à Brindisi avec les grandes lignes de navigation, dont les paquebots joignent l’Europe à l’Asie, à l’Australie, aux Terres du Pacifique, les rues étaient pleines d’une population grouillante, qui fêtait à sa manière le cent quatrième anniversaire de notre journée nationale ; à chaque carrefour, juché sur une estrade en planches, moins pittoresque que le tonneau des fêtes villageoises, un orchestre de cuivres bruyants, éclairé par quelques rangées de lanternes, entraînait, dans un large nuage de poussière, des danseurs et des danseuses, agitant, comme des possédés, leurs bras, leurs jambes, leur tête, leur corps, s’ingéniant en déhanchements désordonnés, en gestes baroques et sans rythme, en grimaces imbéciles, en rires inconscients.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 1
EAN13 9782346059041
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Henri Mager
Le Monde polynésien
POLYNÉSIENS DE TAHITI

LE MONDE POLYNÉSIEN
CHAPITRE PREMIER
ORIGINE DES TERRES
De Paris à Papeete
Lorsque, tard dans la soirée, aux approches de minuit, je me dirigeais, le 14 juillet 1893, vers la Gare du Nord pour y prendre le Peninsular-Express, qui correspond à Brindisi avec les grandes lignes de navigation, dont les paquebots joignent l’Europe à l’Asie, à l’Australie, aux Terres du Pacifique, les rues étaient pleines d’une population grouillante, qui fêtait à sa manière le cent quatrième anniversaire de notre journée nationale ; à chaque carrefour, juché sur une estrade en planches, moins pittoresque que le tonneau des fêtes villageoises, un orchestre de cuivres bruyants, éclairé par quelques rangées de lanternes, entraînait, dans un large nuage de poussière, des danseurs et des danseuses, agitant, comme des possédés, leurs bras, leurs jambes, leur tête, leur corps, s’ingéniant en déhanchements désordonnés, en gestes baroques et sans rythme, en grimaces imbéciles, en rires inconscients.


Iles Tonga. —  Pomee (danse de nuit) des Polynésiennes.

Là-bas où j’allais, aux Antipodes, en Océanie, devais-je voir chez les sauvages des ébats plus barbares ?
Je me posais cette question, quelques instants plus tard, lorsque je m’étendis sur le lit étroit du sleeping-car, qui doucement roulait sur les voies de la Ceinture pour rejoindre les lignes du réseau de Bourgogne.
A Belleville, à Charonne, lorsque nous passons, les lampions flamblent ou s’éteignent ; la rumeur vague, qui s’élève du lointain, va s’affaiblissant ; le pont de la Marne franchi, c’est la nuit profonde, dans la campagne, dont les ombres fuient avec rapidité.
Deux jours après, le 16 juillet, le train avait franchi ses 2.200 kilomètres, et j’atteignais le talon de la botte italienne ; j’allais m’embarquer à Brindisi, dans le dessein de faire le grand tour de notre Planète, pour voir, à travers les deux hémisphères, les Colonies de la France et celles de nos rivaux.
Étudiant, le chemin des écoliers me tentait : je voulus d’abord visiter l’Inde. Quatorze jours de mer me conduisirent à Bombay. Je traversai le Deccan et toute la partie centrale des Pays indou, qui furent soumis à l’influence française vers le milieu du XVIII e siècle, j’atteignis le Carnatic et je séjournai plusieurs semaines à Pondichéry pour causer avec les Européens, avec les Indiens renonçant à leur statut personnel, avec les Indiens de caste, qui constituaient à cette époque les trois facteurs politiques des Établissements français de ces territoires minuscules, qui, par un euphémisme naïf, ont été parfois appelés Inde française. Je ne parlerai pas dans ce volume des impressions de cette première étape de mon voyage, des fêtes qui furent données pendant mon séjour, de mes visites aux pagodes, des cérémonies si impressionnantes du culte de Brahma ; je ne veux analyser ni les coutumes des Indiens, ni la haute philosophie de leur religion ; j’ai conservé de Pondichéry, de Karikal, autre Établissement français, de l’hospitalité indienne, un souvenir si excellent et si persistant que je souhaite revenir vers la Côte de Coromandel pour y revoir ceux qui m’ont accueilli avec une cordialité si franche et si douce.

Itinéraire de HENRI MAGER.
De l’Inde, je passai dans l’Ile Ceylan, et, de Ceylan, m’écartant de la route ordinairement suivie pour atteindre le Pacifique, je me dirigeai par le Détroit de Malacca vers l’Indochine.
Mon séjour en Cochinchine et en Annam fut abrégé par le désir que j’avais d’arriver promptement au Tonkin. J’eus la bonne fortune d’être accueilli à Ha-Noï, chef-lieu administratif de cette Colonie, par les aimables directeurs d’un journal local, l’Avenir du Tonkin, qui mirent à ma disposition leur maison entière et les colonnes de leur journal, dont j’avais été pendant plusieurs années le correspondant parisien : j’usai largement de cette double hospitalité.
La seconde me fut tout particulièrement agréable. Pour étudier un pays, pour en connaître les ressources, pour en scruter les préoccupations, pour saisir le fort et le faible des courants qui s’y agitent, il n’est pas de meilleur poste d’observation qu’un bureau de rédaction.
Lorsque je quittai Ha-Noï, j’avais pendant quelques semaines vécu la vie de la Colonie : j’en connaissais les hommes et le dessous des choses.
Du Tonkin je passai à Hong-Kong : dans ce port, que les Anglais ont, malgré ses défectuosités, fait le pivot commercial de l’Extrême-Orient, je trouvais un navire en partance pour l’Australie ; je m’embarquai pour Sydney.
La navigation devait être longue : vingt-cinq jours de mer ; elle fut délicieuse. Je vis les côtes de Luzon et des Philippines ; je traversai la mer de Sulu ou de Mindoro, que limite l’Ile Basilan, où les soldats espagnols veillaient encore sur la crête des glacis d’un fort coquettement entretenu ; je franchis la Mer de Celebes, en face l’Ile Sangir, au seuil du domaine hollandais ; je coupais l’Équateur entre Celebes et Dsjilolo 1 , le 7 novembre 1893 ; je n’oublierai jamais quel merveilleux décor apparut au coucher du soleil, vers la fin de cette journée, au centre du Passage des Molukkes. Aucune description ne saurait rendre, comme aucune palette ne saurait traduire, la grandeur émotionnante de la scène qui se forma par des teintes claires, blanches et rosées, s’accentua insensiblement de couleurs plus vives, mêlant le bleu à l’orange, s’empourpra, s’illumina dans l’apothéose des lumières célestes.
Je pénétrai dans la Mer de Banda par le détroit qui sépare l’Ile Boeroe 2 , si intéressante pour l’Ethnologie, de l’Ile Ceram et d’Amboina. Seul passager du Katterthun, j’avais installé sur le pont d’arrière une grande table de bois massive, sur laquelle j’avais piqué mes cartes marines ; pour me distraire, je passais le jour à observer l’horizon ; je calculais qu’à telle minute, sous tel angle, je devais apercevoir tel sommet ou telle île ; je me trompais rarement.
Le 10 novembre, je touchai l’Australie du Nord à Port-Darwin ; le 15, le Katterthun s’engageait dans le Détroit de Torrès, passage difficile, semé d’écueils et de roches innombrables, qui me rappelèrent la si pittoresque Baie d’Ha-Long, dans le Golfe du Tonkin : notre steamer, grâce à mille précautions et à quelque bonheur, franchit cette fois le détroit ; à son prochain voyage il devait y rester ; il se brisa sur les rochers en dépit de l’expérience de son capitaine et coula par cinquante mètres de fond.
Au delà du détroit, prenant la direction sud-est, nous avons longé le Queensland, en nous maintenant entre la côte et la grande barrière de corail, qui, sur plus de 1.200 kilomètres, court parallèlement au littoral.
Ce ne fut que tard dans la soirée, le 25 novembre 1893, que le Katterthun, après avoir traversé le Port-Jackson dans toute sa largeur, se rangea le long des quais de Darling-Harbour, au flanc de la merveilleuse Sydney.
Je comptais prendre de suite l’un des nombreux vapeurs qui font le service régulier entre Sydney et la Nouvelle-Zélande, dans l’espoir de m’embarquer, dès les premiers jours de décembre, à Auckland, sur le petit steamer qui, chaque mois, je le croyais du moins, faisait un voyage d’aller et retour entre la Nouvelle-Zélande et Papeete, chef-lieu des Établissements français de l’Océanie. Au Post-Office, un des plus beaux édifices de Sydney, avec sa tour de 250 pieds de haut, sa magnifique façade italienne, sa colonnade en grès et granit longue de près de 120 mètres, j’appris que le Richmond était en réparation, qu’il n̵

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