Le signe de l humain
176 pages
Français

Le signe de l'humain , livre ebook

-

176 pages
Français

Description

Devons-nous avoir peur de la technique? L'humanité est-elle irrémédiablement condamnée à se voir enserrée dans un "système technicien" la conduisant à sa perte? Pour répondre à l'angoisse, il n'y a guère que les réponses de l'archéologie: pour évaluer la technique, d'abord chercher d'où elle vient. L'histoire des techniques est le chemin obligé pour aboutir à une philosophie de la technologie. Et l'enquête conduit à découvrir que la technique, présentée par tant d'auteurs comme anti-naturelle, voire même comme anti-humaine, est en fait ce qui fonde l'homme dans son humanité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2005
Nombre de lectures 110
EAN13 9782296409965
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE SIGNE DE
L'HUMAIN
Une philosophie de
la techniqueDu même auteur
Introduction à l'histoire des ingénieurs, APPS, Bruxelles.
Nouvel abrégé d'histoire des mathématiques, Vuibert, Paris.
De l'outil à la machine, Vuibert.
De la machine au système, Vuibert.
Penser la matière, Vuibert.
Mathématique et vérité, L'Harmattan, Paris.Jean C. Baudet
LE SIGNE DE
L'HUMAIN
Une philosophie de
la technique
L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique; 75005 Paris
FRANCE
Espace L'Harmattan Kinshasa L'Harmattan Italia L'Harmattan Burkina FasoL'Harmattan Hongrie
Fac. Sciences. Soc, Pol. et Adm. Via Degli Artisti, 15 1200 logements villa 96Këmyvesbolt
BP243, KIN XI 10124 Torino 12B2260 Ouagadougou 12
Kossuth L. u. 14-16
Université de Kinshasa RDC ITALIE BURKINA FASO
-1053 Budapesthap:/ /www.librairieharmattan.com
harmattan l @wanadoo.fr
(Q L'Harmattan, 2005
ISBN: 2-7475-9044-5
EAN : 9782747590440INTRODUCTION
La conscience contemporaine pour se
désaliéner, pour passer de l'ère des idéologies
à l'ère des rationalités, doit inclure la pensée
technique dans l'ensemble humain.
(Jean-Marie Auzias,
La philosophie et les techniques, 1964)
La technique, disait Jacques Ellul en 1954, est « l'enjeu
du siècle ». Sa réflexion sur « la machine» ou sur « le système
technicien» n'était pas nouvelle, et l'on peut faire débuter au
moment même de la «révolution industrielle» l'histoire des
discours pour, et plus souvent contre, le « progrès technique ».
Asservissement de l'homme par la machine, chômage
technologique, déshumanisation par robotisation, dégradation
du milieu naturel, menace d'altération de l'essence de l'homme,
risque même d'anéantissement de l'humanité... De nombreux
littérateurs, dont Ellul fut un des plus prolixes, ont multiplié les
ouvrages sur le sujet, développant ces différents thèmes, restant
le plus souvent au niveau de l'observation littéraire,
journalistique ou sociologique. Ouvrages très intéressants d'ailleurs,
car ils alimentent un épais dossier à charge et à décharge.
Mais l'exigence philosophique dépasse la simple
considération de l'importance du phénomène technique et la
constatation naïve de son effet sur histoire. Il s'agit de voir cel'
que la technique dévoile, ce que le fait même pour l'homme
d'être Jaber avant d'être sapiens implique. Si la technique est
encore l'enjeu de notre siècle comme elle fut celui du XXème
siècle, il faut l'étudier sérieusement. Or, la technique, c'est
l'objet. La technique n'est pas «produite» par l'homme, elleest « révélée» par l'homme, comme possibilité de satisfaire ses
désirs et ses besoins, mais de manière limitée. Ce n'est pas
l'homme qui «conçoit» des outils, des machines et des
systèmes, c'est l'objet qui permet à l'homme de construire
d'une certaine manière des outils, avec un certain rendement
des machines, et avec une efficacité définie des systèmes.
Contrairement à l'artiste (nous devrons revenir sur la différence
entre art et technique), l'ingénieur ne peut pas faire n'importe
quoi. Toute invention est une découverte.
Mais si la technique est l'objet - ce qui depuis des
siècles de méditation philosophique se distingue du sujet - il
faut se souvenir de cette phrase d'Edmond Husserl, dans sa
première leçon du cours de 1907 Die Idee der
Phiinomenologie: «Avec l'éveil de la réflexion sur le rapport entre la
connaissance et l'objet, s'ouvrent des abîmes de difficultés1 ».
Et il faut aussi se souvenir des enseignements de Heidegger.
L'inventeur du Dasein savait bien qu'être-au-monde, c'est faire
usage de quelque chose (notamment des outils). Si Descartes,
encore formé par la scolastique médiévale religieuse, voit dans
la pensée la source de l'existence, Heidegger formule dans son
style à la fois scolaire et romantique les idées du matérialisme
des XVIIIème et XIXème siècles: c'est l'existence (du monde)
qui est la source de la pensée. C'est parce qu'il y a quelque
chose, un déjà-là - des besoins, et des outils, ou du moins des
possibilités d'outils - que je pense. L'objet est la source, ou du
moins l'occasion, de l'avènement du sujet. La technique n'est
pas faite par l'homme. C'est la technique qui a fait l'homme.
C'est en tout cas notre interprétation de cette phrase de
Heidegger dans Sein und Zeit:« Le terme phénoménologie
exprime une maxime qu'on peut ainsi formuler: droit aux
choses mêmes! - pour l'opposer à toutes les constructions
échafaudées dans le vide2 ».
Il ne faut pas étudier la condition humaine - le Dasein -
à partir du vide de la « pensée pure », mais à partir du concret -
les choses mêmes - que sont les outils, les machines et les
1
Nous citons d'après la traduction d'Alexandre Lowit: E. Husserl,
L'idée de la phénoménologie, PUF, Paris, 1970. Cfr p. 39.
2
M. Heidegger: Etre et temps, Gallimard, Paris, 1986, p. 53.
6systèmes, eux-mêmes reflets des besoins et de la finitude de
l'homme. «Au sein même du Dasein, dit ailleurs Heidegger3, et
donc aussi dans l'entente de l'être qui est la sienne se produit
cette sorte de réverbération ontologique qui fait que (...)
l'entente du monde se répercute sur l'explicitation du Dasein. »
Comprendre l'homme, c'est d'abord comprendre le monde, et
comprendre ce que ce monde lui permet comme action. Citons
encore Heidegger: «Les Grecs avaient pour les choses un
terme très juste : 1lpaYJla~a, c'est-à-dire ce à quoi on a affaire
dans le commerce qu'instaure la préoccupation (1lpaçlç)4 ».
Nous tenterons donc une analyse de l'objet par
l'examen de la praxis - autre mot pour dire la technique - et
pour fonder, ou du moins contribuer à fonder non des
espérances, mais un savoir sur la condition humaine. Notre
entreprise rencontrera des abîmes de difficultés. Mais peut-être
qu'en allant aux choses mêmes, en nous défiant des
constructions échafaudées dans le vide, nous arriverons à
quelques idées.
Il est peut-être utile d'avertir le lecteur que notre
réflexion sur le fait technique a beaucoup évolué depuis que
nous avons fondé la revue Technologia en 1978 5.
En avril 1978, alors que le premier numéro de ma revue
sortait de presse, le beau livre de Bertrand Gille Histoire des
techniques venait tout juste de paraître6. Le monde francophone
ne disposait à cette époque, pour avoir une idée générale de la
technique (en dehors évidemment de l'énorme littérature
spécialisée des ingénieurs, peu accessible aux non-techniciens),
que de l'ouvrage, d'ailleurs magistral, de Maurice Daumas,
l' Histoire générale des techniques, dont les volumes 1 (1962), 2
(1964) et 3 (1968) étaient déjà en librairie7. Quant à la
philosophie de la technique, elle était, du moins en France,
moins fréquentée encore que l'histoire des techniques, qui
3
M. Heidegger, op. cit., p. 41.
4M. op. cit., p. 104.
5
Elle cessera de paraître en septembre 1989.
6Dans la collection de la Pléiade, à la fin du mois de mars 1978.
7
Le volume 4 sortira de presse en septembre 1978 et le volume 5, le
dernier de l'ensemble, en mars 1979.
7pouvait au moins se baser sur le travail, cumulant déjà une
longue tradition, des archéologues, des ethnographes, et des
préhistoriens. Notons cependant que ni l'archéologue, ni
l'ethnographe, ni le préhistorien ne considèrent la technique
comme l'objet de leurs recherches: ce sont des historiens des
techniques malgré eux.
Vers 1978, donc, je pensais que la technique et la
technologie (d'où le titre de ma revue) étaient «aussi»
importantes que la science. Puisque la réflexion philosophique
sur la science existait de longue date, sous le nom
d'épistémologie, il me paraissait utile d'envisager le
développement d'une réflexion philosophique en quelque sorte
vicariante sur le fait technique.
Près de trente ans plus tard, d'abondantes lectures et
une charge d'enseignement d' histoire et d'épistémologie des

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