Lettres sur l Italie
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Lettres sur l'Italie , livre ebook

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Description

Marseille, 8 décembre 1855.A cinq heures du matin, le 6 décembre 1855, par un temps affreux de neige fondue, je me levais à la clarté de deux pâles bougies, poursuivie par le souvenir de trente mille choses que j’aurais dû faire la veille et que j’avais oubliées, de trente mille ordres qu’il me restait à donner, et que j’oublierais probablement aussi. A chaque instant mon mari, qui était prêt, contrairement à ses habitudes, profitait de cette étrange circonstance pour venir m’assurer que je serais en retard, — et me rappeler que l’inexorable locomotive, qui n’attend personne, et qu’on attend quelquefois si longtemps, chauffait au débarcadère de Lyon.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346082667
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
H. C.
Lettres sur l'Italie
LETTRE I

Marseille, 8 décembre 1855.
A cinq heures du matin, le 6 décembre 1855, par un temps affreux de neige fondue, je me levais à la clarté de deux pâles bougies, poursuivie par le souvenir de trente mille choses que j’aurais dû faire la veille et que j’avais oubliées, de trente mille ordres qu’il me restait à donner, et que j’oublierais probablement aussi. A chaque instant mon mari, qui était prêt, contrairement à ses habitudes, profitait de cette étrange circonstance pour venir m’assurer que je serais en retard, — et me rappeler que l’inexorable locomotive, qui n’attend personne, et qu’on attend quelquefois si longtemps, chauffait au débarcadère de Lyon.
Tout en m’habillant à la hâte, mon regard caressait avec regret tous les objets qui ornent ma chambre ; pauvre chambre si chaude, si bien close, que j’allais quitter pour franchir ce long espace qui sépare Paris de la ville éternelle, où (suivant un vieux proverbe français) tous les chemins conduisent, — comme ils conduisent également au but du grand voyage de la vie. — Ces objets-là, je les aime par mille raisons, et il me semble que pendant mon absence on ne pourra pas en avoir le soin religieux dont je me plais à entourer toutes ces reliques du passé, toutes ces bagatelles que ses chères petites mains de fée touchaient à chaque instant, et sur lesquelles s’arrêtaient ses regards ; ces muets témoins de mon bonheur sitôt écoulé, de ma douleur, qui sera éternelle.
On m’avertit qu’il faut partir. Je descends quatre à quatre les marches de l’escalier, et, poursuivie par la crainte du retard qui talonne tous les voyageurs, depuis l’utile, mais inquiétante invention des chemins de fer, je grimpe en voiture, et je m’élance au grand trot de mes chevaux vers la station de Lyon.
L’aube glacée de décembre versait alors sur le macadam de Paris un verglas qui me gelait l’âme aussi bien que le corps. Une grippe assez développée compliquait lés désagréments de la situation, et, si ce voyage n’avait pas été entièrement le résultat de ma volonté, je n’aurais assurément pas manqué d’en signaler avec une certaine amertume tous les inconvénients. Mais j’étais soutenue par la pensée que ma seule détermination m’avait mise aux prises avec ces ennuis momentanés, et que dans peu de jours je serais, loin des brouillards de la Seine, sous le beau ciel de l’Italie.
En arrivant sur les quais j’aperçus une modeste citadine qui luttait péniblement contre les obstacles créés par le verglas. — Elle contenait mon mari, qui, dans son accès d’impatience, avait quitté notre hôtel une demi-heure avant moi. En passant je lui exprimai par mes regards la profonde sympathie que je ressentais pour sa triste position.
Arrivés au débarcadère, nous nous installâmes dans un coupé dont nous avions loué les quatre places, et, grâces à cette précaution indispensable au confort d’un long trajet, le voyage se fit à merveille, malgré le froid pénétrant et ma grippe tenace. — Je me livrai, chemin faisant, à une foule de réflexions sur le séjour que je quittais, sur la vie de Paris ; vie si creuse et si factice, si bonne pour les gens heureux, qui comptent les journées par les distraction qu’elles amènent, vie si peu en harmonie avec les âmes qui souffrent et qui regrettent. — Pour celui qui « n’est plus de ce monde, » la comédie humaine est un étrange spectacle. Que de doucereuses ingratitudes, que de lâchetés polies, que d’aimables noirceurs, que de charmantes faussetés, que d’affectueuses trahisons se passent sur les tréteaux des salons ! — comédie perpétuelle qui tourne trop souvent au drame, et dont les acteurs ne sont pas plus dupes les uns des autres que ne le sont Bressant et Fechter des roses « fraîches écloses » de mademoiselle Figeac, ou du repentir et du désintéressement de madame Doche.
Je consacrai une heure de la journée à la lecture de la Bible. Jamais ces pages sublimes ne me parurent plus belles et ne parlèrent mieux à mon âme. Il me semblait que, du fond du coeur, je pouvais m’écrier avec David : « Éternel, écoute ma requête ; prête l’oreille à mon cri, et ne sois point sourd à mes larmes ; car je suis un voyageur devant toi. »
Loin du home, on éprouve encore plus impérieusement le besoin de se tenir tout près de Dieu, de chercher en lui non-seulement « notre Père qui est aux cieux, » mais aussi celui qui veille sur nous à chaque pas de notre route, celui qui nous conduit, qui nous soutient, qui nous console, et dont l’amour est éternel, immuable comme lui.
Nous arrivâmes sans malencontre à Lyon, sur les huit heures du soir. Une voiture nous attendait au débarcadère pour nous conduire à l’hôtel de l’Univers, le meilleur de cette belle, mais déplaisante ville. Je ne sais pourquoi, mais Lyon me fait toujours l’effet d’une de ces femmes qui ne manquent ni de beauté, ni d’intelligence, mais qui ont le tort d’appartenir à cette classe, devenue infiniment trop nombreuse, de nouveaux riches. « Ces dames  » ont toujours dans leurs toilettes, dans leur langage, jusque dans leur façon de saluer, quelque chose qui trahit le secret d’une origine vulgaire et d’une première éducation négligée. Aussi, malgré ses grandes places, ses larges rues, ses magnifiques quais, Lyon ne sera jamais qu’une ville de commerçants que le voyageur s’empressera de quitter le plus tôt qu’il lui sera possible.
La plupart des auberges de Lyon sont détestables. L’hôtel de l’Univers, tenu par un Anglais, est sans contredit le meilleur. Il y règne une grande propreté, la cuisine y est bonne et le service bien organisé. — Malheureusement la rue est bruyante, et l’odeur de cuisine ou d’une boulangerie trop voisine poursuit l’infortuné voyageur jusque dans le royaume des songes.
On ne peut rien voir de plus admirable que toute la ligne de Paris à Marseille, et certainement je n’en connais pas en Angleterre qui puisse lui être comparable. Je ne parle pas, bien entendu, des stations, des buffets, etc., qui sont mieux organisés chez nous.
La ligne du chemin de fer longe le Rhône, qui est bordé de l’autre côté par la chaîne des Alpes. Le temps était admirable, et l’absence du feuillage nuisait à peine à la beauté des sites. Ce large fleuve aux eaux bleues, sombres et profondes, coule majestueusement à travers de belles prairies, et semble refléter dans une nuance plus foncée le beau ciel de la Provence. — L’atmosphère rayonnait claire et pure, comme par une journée d’été.
Le premier coup d’œil de la Méditerranée est charmant, et l’on arrive à Marseille à travers un pays semé de jolies villas. Nous descendons à l’hôtel de l’Orient, où nous sommes passablement logés et fort mal nourris. — Nous avions (l’avouerai-je ?) formé l’innocent projet de manger de quelques plats provençaux, et il nous semblait qu’à Marseille ce plan devait être facile à réaliser ; mais, hélas ! nous avions compté sans notre hôte, c’est-à-dire sans le cuisinier de l’hôtel de l’Orient. Le garçon qui nous servait, Suisse de naissance, aimable homme qui n’avait que le défaut d’être le seul domestique de l’auberge, nous dit d’un air triomphant : « Monsieur et Madame n’auront pas à craindre les mets provençaux : notre chef est bourguignon. ». Il fallut nous résigner à la cuisine plus que médiocre de la Côte-d’Or, et faire notre deuil de la bouillabaisse, de la bouride à la crème d’ail, etc., etc.
Marseille est une belle ville. Nous y passerons deux jours pour observer le dimanche. Nous sommes allés aujourd’hui voir le nouveau port, qui est vraiment magnifique. Le temps était splendide ; la mer était bleue et scintillante de petites vagues frangées d’écume, qui semblaient folâtrer en se chassant les unes les autres vers le rivage. Nous suivîmes une espèce de rempart qui domine la Méditerranée, et nous assistâmes au débarquement de quelques bataillons de la garde impériale qui revenaient de la Cri

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