Pensée antique et science contemporaine

Pierre Charles

Description

La science contemporaine nous amène à reconsidérer certains textes anciens. La mécanique quantique, tout particulièrement, utilise de nombreux concepts que l'on retrouve dans les philosophies de Pythagore, Héraclite; Platon, Aristote et Carnéade. Les théories modernes du langage et de la signification, la nature des nombres et des propositions logiques, nous offrent aussi l'opportunité d'une confrontation. L'auteur se plaît à mettre en regard la pensée contemporaine et la pensée antique avec l'espoir d'en voir jaillir quelque lueur.

Sujets

• Philosophie et théologie
• Philosophie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 juin 2014
• Nombre de lectures: 25
• EAN13: 9782336351186
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Pierre CHARLES

PENSÉE ANTIQUE ET SCIENCE CONTEMPORAINE

OUVERTUREPHILOSOPHIQUE

PENSÉE ANTIQUE ET SCIENCE CONTEMPORAINE

© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’École polytechnique, 75005 Paris

http://www.harmattan.fr [e-mail] [e-mail]

ISBN : 978-2-343-03395-2 EAN : 9782343033952

Pierre Charles

PENSÉE ANTIQUE

ET SCIENCE CONTEMPORAINE

L’Harmattan

Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot

Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques.

Dernières parutions

Miklos VETÖ,La métaphysique religieuse de Simone Weil, 2014. Cyril IASCI,!Le corps qui reste. Travestir, danser, résister , 2014. Jean-Michel CHARRUE,Néoplatonisme. De l’existence et de la destinée humaine, 2014. Sylvie PAILLAT,Métaphysique du rire, 2014. Michel FATTAL,Paul de Tarse et lelogos, 2014. Miklos VETO,Gabriel Marcel. Les grands thèmes de sa philosophie, 2014. Miguel ESPINOZA,Repenser le naturalisme, 2014. NDZIMBA GANYANAD,Essai sur la détermination et les implications philosophiques du concept de « Liberté humaine », 2014. Auguste Nsonsissa et Michel Wilfrid Nzaba,Réflexions épistémologiques sur la crisologie, 2014. Pierre BANGE,La Philosophie du langage de Wilhelm von Humboldt (1767-1835), 2014. Marc DURAND,Médée l’ambigüe, 2014. Sous la direction d’Aline CAILLET et Christophe GENIN, Genre, sexe et égalité,2014. Benoît QUINQUIS,L’Antiquité chez Albert Camus, 2014.

 AVANT-PROPOS

 Comme introduction à un cours de physique, j’avais entrepris d’écrireun petit historique sur la découverte des atomes. Cherchant à agrémenter le texte de quelques citations, j’avais été intrigué par un passage duDe rerum naturade Lucrèce dans lequel il était question de ces corps minuscules qui, comme les soldats d’une guerre éternelle, se livrent par escadrons batailles et combats. Il n’était pas alors questionlire les 7500 vers du de De rerum natura. Je m’étais pourtant promis de le faire «un jour ». Ce jour est venu avec la retraite. Je me suis donc aventuré dans une étude minutieuse de l’œuvre de Lucrèce. Je m’empresse de préciser que je ne suis ni historien ni latiniste (ni helléniste) et qu’il n’a jamais été question pour moi de rédiger quoi que ce soit qui puisse s’apparenter à un cours d’histoire ou de philosophie dessciences. S’il m’arrivede m’exprimer à la première personne, c’est pour relativiser mon propos, pour signifier que ce que j’écris n’engage que moi.

Après avoir imprudemment mis le doigt dans l’engrenage, j’ai été avalé par cette étrange machine.On ne peut s’intéresser à Lucrèce sans étudier Épicure. J’ai alors pris conscience de la grande différence de ton qui sépare er le Maître du disciple. À Rome, au I siècle avant notre ère, deux courants épicuriens bien distincts se sont développés. Le premier, représenté par Lucrèce, contenait tous les ingrédients de ce que l’on appellera plus tard le matérialisme. Le second, représenté par Philodème, se laissera progressivement absorber par le christianisme.

Je n’envisageais pas d’aller au-delà de cette petite promenade épicurienne, lorsqu’un événement tout à fait imprévu m’a lancé sur une nouvelle piste. Ma rencontre avec le Pythagoricien Archytas de Tarente a été déterminante. Je laisse le lecteur découvrir comment la physique des particules élémentaires s’est mélangée à la généalogie des dieux grecs, et pourquoi les concepts utilisés en mécanique quantique prennent leurs racines dans la philosophie antique. Quelques thèmes sont alors apparus, et j’ai compris qu’il fallait absolument que je les examine.Tout s’est passé comme si Archytas m’avait donné des ordres. Il n’était pas question de m’y soustraire.  5

C’est ainsi que je me suis retrouvé dans lesAnalytiquesd’Aristote, puis que les Sceptiques grecs m’ont propulsé dans les théories du langage. Les Élémentsd’Euclide étaient bien sûr incontournables.Euclide puise abondamment dans le riche corpus pythagoricien, en l’expurgeant de tout mysticisme. Le soin avec lequel il distingue lesDéfinitionsdesPropositions nous amène à le considérer comme un disciple d’Aristote. Le survol des Élémentsm’a donné l’occasion de comparer les différentes façons de concevoir les nombres : transcendantalisme pythagoricien, réalisme platonicien, abstractionnisme aristotélicien et conceptualisme. Mon voyage s’est terminé par la visite d’une partie de l’extraordinaire œuvre mathématique d’Archimède.

Si j’ai écrit ce petit livre, c’est surtout pour ne pas oublier mon cheminement. Il s’agit, en quelque sorte, de souvenirs de voyage. J’aimerais que mes éventuels lecteurs y trouvent du grain à moudre. Ce serait déjà beaucoup !

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 I  À la rencontre des Épicuriens

1. SUR LEDE RERUM NATURA

 LeDe rerum natura(DRN), écrit par Lucrèce dans la première moitié du premier siècle avant notre ère, et dont les presque 7500 vers nous ont été 1 transmis sans trop de dommage, constitue un document d’un intérêt exceptionnel, non seulement par son contenu, mais aussi par les nombreux commentairesqu’il a suscités. Chaque lecteur le voit au travers de ses propres filtres, se projette sur certains passages qu’il observe alors à la loupe, ou au contraire montre pour des pans entiers de l’œuvre une étonnante cécité. On peut se persuader de cette vertigineuse différence de points de vue 2 en lisant successivement, par exemple, le miel et l’absinthed’André 3 Comte-Sponville etLa naissance de la physique dans le texte de Lucrècede Michel Serres. S’agit-il du même Lucrèce ? Oui, André Comte-Sponville et Michel Serres nous parlent bien du même Titus Lucrecius, connu de Cicéron, né vers 99 et mort vers 53, auteur duDe rerum natura (« de la nature des choses » ou, plus simplement, « de la nature »), poème philosophique dédié à Memmius.

 Lucrèce est généralement présenté comme poète et philosophe. Ce sont presque toujours ces deux qualificatifs que l’on trouve dans les dictionnaires et les encyclopédies, et que l’on continue d’utiliser:

4 C’était un philosophe et c’était un poète. Cela ne suffit pas ?

Non, cela ne suffit pas, car le DRN est essentiellement un ouvrage de physique. Les raisonnements de Lucrèce,sa façon d’aborder les problèmes, son sens du réel et sa méfiance envers le surnaturel sont caractéristiques du physicien.

1 Sur ce point, on peut consulter l’introduction de José Kany-Turpin, p. 45, dans Lucrèce, De la nature, GF Flammarion, 1997. 2 André Comte-Sponville, Le miel et l’absinthe, Hermann, 2008. 3 Michel Serres, La naissance de la physique dans le texte de Lucrèce, Les éditions de minuit, 1977. 4 André Comte-Sponville,ibid. p. 31.  9