Voyage dans le Midi de la France - Lettres écrites en août, septembre et octobre 1867
87 pages
Français

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Voyage dans le Midi de la France - Lettres écrites en août, septembre et octobre 1867 , livre ebook

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Description

15 août 1867 (1re lettre).Il est superflu, mon cher père, de te dire que le trajet a été hier soir aussi chaux que poussiéreux par cette température d’africaine mémoire. Cependant, j’aurais passé une fin de nuit relativement bonne à l’hôtel du Grand-Monarque, si les indigènes de la Charité n’avaient eu la fantaisie bête de tirer des salves d’artillerie (où l’artillerie va-t-elle se nicher ?) à cinq heures du matin.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346025251
Langue Français

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À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Louis Gonse
Voyage dans le Midi de la France
Lettres écrites en août, septembre et octobre 1867
LETTRES ÉCRITES DU MIDI DE LA FRANCE

*
* *
Un voyage en France est le plus melliflue, le plus plantureux, le plus varié et le plus instructif que l’on puisse faire dans l’Europe occidentale, après celui d’Italie. Car la France a une qualité suprême que nulle autre contrée ne possède au même degré, la variété. Une variété saisissante aussi bien dans ses productions naturelles, qui font le désespoir de l’Europe entière (car si, par impossible, la France devenait politiquement et moralement la dernière des nations, elle resterait encore la première par ses vins, ses fruits, ses truffes, ses huitres et sa cuisine), que dans ses sites merveilleux, et dans les trésors d’art qui la couvrent.
C’est ce que l’on semble ignorer généralement ; c’est ce que, nous surtout Français, nous faisons parade de méconnaître.
Il y a de la maladresse dans ce dédain ; surtout à une époque où la France n’a pas de trop de tous les dons que la nature prodigue lui a dispensés pour maintenir son prestige dans le monde.
Il y a de la maladresse à laisser aux Anglais le soin de découvrir et de juger notre pays si peu connu, ou plutôt si mal vulgarisé. Nous avons assez fait les moutons de Panurge, nous avons assez abusé de l’Italie, de la Suisse et des bords du Rhin, ces pays admirables que Dieu me garde de décrier : il est temps enfin de nous connaitre nous-mêmes et de compter nos richesses. Je sais que depuis 1830 les choses sont bien changées, que chaque jour s’augmente le nombre des ouvrages savants et compliqués dans lesquels sont fouillées nos provinces ; mais ces ouvrages d’érudition et de saine critique, d’une forme et d’un prix peu engageants, n’en laissent pas moins la grande majorité du public dans une indifférence manifeste. Ce ne sont ni les volumineux ouvrages du baron Taylor, d’un romantisme vague et maintenant démodé, ni les savantes dissertations des architectes attachés à la commission des monuments historiques, qui feront jamais cesser cette indifférence.
Ce qui manque c’est un livre de forme attrayante, un livre dont les descriptions pittoresques soient le miroir d’impressions vives et recueillies toutes chaudes, avec un appoint de connaissances archéologiques et littéraires suffisantes pour mériter l’examen des esprits sérieux : un livre, en un mot, qui soit pour la France, ce que sont pour l’Orient, l’Espagne et l’Italie. les voyages d’un Gautier ou d’un Gérard de Nerval.
Loin de moi l’idée de remplir cette lacune ! Je n’ai fait que cotoyer la route que parcourra, tôt ou tard, quelque écrivain jeune, habile et autorisé. Outre que je me sens très indigne et très incapable d’en faire même l’essai, on chercherait en vain dans ces notes de voyage les paysages des Pyrénées, de la Savoie et des Hautes-Alpes ; le Jura, les Cévennes et les Vosges ; les monuments de l’est, de la Champagne et de l’ancien domaine royal ; Strasbourg, Reims, Troyes, Noyon, Coucy, Laon, Beauvais, Soissons, Saint-Denis, Paris, Amiens, Chartres, Bourges avec les grandes cathédrales françaises d’où sont sortie tous les monuments gothiques de l’Europe. On y chercherait en vain Rouen, les bords de la Seine, la Normandie et l’ancienne Flandre ; la Bretagne et les bords de la Loire ; le Poitou et la Gascogne.
Cependant la partie de la France que je viens de parcourir est la plus belle il suffit de nommer l’Auvergne, la Lozère, le Languedoc, la Provence, la vallée du Rhône, les environs de Grenoble et la Bourgogne.
Ainsi donc ces pages sont à peine une ébauche ; et si je me suis décidé, non sans quelque appréhension, à les livrer à l’imprimeur, c’est parce que j’ai l’espoir que ce no sera pas là un acte complètement inutile. Heureux et largement payé si je puis éveiller chez d’autres le désir de faire ce voyage facile et peu coûteux !
L.G.
LA CHARITÉ-SUR-LOIRE
15 août 1867 (1 re lettre).
 
Il est superflu, mon cher père, de te dire que le trajet a été hier soir aussi chaux que poussiéreux par cette température d’africaine mémoire. Cependant, j’aurais passé une fin de nuit relativement bonne à l’hôtel du Grand-Monarque, si les indigènes de la Charité n’avaient eu la fantaisie bête de tirer des salves d’artillerie (où l’artillerie va-t-elle se nicher ?) à cinq heures du matin. Si j’avait pu oublier un instant que ce jour était le 15 août, cet intermède musical me l’aurait infailliblement rappelé.
Mais, vas-tu me dire, quelle mouche t’a piqué pour descendre ainsi à la Charité ? Il est vrai que ce chef-lieu de canton est une très mince expression géographique, et que la turbe profane qui, tous les ans, aux mois de juillet et d’août, se précipite à Vichy pour y étaler son ennui et ses modes, n’a que faire de la Charité. Mais moi, qui ai pris la mauvaise habitude de m’intéresser aux choses d’art, je m’y suis arrêté, et bien m’en a pris.
J’y ai trouvé les débris d’une des plus curieuses églises de la France : église cluniste du XII e siècle, fondée par le pape Pascal II. Il n’en reste plus que l’un des deux énormes clochers carrés qui accompagnaient le portail et le chœur, la nef ayant été presque entièrement détruite. Ce clocher a quatre étages, et est couvert des pieds à la tête de remarquables sculptures. Cependant, malgré sa richesse, il manque de charme, parce que l’architecte a eu la malheureuse idée de faire les deux derniers étages identiquement pareils comme taille et comme ornementation.
Sur la croisée du transsent, au-dessus d’une coupole à encorbellements, s’élève une bonne grosse lanterne octogone mieux conservée que le clocher. L’abside compte parmi les plus belles. L’intérieur du chœur, horriblement mutilé, badigeonné et rebadigeonné, montre encore de merveilleux détails, surtout un triforium à colonnes cannelées de la plus étonnante richesse de sculpture. Avec un peu d’imagination, on peut aisément se figurer l’éclat majestueux que devait avoir l’ancien édifice roman.
Mais la vraie perle est une fausse porté du XII e siècle, à l’intérieur du chœur. Sur le linteau est sculptée une Adoration des Rois, et sur le tympan un Paradis quelconque. Les jambages de la porte sont surmontés de deux splendides chapiteaux d’un galbe presque corinthien. Un sculpteur renommé, venu de Cluny même, a évidemment ciselé ce morceau d’orfèvrerie en pierre.
Cette église abbatiale de la Charité, qui n’était pas d’un style bien pur, avait cela de très intéressant (et elle le devait à sa position géographique), qu’elle offrait un spécimen considérable de la fusion des trois écoles de la Bourgogne, de l’Auvergne et des bords de la Loire. A la première, elle avait emprunté ses colonnes cannelées et ses chapiteaux ; à la seconde, la beauté de son plan et sa coupole ; à la troisième, son clocher et le luxe un peu confus de son ornementation.
Vue de l’autre côté de la Loire, la petite ville de la Charité se présente bien avec ses noires maisons et sa ceinture de vieilles fortifications couronnées de lierre. A droite et à gauche, à perte de vue, la Loire promène ses innombrables bras, au milieu des dunes de sable ; c’est un spectacle à part, tout-à-fait caractéristique de cette partie de la France.
Ce matin, nous avons eu une bonne pluie qui a rafraîchi le temps : tout ira bien si les nuages bas et moutonnés qui encombrent le ciel en ce moment veulent bien faire place à un soleil moins dévorant.
Nota.  — Bon vin blanc de Pouilly et bonne cuisine au Grand-Monarque.
NEVERS
II e lettre.
 
Je déclare d’abord, ma chère mère, que je ne voudrais pas, pour tout l’or du monde, me voir en peinture à Nevers. Nonobstant, cette petite restriction établie, je dois avouer que cette capitale mérite amplement la visite des artistes, archéologues et autre insectes de même farine.
Le voyageur qui vient de la Loire entre tout d’abord à Nevers par une croustillante porte fortifiée du XIV e siècle, qui a de la réputatio

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