Amitié
256 pages
Français

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Description

L'autre et moi. Dans l'amitié, ce n'est pas moi qui compte malgré les apparences... Ce n'est pas tout à fait l'autre non plus, qu'il soit porteur d'une amitié de jeunesse ou d'une amitié de la maturité allant jusqu'au dernier souffle... Non, ce qui compte, c'est l'amitié elle-même, opérant dans le charme de son accomplissement. À travers la pensée de Montaigne, cet ouvrage ponctué de poèmes, explore toutes les facettes du sentiment amical.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2017
Nombre de lectures 13
EAN13 9782140031663
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre

Pierre-Paul Bracco







Amitié

Sur le mode de Montaigne
Copyright

Du même auteur, aux éditions L’Harmattan

Conscience ouverte , L’Harmattan, 2012
Le don ordinaire des larmes , L’Harmattan, 2015



















© L’Harmattan, 2017
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-78402-1
Dédicace


à Jean-Marie et à Paul
Chapitre1
1
L’amitié.
L’amitié, parlons-en.
L’amitié entre deux hommes, entre deux femmes, entre un homme et une femme, n’est-ce pas d’abord cette sortie hors de soi, sortie originaire qui permet de mieux être soi en allant voir ailleurs si on y est ? L’amitié, n’est-ce pas foncièrement le lien naturel de chacun avec l’autre de la même espèce en la pleine et mutuelle reconnaissance d’une existence commune ? Le fond de l’amitié, avant qu’adviennent la bienveillance réciproque et l’attachement ému à tout l’être de l’autre, ne se distingue guère de la révélation existentielle de l’homme en tant qu’homme, de l’homme en général, bref de l’humanité.
Car il s’agit bien de l’être humain comme être humain, de cet animal-là, pareil à quantité d’autres animaux, mais à qui, probablement plus qu’à la plupart d’entre eux, il est offert de connaître et de vivre la douce amitié.
Avec l’autre, pris dans son humanité, l’autre-homme, étranger en quelque façon, loin au bout de lui-même et ici pourtant, un semblable, un ami potentiel donc, n’avoir aucune attente précise, rester profondément dégagé, désintéressé, sans rien qui limite ni pèse ni contraigne. Alors, à partir de cette sorte de nudité mentale consentie, l’amitié devient immédiatement possible, naturellement possible. Il n’est que d’aller à l’autre, le possible ami, en autre, en possible ami. Il n’est que d’être sans dessein hormis celui de l’amitié elle-même. Oui, aller simplement au simple qui fonde l’amitié et la rend la plus juste et la plus harmonieuse des activités humaines. La plus essentielle aussi.
Moi, l’autre, et toi, l’autre, côte à côte, prêts au partage… en fait, à ce tout premier et, en même temps, à ce tout dernier partage, en humanité, avant tout autre partage. Toi, l’autre, et moi, l’autre, humain humain, accédant au moment présent, le pénétrant comme si de rien n’était et aptes ainsi à tendre vers le nous pour finalement l’accomplir.
N’est-ce pas la toute première chose que porte l’amitié ? L’affirmation évidente et sereine de cette part commune d’humanité. L’amitié en poste avancé du genre humain et à la fois en recours. Même si la véritable amitié, qui réclame tant de vertus, s’avère rare en réalité, poussant malaisément au milieu des frivolités et des bassesses ordinaires.
Mais cette rencontre librement voulue, par laquelle chacun cherche à nouer une alliance fondamentale d’humain à humain, se poursuit de plus belle, malgré les mille et une embûches aussi anciennes que l’humanité elle-même et malgré les pièges dressés qui parviennent à transformer parfois les amis en alouettes, en lièvres ou bien en souris.
Il y a donc un risque bien sûr à cette rencontre, décidée et réalisée cependant en cette première radicale instance. Rien qui n’immunise les deux volontaires, rien qui ne soit de nature à annuler leur vulnérabilité. Ils sont sans cuirasse et peuvent être atteints sur n’importe quelle partie de leur corps. Ils peuvent recevoir une blessure mortelle.
En fait, ce sont des enfants, avec la faiblesse et la force des enfants. Quel que soit leur âge, ces deux, qui s’avancent ensemble en toute fragilité sur le chemin de l’amitié, n’en ont pas moins découvert pour l’occasion cette forme d’ingénuité confiante qui illumine l’enfance.
Il n’est pas déraisonnable de penser l’enfance au cœur de l’amitié et l’enfant, du reste, au cœur de l’ami. En dépit du bouillonnant passé et de la permanente infusion de mémoire, l’ami ne trouvera la légèreté que dans l’enfant qu’il aura été.
Sans doute l’amitié – sans le dire, mais quelquefois en le laissant entendre – parle-t-elle au nom de l’enfance… et l’ami parle-t-il d’abord au nom de l’enfance de l’humanité, puis au nom de sa propre enfance.
Il est vrai que l’amitié véritable a en commun avec l’enfance de n’être jamais définitivement ou absolument établie et de se révéler au contraire en mouvement jour après jour, de s’ouvrir, de se métamorphoser, toujours en devenir.
La grâce de l’enfance certainement, mais l’utopie ou la folle sagesse qui anime l’amitié également. Il est temps de rappeler qu’entre deux amis l’amitié sera d’autant plus durable que l’un et l’autre auront su non seulement conserver mais cultiver l’esprit d’enfance.


Ville de ciel bleu, ville de ciel d’été même en hiver, ville où la lumière jaune fait scintiller sur la peau les insectes tels des abcès d’or. Lourd parfum et profond silence de cette ville : aucun frémissement, aucun bourdonnement, aucun souffle, aucune haleine. Une étrange impression de paille sèche et toujours s’asséchant.
Il n’est pas nécessaire d’examiner le ciel pour constater l’absence de nuages, encore moins de nuages charbonneux, porteurs de pluie. Non, la voûte demeure bleue, immensément bleue.
Au fond, cette ville n’a qu’un roi, qui l’illumine et qui semble régner à partir d’elle sur l’univers entier. Elle ne peut pas renier ce roi, qui se lève tous les jours pour elle et qui s’arrange pour faire croire qu’il se lève aussi pour le reste du monde.
Nulle évasion possible. L’accablante chaleur est l’emblème reconnu de ce royaume et l’on se prosterne volontiers devant la débauche solaire, même si elle brûle les toits de tuiles roses ou qu’elle ébouillante les façades et les rues. Tout se passe comme si on ne demandait qu’à flamber. Et le ciel est là pour servir de couvercle.
Les habitants de la ville sont en permanence au bout d’une marche incertaine. Jouets de ce roi impassible, qu’ils persistent à adorer, il ne faut pas s’y tromper. Car la puissance de ce maître est si grande qu’elle parvient sans peine à réveiller les morts.
Après avoir cheminé sous terre le long de couloirs étroits et s’être enlisés dans d’épaisses galeries de sable, ils ont été happés et ramenés à l’air brûlant, pour réentendre le rire amer des hommes et glisser de nouveau sur la terre sèche. Maintenant, ils marchent en file indienne, tous cramponnés à la lumière dure. Ils ressemblent à des papillons cloués brutalement vivants, les ailes meurtries, les fines écailles flétries… des papillons rêvant confusément de fleurs tendres.
Mais en ce lieu, peu de végétation, peu d’arbres, au loin quelques palmiers. En fixant le regard avec intensité sur tel ou tel de ces palmiers, on peut voir se dresser le spectre d’un marin aux pupilles aveugles et aux lèvres enflées en attente de quelque maigre nourriture. Image furtive comme le sont celles de femmes ouvrant leurs capes rouges pour découvrir leurs seins hauts.
On ouvre les yeux et le soleil est là, déjà là, toujours là. Le beau temps en continu, le beau temps comme seule loi acceptée, seule réalité reconnue, tandis que la pluie peine à exister et désarçonne toujours quand elle advient.
La lumière éblouissante et la chaleur garantie offrent à cette ville la réputation d’être bénie des dieux. Il est vrai qu’au-dessus des têtes s’étend l’azur d’un ciel sans partage.
Comme le soleil ne faiblit pas, on en appelle alors à la mer. Cette ville de plein soleil n’a pas d’autre choix que de s’accoupler à la mer. Du reste, la baie – nommée la Baie des Anges, n’y voyons pas un hasard… élue, en outre, septième ou huitième merveille du monde par Jules Romains – la baie donc, doucement enfoncée dans les terres, ouvre ses flancs et laisse pénétrer la mer dans son échancrure. La masse d’eau paisible a des mouvements répétés et lents, des courbures amples, des ondulations réglées. Le long du rivage, le gravier avance et recule, subissant l’incessante indécision des vagues.
On en appelle à la mer en effet, mais celle qui apaise et tempère la chaleur, non celle qui aime s’enfler, se déchaîner et souffler en tempête. La mer certes, mais pas n’importe quelle mer, une mer calme et douce, une mer décidément voluptueuse, comme endormie. Cette ville de ciel bleu et de plein soleil mérite certainement la Méditerranée.
En dépit de son apparente immobilité – mais est-elle aus

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