Au-delà de la parole
198 pages
Français

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Au-delà de la parole , livre ebook

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198 pages
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Description

Paris, 1975, Yolande Matoré est en analyse chez un psychanalyste réputé. Celui-ci décide alors de changer le cours de la thérapie ; il introduit dans les séances freudiennes classiques des pratiques sexuelles, les justifiant par la nécessité de débloquer certaines défenses pour faire avancer l'analyse. Abus sexuel, acte thérapeutique ? Cet ouvrage est le récit de cette aventure scandaleuse et bien surprenante, qui a transformé la vie de l'auteur pour toujours.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2013
Nombre de lectures 43
EAN13 9782336663494
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Yolande Matoré






AU-DELÀ DE LA PAROLE

Mémoire d’une analyse pas comme les autres








L’HARMATTAN
Copyright

© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-66349-4
Dédicace

À mon frère Daniel, fidèle compagnon de mon enfance, qui par ses chaleureux encouragements m’a incitée à écrire ce récit.
Citation

La possibilité de telles heures ne renaîtra jamais pour moi. Mais depuis peu de temps, je recommence à très bien percevoir, si je prête l’oreille, les sanglots que j’eus la force de contenir devant mon père et qui n’éclatèrent que quand je me retrouvais seul avec maman. En réalité ils n’ont jamais cessé ; et c’est seulement parce que la vie se tait maintenant davantage autour de moi que je les entends de nouveau, comme ces cloches de couvents que couvrent si bien les bruits de la ville pendant le jour qu’on les croirait arrêtées mais qui se remettent à sonner dans le silence du soir.

Du côté de chez Swann
Marcel Proust
AVANT PROPOS
Il faut un temps pour l’analyse, un temps pour vivre passionnément et un temps pour consigner et interpréter cette vie.
Anaïs Nin

Pendant 35 ans j’ai gardé le silence ; j’ai tenu secrète l’histoire que je vais raconter ici. Seul, un proche, familier aussi de la psychanalyse était au courant.
Les raisons en sont simples et ne tiennent pas seulement à la gêne que j’aurais éprouvée à raconter cette histoire intime, ou à l’ennui de nuire au Docteur T, elles viennent aussi du fait qu’on ne parle pas de sa propre psychanalyse à son entourage.
De plus, les circonstances très particulières de la mienne sont restées jusqu’à présent trop complexes pour que j’en parle librement. Le mystère, même pour moi, était total. Pour bien raconter une histoire il faut d’abord la comprendre ; si j’ai toujours été consciente des changements considérables qui me sont arrivés dans la dernière partie de mon analyse, les raisons m’en échappaient complètement. Tout était flou et obscur. Aussi, quand récemment on m’a suggéré d’écrire ce récit, une sorte d’urgence m’a saisie. Je me suis demandée si les terres de mon passé, que je pensais inondées à jamais, ne pouvaient être endiguées, et finalement déchiffrées.
J’ai aussi pensé que je me devais d’apporter des éléments vécus à ce grand débat dont personne ne parle vraiment, mais qui est dans tous les esprits, sur le rôle du désir et son possible passage à l’acte dans la situation analytique. Je ne pense pas que mon cas soit unique. Ma propre discrétion pendant toutes ces années indique qu’il y a certainement des cas comparables au mien que l’on ignore.

Avant de rédiger ces souvenirs, ma première tâche a été de m’assurer que le Docteur T n’était plus vivant, que cet écrit ne pourrait lui porter préjudice.
Ceci est le récit de l’expérience très singulière que j’ai vécue pendant un an et demi au cours de mon analyse avec lui et dans l’année qui a suivi. Ce n’est en aucun cas une étude psychanalytique.
Quant au texte lui-même, écrit des dizaines d’années après les incidents relatés ici, j’ai eu la chance d’avoir pris et conservé des notes, des récits de rêves, de nombreuses lettres de cette époque, surtout un début de roman que j’ai écrit quelques années plus tard, à l’époque où tout était encore frais dans ma mémoire, qui utilisait ce matériel.
D’ailleurs, le passage des années n’a sans doute pas été une mauvaise chose, il m’a permis de prendre du recul par rapport à ces événements intimes, d’en parler avec plus de détachement et de maturité. Ce récit comporte de nombreux blancs que je ne serais sans doute jamais capable de combler. Mais ces vides s’enchevêtrent étroitement avec les événements de notre vie, ils forment la Gestalt de notre réalité, et sont indispensables pour comprendre l’ensemble. Ils en font la valeur et l’unicité.
Dans ce mémoire tout est véridique. Si j’ai été parfois obligée de bouleverser un peu le cours des faits, de changer quelques détails pour mieux raconter cette histoire, aucun fait important n’a été trahi.

Yolande Matoré
CHAPITRE 1
4 Avril 1975 9 :50
Un bref coup de sonnette pour prévenir de mon arrivée...
Anxieuse, j’ouvre lentement la porte et pénètre dans la petite salle d’attente. Ouf ! c’est vide.
Je m’assois comme d’habitude dans le vieux fauteuil de soie jaune doré juste à côté de la fenêtre. Un coup d’œil sur ma montre me rassure. Comme toujours, je suis en avance de dix minutes. Jamais plus, car ce serait gênant de rencontrer quelqu’un ici, mais jamais moins non plus, parce que l’idée d’être en retard me terrifie. Je vérifie plusieurs fois ma montre sur le boulevard avant de pénétrer dans l’immeuble et fais quelques pas si c’est trop tôt. Le café d’en bas me connaît bien ; Jean, le garçon, me salue chaleureusement et me sert un café au comptoir dès que j’arrive. C’est aussi une halte commode quand il pleut.
La fenêtre à ma gauche donne sur le boulevard Raspail où le trafic ce matin comme d’habitude est effroyablement bruyant, klaxons, motos, ambulances, se succèdent sans arrêt. Ici à l’intérieur, par contre, tout est calme, en attente. J’épie les bruits qui s’entendent parfois à travers la cloison qui me sépare du reste de l’appartement ; tiens, en ce moment j’entends des bruits de cuisine et de rangements. Peut-être est-ce la femme de ménage espagnole que je croise quelquefois dans l’escalier en m’en allant qui prépare le déjeuner. Aujourd’hui il me semble entendre quelqu’un d’autre. Curieux, jamais de conversation. Il doit y avoir une consigne de silence.
Ah !... j’entends la porte d’entrée qui s’ouvre. C’est la patiente qui me précède qui s’en va. Je la connais bien celle-là ! Sans l’avoir jamais vue, j’entends tous les vendredis sa petite voix fluette qui parle comme un disque cassé à la porte. Elle m’agace à toujours vouloir rester quelques secondes de plus avant de partir !
Enfin la porte se referme. D’ici quelques minutes ce sera mon tour.
Un coup d’œil à la glace au-dessus de la cheminée me rassure. Tout va bien, je suis présentable.
Le Docteur T entre dans la salle d’attente. Il se tient souriant devant moi. La cinquantaine soignée et quelques kilos en trop. Presque chauve, il porte le peu de cheveux qui lui reste un peu plus longs ce qui lui donne l’air d’un artiste ou d’un vieux philosophe. Sa petite taille n’impressionne guère, et moins encore son visage banal aux lèvres fines dévoré par des lunettes à monture de métal. Ce matin il porte une chemise bleue à rayures et une écharpe de soie blanche en lavallière. Son air est bienveillant comme toujours.
– Bonjour !
Je détourne bien vite le regard et grommelle entre mes dents :
– Bonjour.
Il me serre la main, me précède pour entrer dans son cabinet.
Je vois le Docteur T régulièrement trois fois par semaine depuis quatre ans, le lundi soir, le mercredi à 17 heures et le vendredi matin. C’est mon psychanalyste.
Nous entrons dans une vaste antichambre tapissée d’un épais tissu rouge. La porte de son cabinet est sur la gauche. A droite, une autre porte d’où je vois sortir parfois une femme accompagnée d’un patient. Elle est grande, blonde, me sourit gentiment quand nous nous croisons. Cela fait bien longtemps que je me demande si c’est sa femme. Elle doit aussi être analyste. Pourtant le Docteur T ne porte pas d’alliance ; peut-être ne sont-ils pas mariés.
Seule une mince cloison sépare ces deux cabinets ; le lundi soir, quand le bruit se calme sur le boulevard et que je suis silencieuse sur le divan, j’entends parfois une voix masculine monotone qui a l’air de réciter une prière.
Le bureau est vaste, éclairé par de nombreuses fenêtres garnies de doubles rideaux qui donnent sur la rue. Ce matin ils sont à demi-fermés car il fait du soleil. Tout y est bleu et jaune d’une atmosphère feutrée qui évoque les tableaux de Vermeer. Au mur, quelques cartes anciennes, des lithographies, des peintures à l’huile. Le parquet est ancien et craque quand on marche dessus. Plusieurs tapis orientaux rouges et bleus, par-ci par-là. Seule pièce intéressante du mobilier, un bureau directoire couvert de livres, de notes écrites à la main, de quelques objets d’art dont une petite sculpture contemporaine en bronze. Il y a toujours des fleurs fraîches dans le vase de porcelaine chinoise. Aujourd’hui, c’est un modeste bouquet d’anémones rouges, blanches et bleues.
Avant même que la

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