Chine, une nouvelle puissance culturelle ?
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Description

La culture, au même titre que l'économie, est un instrument de la puissance chinoise. Mais séduire le monde en faisant usage de son seul « soft power » ne suffit pas. L’Etat-parti communiste entend aussi diffuser de manière plus active des valeurs néo-confucéennes et conservatrices en ouvrant de Nouvelles routes de la soie et en recourant à l’Intelligence Artificielle, puissants vecteurs pour installer les intérêts du régime dans le monde. Ce « sharp power » mobilisé par Pékin est observable dans des champs d’activités aux applications très diverses. Que ce soit en créant ses propres industries culturelles dans le domaine de l’audiovisuel, en développant son marché de l’art ou à travers l’élaboration d’un discours nationaliste, tous garants d’une cohésion entre la Chine continentale et ses diasporas, Xi Jinping met en œuvre une stratégie à vocation mondiale.


La culture est au cœur de ce projet et avec elle, pourrait naître une toute autre grammaire des relations internationales. C’est sous cet angle inédit qu’Emmanuel Lincot nous donne ici des clés pour comprendre ce qui, au-delà même de la Chine, engage définitivement notre avenir.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9791092305531
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chine, une nouvelle puissance culturelle ?

[ Soft Power & Sharp Power ]
Emmanuel LINCOT
[collection les essais médiatiques]

dirigée par Michaël Bourgatte


L'Auteur : Emmanuel Lincot est Professeur à la Faculté des lettres de l’Institut Catholique de Paris (ICP). Spécialiste d’histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, il est également chercheur associé à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS), directeur du pôle Eurasie XXI de l’Institut Vaugirard et corédacteur en chef de la revue Asia Focus . Il vient de créer à l’ICP le Master Stratégies muséales et gestion de projet et a réalisé récemment le premier mooc sur « La géopolitique de la Chine » en partenariat avec France Université Numérique.




www.mkfeditions.com

© MkF éditions, 2019
Edition Papier : 979-10-92305-52-4 Droits de reproduction réservés aux organismes agréés ou ayants droit.
[La collection]

Les Essais médiatiques donnent aux lecteurs les clefs d’un débat sur les enjeux culturels, économiques, politiques et sociologiques liés aux médias et à la médiation. L’objectif est de permettre à chacun de se forger une opinion et d’appréhender ce qui se joue actuellement dans notre société, dans le cadre d’une réflexion ouverte et critique.
Chaque pan de notre vie est aujourd’hui concerné par les médias et les systèmes médiatiques. Ils nous entourent et sont omniprésents dans notre quotidien : la presse, la radio ou la télévision, bien évidemment. Mais également tout un ensemble de formes médiatiques telles que les rassemblement citoyens, les festivals, les expositions… Par ces biais, nous nous distrayons, nous nous informons, nous nous cultivons, nous façonnons nos représentations et nos idéologies.
Il s’avère aujourd’hui essentiel de s’interroger sur la relation que chaque individu entretient avec ces formes médiatiques. Il importe également de se pencher sur les mutations de notre société façonnée par des médias et des médiations qu’elle a elle-même fabriquées.

Pourquoi une importance toujours plus grande est-elle donnée aux systèmes médiatiques dans notre société ? De quelle manière impactent-ils notre relation au monde ? Quel portrait dressent-ils des événements qui ponctuent notre quotidien ?
La collection souhaite mettre l’ensemble de ces questions en débat. Pour y répondre, nous souhaitons privilégier une réflexion pluridisciplinaire et transversale. Ainsi, des approches anthropologiques, communicationnelles, économiques, ethnologiques, historiques, philosophiques ou encore sociologiques vont se croiser et se côtoyer. Il importe à la collection de mettre en discussion un phénomène complexe afin que Les Essais médiatiques rencontrent un écho tant par leur capacité à poser des questions que par leur intention de réunir une somme d’exposés lucides et éclairés sur le sujet.
[introduction]
« La République populaire est engagée avec nous dans une guerre idéologique qui ne dit pas son nom. » — Jean-Pierre Cabestan (2018).

L’hégémonisme de Xi Jinping renforcé
Système politique hybride ou démocrature (Lincot, 2017 a), la Chine a fait sien le double usage d’un hard et soft power en axant ses priorités sur la nécessaire mise en place d’une Sécurité culturelle ( wenhuaanquan ). Ne souffrant d’aucune forme de dissidence, celle-ci répond au besoin de créer ses propres industries culturelles dans le domaine de l’audiovisuel et du numérique, mais aussi dans le but de forger un discours permettant de réinterpréter l’histoire au service de la puissance chinoise. Dans ce contexte, la politique des Nouvelles routes de la soie – autrement appelée OBOR ( One Belt One Road ou Yi dai yi lu en langue chinoise) – initiée à partir de 2013 par Xi Jinping est à la fois une stratégie de nature commerciale et un projet culturel à vocation mondiale. Elle vise à exploiter les potentialités qu’offrent par exemple l’éducation supérieure destinée aux élites africaines ou centrasiatiques. Elle repose sur un postulat culturaliste selon lequel la Chine a ses propres valeurs, néo-confucéennes notamment. Elles ont une vocation universelle que l’État-parti entend promouvoir par une diplomatie culturelle à large spectre. En comprendre les enjeux est l’une des clés de notre siècle.

Les perspectives pour que Xi Jinping puisse rester au pouvoir à vie deviennent hautement probables. Malgré des tendances évolutives de la société chinoise vers une plus grande libéralisation, la détermination du Président actuel d’empêcher que les réformes soient incontrôlables est réelle. Elle s’exprime notamment dans le domaine culturel par des dispositifs de contrôle qui rappellent systématiquement à l’ordre tout artiste considéré comme déviant. Selon le portail d’information en ligne sina.com, des consignes sont données aux antennes de télévision pour interdire le passage à l’antenne « des artistes avec des tatouages, la musique hip-hop » et les musiciens « en conflit avec les valeurs essentielles et la morale du Parti » (Pluyette, 2018). Le contrôle des contenus culturels s’est considérablement renforcé depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012. Le régime accélère sa traque des contenus jugés politiquement sensibles (Yacine, 2017). Si ce retour à l’orthodoxie est récurrent dans l’histoire du Parti (Chen, 2003), il n’en demeure pas moins préoccupant dans sa capacité à déployer par des moyens techniques une surveillance généralisée et une mise aux normes de la société. Les progrès de la Chine dans les secteurs de l’intelligence artificielle (IA) (Chalifour, 2018) et la capacité pour les autorités de maîtriser les banques de données individuelles sont en passe de quadriller l’ensemble des activités du pays soit en laissant percer un arrière-plan moralisateur, soit au prétexte de devoir prévenir toute forme de « pollution spirituelle » voire de projet terroriste, comme dans la province turcophone du Xinjiang.

Cette surveillance est facilitée par l’absence des géants américains du net, interdits d’exercer leurs activités sur le territoire chinois. Alibaba Vs Amazon ou iQiyi Vs Netflix sanctuarisent le marché chinois et tiennent à bonne distance les géants californiens de l’internet. Une loi antitrust promulguée en 2007 par les autorités veille toutefois à ce que la concurrence soit respectée entre les grands groupes chinois. Elle s’avère acharnée. D’un point de vue idéologique, le marxisme demeure le fil d’Ariane de toute réflexion à la fois dans le domaine culturel et celui des sciences sociales. Démocratie constitutionnelle, néolibéralisme ou socialisme démocratique véhiculent, selon l’État-parti, des valeurs erronées. Comme le remarque avec pertinence François Bougon (2017), « ce marxisme droit dans ses bottes doit réussir sa synthèse avec la tradition chinoise illustrée par Confucius ou Mencius, mais aussi par Han Fei (mort en 233 av. J.-C.). Cette réhabilitation de la pensée du philosophe favori de Xi Jinping, concepteur du légisme, qui prône la primauté de la peur, de la force et du contrôle pour servir l’autorité, fait dire à certains que l’on assiste à l’avènement d’un “ nouveau totalitarisme de marché “, un totalitarisme adapté au XXI e siècle – le prix à payer pour le « rêve chinois ». Autrement dit : retour possible à une autarcie idéologique, mais sans esprit d’un retour pour autant à l’ère Mao Zedong. La preuve, c’est que le confucianisme, banni sous la Révolution culturelle, est, dans son interprétation la plus autoritaire, une référence essentielle non seulement pour le régime, mais aussi pour un très grand nombre d’intellectuels favorables à la « révolution conservatrice » (Lincot, 2017 b) que Xi Jinping entend mener. Le point de ralliement entre l’État-parti et les intellectuels est le nationalisme. Anti-Occidental pour partie, il nourrit la rhétorique officielle. Celle-ci insiste sur le retour d’une Chine forte et puissante sur la scène internationale, une place qu’elle avait laissée au XIX e siècle à l’Occident.

Discours et tendances culturelles
Ainsi, parle-t-on de « renaissance » ( fuxing ) de la nation chinoise. De grandes figures, tel l’explorateur Zheng He ayant effectué sept expéditions (1405-1433) vers l’Afrique sous la dynastie des Ming, sont exaltées au même titre que les vertus de la médecine traditionnelle que l’on promeut dans les pays du Sud (Palmer, 2005 ; De Prince Pokam, 2011 ; De Bruyn, Marié, 2011) dans une geste tiers-mondiste héritée des années Mao. Cette renaissance passe par la glorification systématique de l’histoire du

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