Corps, éthique et fonction éducative
128 pages
Français

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Corps, éthique et fonction éducative , livre ebook

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Description

Il s'agit de faire du corps le point de départ d'une réflexion destinée à éclairer les enjeux à l'oeuvre dans le rapport à l'autre, lorsque celui-ci présente un handicap. Pourquoi le corps est-il source de préoccupation permanente ? Quels sont les enjeux relatifs à la corporéité dans l'action éducative ? Pourquoi l'apparence a-t-elle tant d'importance ? Que nous révèle ce "souci" du corps ? Cette étude s'adresse particulièrement aux professionnels de l'éducation spécialisée travaillant auprès des personnes handicapées, aux psychologues et aux formateurs en travail social.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 39
EAN13 9782296488632
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CORPS, ÉTHIQUE ET FONCTION ÉDUCATIVE
La différence en question
Savoir et formation
Collection dirigée par Jacky Beillerot (1939-2004)
Michel Gault et Dominique Fablet

Handicap et éducation
Série dirigée par Dominique Fablet
Depuis la loi du 30 juin 1975, relative aux personnes handicapées, puis trente ans plus tard celle du 11 février 2005, l’éducation des enfants à besoins éducatifs particuliers et la socialisation des personnes adultes handicapées sont l’objet de nombreuses investigations, alors qu’on perçoit dans le même temps un renouvellement progressif des dispositifs et des pratiques d’intervention socio-éducative qui leur sont destinés ainsi qu’à leurs familles.
La série Handicap et éducation se propose d’offrir au lecteur des travaux centrés sur ces différents aspects, notamment des ouvrages issus de thèses, et contribuer ainsi à la diffusion de la recherche dans un domaine encore trop souvent méconnu et en pleine évolution.
Déjà parus
Éric SANTAMARIA, Handicap mental et majorité. Rites de passages à l’âge adulte en IME , 2009.
Séverine COLINET, La « carrière » de personnes atteintes de sclérose en plaques. Implication associative et travail biographique , 2010.
Valéry BARRY et Ann PALMIER, Luca ou la reconquête de la pensée. Troubles cognitifs et médiations d’apprentissage , 2011.
Danielle ZAY, L’éducation inclusive. Une réponse à l’échec scolaire ? , 2012.
Xavier Gallut

CORPS, ÉTHIQUE ET FONCTION ÉDUCATIVE

La différence en question
Du même auteur
« Repères d’orientation psychanalytique pour l’instauration de dispositifs d’analyse des pratiques », in Fablet, D. Intervenants sociaux et analyse des pratiques, Paris, L’Harmattan, 2008, pp. 53-65.
La démarche qualité dans le champ médico-social. Analyses critiques et perspectives éthiques et pratiques (co-direction avec A. Qribi), Toulouse, Erès, 2010 .
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96712-0
EAN : 9782296967120
Introduction
Cette réflexion prend appui sur plusieurs recherches ethnographiques consacrées à l’étude de la place et du rôle du corps dans l’action éducative spécialisée. Il ne s’agira pourtant pas ici de réaliser un travail sur le corps, ni même de construire une éthique du corps , mais de faire du corps le point de départ d’une réflexion destinée à éclairer les enjeux à l’œuvre dans le rapport à l’autre, lorsque celui-ci présente un handicap. Il sera donc proposé un travail d’élaboration conceptuelle, nécessairement inscrit dans une dynamique de recherche. Ces travaux ethnographiques étaient partis d’un constat simple, banal, quasiment sans importance : les personnes en situation de handicap (enfants, adolescents, adultes), accueillies dans des établissements médico-sociaux doivent satisfaire à de nombreuses exigences quant à leur apparence corporelle. La propreté corporelle, par exemple, est une préoccupation constante. Au-delà de la propreté du corps, la tenue vestimentaire, la manière de se tenir ou de se présenter, l’alimentation, la sexualité, constituent des sources de questionnement inépuisables. Le « corps handicapé » ne cesse d’interroger et l’hygiène corporelle met en exergue ce souci. A priori une telle exigence de propreté n’est rien moins que « naturelle ». N’est-elle pas la même pour tous, quel que soit l’âge, le sexe, la condition sociale, le cadre de vie ? Le geste de propreté 1 nous semble tellement familier, tellement ancré dans la vie quotidienne, qu’il semble inutile ou dérisoire d’en questionner le sens. Mais s’il paraît bien naturel de se laver, il existe, comme l’avait laissé entrevoir Mauss (2003) avec la notion de technique du corps, et comme l’a montré Vigarello (1985), une multitude de manières de se laver qui varient en fonction des époques, des sociétés, des représentations du corps, des théories scientifiques, des croyances et des imaginaires… En fait, cette exigence est d’ordre culturel.

Une telle préoccupation avait éveillé notre curiosité parce que nous pensions que ces pratiques, concernant le corps humain, ancrées dans la vie quotidienne, étaient susceptibles de nous fournir des éléments pour une compréhension renouvelée de la vie sociale et culturelle. Certes, le savoir médical aurait pu nous fournir bien des arguments pour justifier l’intérêt porté au corps dans l’action éducative spécialisée. Ces arguments nous n’entendions d’ailleurs pas les discuter tant leur pertinence nous paraissait certaine. Il nous semblait pourtant qu’ils ne nous fourniraient qu’une explication partielle.
Au fur et à mesure de nos avancées, d’autres interrogations sont venues enrichir le questionnement initial. Il ne s’agissait plus alors de traiter de la question du corps et de son entretien, ni de la seule question du handicap, mais du nouage qui s’opère entre corps et handicap, dans des contextes institutionnels donnés.
Le handicap des personnes accueillies est caractérisé par des troubles divers et des difficultés ayant des conséquences plus ou moins importantes pour la vie sociale. Bon nombre de professionnels parleront de déficience profonde , de pathologie lourde , ou encore de psychose ou d’autisme. Cette notion de handicap doit être mieux explorée car elle contient sans doute des questions de première importance pour les sociétés humaines. Rey nous fournit les indications suivantes : « Handicap .n.m. est emprunté (1827) à l’anglais handicap, qui représente probablement une contraction de hand in cap , proprement ˝la main ( hand ) dans ( in) le chapeau ( cap )˝. Le mot, en anglais, a désigné (XVII e siècle) un jeu où l’on se disputait des objets personnels dont le prix était proposé par un arbitre, la mise étant déposée dans une coiffure ( cap ) et, par la suite, sous la forme contractée handicap , une compétition entre deux chevaux (1754), puis des courses de chevaux (1780), le glissement de sens s’expliquant par l’idée du jugement comparatif de la valeur (des objets, puis des chevaux) » (Rey, 2000, p. 1006). Un retournement s’est donc opéré dans le domaine humain où il s’agit de prendre en compte la diminution (ou l'amoindrissement, l’affaiblissement) et d’en atténuer les effets néfastes. Cependant la métaphore du jeu ou de la compétition s’avère précieuse pour comprendre l’avènement de cette notion de handicap dans l’espace social et culturel : la logique compétitive, avec « ses gagnants et ses perdants », engendre une volonté d’égaliser les chances, en s’alignant sur une norme. Mais la notion de handicap reste vague et relative. Le handicap apparaît souvent comme un manque de quelque chose qu’il faudrait combler, comme une imperfection qu’il faudrait rectifier pour satisfaire aux exigences sociales. Nous préférons considérer comme Mannoni (1976) « qu’on ne se libère pas plus de son handicap qu’on a à se libérer de sa négritude », et qu’il s’agit plutôt en aidant à la désinstitutionalisation des symptômes de permettre à chacun de « se situer par rapport à son désir du lieu même de ses difficultés ». Le passage de l’infirmité au handicap, « basculement sémantique » amorcé au début du XX e siècle, prendra tout son poids (social et culturel) à partir des années 1975 et va s’accompagner de mesures de réinsertion destinées à compenser le préjudice subi. Il faut, certes, différencier le sort réservé aux adultes en voie de réinsertion professionnelle et le secteur de l’enfance inadaptée dont la prise en charge par l’État prendra véritablement son essor dans les années 1940 (Roca, 2000). La notion de réadaptation s’est accompagnée de nouveaux discours, de nouveaux dispositifs institutionnels, de cadres juridiques, où le souci d’un accès à la citoyenneté sera plus marqué, même si les tentatives réalisées ne produiront pas les effets escomptés (Demonet et Moreau de Bellaing, 2000). Mais ces discours et ces dispositifs sont à interroger : ne risquent-ils pas d’effacer, de faire disparaître les différences ? Ces « autres différents » ne peuvent-ils être intégrés qu’à la condition de ressembler aux « valides », aux « normaux » ? Lorsque l’intégration des personnes en situation de handicap devient l’objectif de l’action éducative spécialisée, en s’inscrivant dans une perspective normalisante, elle est alors en quête d’un idéal de ressemblance et donc au service de l’effacement. En s’intéressant à l’idée même de l’intégration et en tentant d’en dévoiler les enjeux, Stiker (1997, p. 136) questionne une volonté qu

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