Coupable d anorexie
117 pages
Français

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Coupable d'anorexie , livre ebook

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Français

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Description

A 38 kilos pour 1 m 73, Marie-Claire ne peut refuser l'hospitalisation. La première d'une longue série, parcourue d'améliorations et de dégringolades. Malgré elle, cette institutrice de trente-deux ans triche avec la thérapie, avec ceux, médecins, parents, amis, qui souhaitent la voir sortir de cet enfer. Un récit plein de souffrance, de remises en cause, de courage, d'opiniâtreté. Une certitude finira par s'imposer : "j'ai envie de vivre."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 685
EAN13 9782296706187
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Coupable d’anorexie
Collection Vivre et l’écrire
dirigée par Pierre de Givenchy
(voir la liste des titres en fin d’ouvrage)

© L’Harmattan, 2010
ISBN : 978-2-296-12736-4
EAN : 9782296127364
Marie-Claire
Coupable d’anorexie
L’Harmattan
À Christine, Muriel, Jessica et toutes mes compagnes de misère…

Je tiens à remercier toutes les personnes qui
m’ont soutenue durant ces années difficiles. Elles
m’ont été d’un grand réconfort. Et le sont encore !
Je remercie tout particulièrement mes parents,
qui ont fait preuve de beaucoup de patience et
d’amour. Je garde en moi les paroles de maman,
décédée le 2 novembre 2000 : « Allez Marie,
on recommence. »
Chaque maladie a un sens à décoder
I – BELLE ALLÉE
Il fait nuit. Encadrée par mes parents, mon sac vert à la main, je marche dans l’allée bordée d’arbres. Au fond, un ancien pavillon de chasse : la clinique Belle-Allée. Je pleure, complètement déprimée. Je ne veux pas y aller. Institutrice, je suis en arrêt maladie et madame H., ma psychiatre depuis peu, m’a proposé de reprendre souffle ici car elle me sent épuisée. J’ai 32 ans et pèse 38 kg pour 1,73 m. Nous sommes le 14 novembre 1994. Nous entrons du côté des admissions et madame H., qui me l’a promis, m’attend. Je lui pose tout de suite la question qui me brûle les lèvres :
– Je vais rester ici une semaine, n’est-ce pas ?
– Ce sera peut-être un peu juste, me répond-elle. Une infirmière va vous faire visiter la clinique et vous montrera votre chambre, Marie-Claire. Les parents doivent partir. C’est un déchirement terrible en moi. Me laisser seule ici. Je ne veux pas ! Je veux rentrer chez moi ! Je me revois, avec eux, dans la grande allée. Il faisait nuit noire. J’avais contenu mes larmes durant toute la visite de la clinique. Mais au moment de les quitter, j’ai complètement craqué.
– Je ne veux pas rester ici… Le ton est suppliant. Papa me répond doucement :
– Il le faut, ma chérie. Sois courageuse ! Ils se retournent pour me faire un geste de la main puis disparaissent dans la nuit profonde. Je rentre, seule, désespérée, dans cet endroit inconnu. Je rejoins alors Liliane, ma voisine de chambre. Voyant mon désarroi et mes yeux brouillés de larmes, cette femme d’une quarantaine d’années me prend dans ses bras et me console. Je me sens perdue. Combien de temps madame H. va-t-elle me garder ici ? Si j’avais su que j’y resterais sept mois !
*
Durant les premiers jours, j’observe, j’apprends à connaître lerèglement intérieur de la clinique. Des activités telles que leyoga, la gymnastique, la peinture, le modelage nous attendent. Il suffit de s’inscrire un peu avant pour avoir de la place. Ungrand parc nous invite à la promenade. Moi, j’en ferai un parcours du combattant, marchant d’un pas rapide pendant unedemi-heure ou trois quarts d’heure peut-être afin de décrassermon intérieur, de brûler les calories superflues.
*
Les infirmières sont gentilles. Chaque repas est précédé d’unedistribution de médicaments. Les moments les plus douloureuxsont ceux des repas et des après-repas où je me culpabilised’avoir trop mangé. On me pèse deux fois par semaine. Pourl’instant, mon poids est stable et cela me rassure. L’idée mêmede prendre cinq cents grammes m’affole complètement. Je mesens prisonnière de mon anorexie, prisonnière de moi-même. Les journées se déroulent tristement. Après le petit déjeuner, ilfaut attendre midi et puis le soir. Au début, je ne pratiquais guèred’activités. Très vite, je me suis inscrite à la gym puis au yoga. Les visites ne sont pas interdites. Je vois donc les miens le mercredi après-midi, le samedi et je pars en permission le dimanche toute la journée. Le 30 janvier, les parents rencontrentmadame H. pour faire le point. Elle leur avoue et leur explique que mon anorexie est très profonde, comme enkystéeen moi.
*
Il faut dire que tout a commencé par une dépression, liée à plusieurs événements : L’une de mes amies (nous étions inséparables) a rencontréAntoine, rencontre qui allait se terminer par un beau mariage. J’ai eu alors l’impression de la perdre… J’ai très mal réagi ! Fatiguée par ma dernière année au CFP de Blois (Centre de formation pédagogique), mon début de carrière en tant qu’institutrice fut très difficile à cause d’une directrice très autoritaire qui m’écrasait. La solitude dans mon appartement, après avoir toujours vécu en famille ou en groupe (à l’internat), fut très lourde à porter. Tous ces facteurs entraînèrent ma chute.
*
Comment crier au monde ma douleur ? Comment me faire comprendre par les miens ? Maman aimait beaucoup cuisiner, mettre les petits plats dansles grands. Quelle autre solution pouvais-je trouver pour appelerau secours ? Aucune ! Je n’en voyais aucune si ce n’est de réduire ma nourriture. C’était peut-être aussi une façon de mevenger de leur dureté à mon égard et de leurs réflexions désobligeantes parce qu’ils ne se rendaient pas compte à quel pointj’étais malheureuse. La vie me paraissait si grise et si injuste ! Je tirais la sonnette d’alarme… J’allais en payer le prix fort !
*
Albane est quelqu’un de très proche de moi. Nous n’avonsqu’un an et demi de différence. Étant jeune, Albane, quelquepeu timide, se retranchait souvent derrière moi. J’ai eu l’impression d’avoir une sœur jumelle durant toute mon enfance, une sœur qui marchait dans mes pas. Nous en avons soufferttoutes les deux. Puis Albane a pris son envol, a décidé d’allertravailler en mission humanitaire en tant qu’éducatrice pourjeunes enfants. D’abord en Roumanie puis au Cambodge. Depuis des années, et surtout depuis 1994, une obsession mehante : j’ai peur qu’Albane devienne anorexique comme moi, peur qu’elle continue de marcher derrière moi, comme lorsquenous étions enfants. On a beau me répéter inlassablementqu’elle va bien, qu’elle n’a pas un tempérament à devenir anorexique, cette crainte ne me quitte pas. On me rassure tantqu’on peut : cela me soulage cinq minutes puis l’angoisse revient au grand galop. C’est infernal ! Cette obsession est uneblessure que je vais traîner encore bien des années.
Les jours à la clinique défilent lentement. Je me sens trèsdéprimée. Le 10 février, madame H. décide de me mettre sousperfusion pendant huit jours. Mes matinées sont donc occupéesà cela. Je regarde le goutte-à-goutte… Cela devrait me remonter plus vite, paraît-il. J’ai eu beaucoup de mal à accepter ces perfusions. Pour moi, c’est une petite victoire dans mon combat. Accepter de dire« Oui, je veux bien ». En fait, je ne sentirai par la suite guère d’amélioration moralement.
*
Jusque-là, je mangeais dans la grande salle à manger avec lesautres patients, la petite salle à manger étant réservée auxpersonnes âgées. Je souffre en silence. Nous sommes par tablées de six ou huit. Certaines personnes me perturbent complètement : d’abord cesdames qui ne cessent de parler régime, sujet tabou pour moi quime stresse beaucoup ; et puis les réflexions à mon égard qui metouchent en plein cœur. Un matin, par exemple, alors que jemettais du miel sur ma tartine, une patiente a lancé :
– Le miel, ça fait grossir ! Et au monsieur assis à côté d’elle, elle a susurré : -Avec tout ce qu’elle mange, ça doit être dans sa nature d’être comme ça. Elle parlait de ma maigreur. Panique. Alors, je mange trop ? Quelle horreur ! Cette dame aurait mieux fait de se taire car tous mes efforts pour prendre du poids s’effondrent avec ce genre de réflexion. Je vais en parler avec les infirmières : je ne supporte plus de déjeuner avec les autres. Je suis dans un état de tension qui m’oppresse. En accord avec madame H., je vais désormais prendre mes re- pas dans la petite salle à manger. Je serai plus au calme et n’aurai pas à supporter le regard des autres.
*
C’est une période où, durant mon sommeil, je rêve beaucoup. Je me défoule en paroles, je me défends, je hurle parfois l’injustice ou l’intolérance, sans peur, sûre de moi. Je me disputeavec Justine, comme dix ans auparavant, quand tout a craqué. Et puis je me réveille.

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