De la dialyse à la greffe
204 pages
Français

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De la dialyse à la greffe , livre ebook

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Description

La greffe d'organe n'est pas un geste purement technique, elle introduit le paradigme du don. Parallèlement au patrimoine génétique, le don possède lui aussi la marque de sa singularité individuelle. La transplantation est également une intrusion symbolique. Elle confronte le greffé à son donneur. Le receveur est contraint de réguler son rapport au donneur à la fois présent, absent, inconnu, familier.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 97
EAN13 9782296484689
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la dialyse à la greffe
Sciences et Société
fondée par Alain Fuchs et Dominique Desjeux et dirigée par Bruno Péquignot

Déjà parus
Simon BYL, La médecine à l’époque hellénistique et romaine. Gallien. La survie d’Hippocrate et des autres médecins de l’Antiquité , 2011.
Simon BYL, De la médecine magique et religieuse à la médecine rationnelle. Hippocrate , 2011.
Raymond MICOULAUT, Le Temps, L’Espace, La Lumière, 2011.
S. CRAIPEAU, G. DUBEY, P. MUSSO, B. PAULRÉ, La connaissance dans les sociétés techniciennes , 2009.
François LAROSE et Alain JAILLET, Le numérique dans l’enseignement et la formation. Analyses, traces et usages , 2009.
Martine QUINIO BENAMO, Probabilités et statistique aujourd’hui . Nouvelle édition 2009 , 2009.
Sezin TOPÇU, Cécile CUNY, Kathia SERRANO-VELARDE (dir), Savoirs en débat. Perspectives franco-allemandes , 2008.
Jean-David PONCI, La biologie du vieillissement, une fenêtre sur la science et sur la société , 2008.
Michel WAUTELET, Vivement 2050 ! Comment nous vivrons (peut-être) demain , 2007.
Claude DURAND, Les biotechnologies au feu de l’éthique , 2007.
Bruno PINEL, Vieillir , 2007.
Régis MACHE, La personne dans les sociétés techniciennes , 2007.
Alain GUILLON, Une mathématique de la personne , 2005.
Alain GUILLON, Une mathématique de la personne , 2005.
Marie-Thérèse COUSIN, L’anesthésie-réanimation en France, des origines à 1965. Tome I : Anesthésie. Tome II : Réanimation. Les nouveaux professionnels , 2005.
Fernand CRIQUI, Les clefs du nouveau millénaire , 2004.
Karine ALEDO REMILLET, Malades, médecins et épilepsies, une approche anthropologique , 2004.
Ali RECHAM
De la dialyse à la greffe
De l’hybridité immunologique à l’hybridité sociale
L’Harmattan
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56021-5
EAN : 9782296560215
A la mémoire de mon oncle Amar
A tous ceux qui entretiennent un lien profond avec le secret de la vie, les malades, qui ont mis toute leur personne et leur vie dans les témoignages. J’espère qu’ils verront dans ce travail la marque de toute ma reconnaissance au regard de leur inestimable contribution.
Remerciements
Je remercie Mr David Le Breton pour sa présence, sa patience et ses conseils tout au long de cette étude. Je remercie également Mr Pascal Hintermeyer, Mr Bernard Andrieu, Mme Leila Jeolas d’avoir pris le temps de lire ce travail. Mais les analyses que j’avance ici n’engagent que moi.
Avant-propos : Avoir un pied dans la tombe
Je suis de ceux qui soutiennent que tout travail scientifique a, de près ou de loin, un rapport, ne serait-ce qu’infime, avec l’histoire personnelle du chercheur. On ne s’intéresse en effet qu’à des points qui nous touchent profondément. Il est presque inconcevable de consacrer dans l’ombre tant d’années de sa vie, d’affronter tant d’embûches quand les motivations externes s’estompent au fil du temps. Ce mobile interne demeure comme un motif omniprésent, nous procure du plaisir et l’énergie de continuer. Non éclairée, cette part d’ombre au fin fond de nous-même demeure agitée tout en nous agitant dans son agitation. C’est pourquoi je crois, à tort peut-être, que tout travail de recherche qui ne puise pas dans cette source interne ou intime demeure un travail privé de consistance subjective. Toutefois, toute question personnelle ne se transforme pas d’emblée en problématique scientifique qui mérite qu’on lui consacre tant d’années de sa vie. La recherche n’est pas une simple transposition de questions personnelles. Ces interrogations dites subjectives qui nous animent doivent mûrir au fil des jours afin de gagner en lucidité et prendre une dimension plus vaste. Ne dit-on pas que la science doit dépasser les faits trop spécifiques pour s’occuper des phénomènes partagés. Toute étude scientifique construit ainsi des questions qui transcendent la vie privée dans une démarche méthodologique. C’est dans ce sens que T. Todorov 1 disait : « Faut-il rappeler encore ce lieu commun selon lequel c’est la méthode qui crée l’objet, que l’objet d’une science n’est pas donné dans la nature, mais représente le résultat d’une élaboration ? »
Ce travail en est une illustration : avant qu’il ne prenne une dimension universitaire il s’inscrit dans une histoire personnelle et familiale.
Le premier week-end (jeudi, vendredi) du mois d’octobre 1987 a eu lieu le mariage de mon plus jeune oncle. La veille de la fête, quand les préparatifs exigeaient un maximum d’efforts, son frère de 2 ans son aîné, dont la famille attendait le plus d’aide, n’arriva pas à suivre le rythme qu’imposait l’organisation et afficha subitement un état d’extrême fatigue et s’essoufflait au moindre mouvement. La nuit du mercredi, on devait l’hospitaliser d’urgence. Le lendemain après-midi, alors que son état de santé nécessitait encore plusieurs jours d’hospitalisation, il quitta l’hôpital contre l’avis des médecins. Sa présence, même dans un lit ou sur un fauteuil, comptait énormément pour les membres de la famille pour sentir une atmosphère de fête, et son absence aurait compromis la joie de la cérémonie. Ce jour-là, aucun des proches, même les plus pessimistes, ne pouvait soupçonner que la maladie allait s’installer pour le restant de sa vie, lui qui avait à peine 30 ans, d’autant plus que personne dans la famille n’avait été auparavant atteint de maladie grave.
Quelques jours plus tard, son état de santé ne s’étant guère amélioré, le nouveau malade subissait des examens poussés : radios, prises de sang, analyses d’urine…, consultant alternativement médecins généralistes et spécialistes de plusieurs branches : cardiologue, gastro-entérologue, pneumologue, à l’exception de néphrologue (d’ailleurs, à cette époque, il n’y avait à Bouira en Algérie ni néphrologue ni urologue). Au bout de quelques semaines, le verdict tomba : les reins. Quand le gastro-entérologue qui le suivait prononça, à l’issue de la consultation, ce mot en français, le patient regarda son frère qui l’accompagnait comme pour demander ce qu’il signifiait. Le malade ne maîtrisant pas la langue française, une interrogation semblait à première vue tout à fait logique. En revanche, tout le monde aurait compris le sens des mots cœur ou estomac comme beaucoup d’autres termes français entrés dans la langue algérienne quotidienne. L’ignorance du sens du mot rein en français dissimule la méconnaissance de cet organe, tigezzelt, dans la société kabyle. Dans cette culture comme dans beaucoup d’autres, le rein est un organe secondaire. Sa symbolique 2 , au regard de celle dont jouissent le cœur et le foie, demeure relativement pauvre. Aujourd’hui, on conçoit à peine sa fonction et son emplacement dans le corps n’est que vaguement localisé. On croit encore que c’est le foie qui sécrète l’urine : l’expression amman t-tassa, l’eau du foie, qui désigne pudiquement ce liquide biologique, est toujours actuelle.
Au début, quand la nouvelle s’est répandue, l’insuffisance rénale attira plus notre curiosité qu’elle ne suscita notre attention sur sa gravité. On ne savait absolument pas ce qu’elle nous réservait ni ce qu’il adviendrait de notre oncle. Au fil des jours, à mesure qu’on découvrait ses conséquences désastreuses sur l’état moribond du patient, on mesura les dégâts du dysfonctionnement rénal. Même si les conséquences de la maladie commençaient à se préciser, l’ambiguïté sur les reins persistait. Je me souviens qu’une fois, le patient étant dans un état désespéré, on fit venir un marabout, comme si sa présence, ses incantations, ses récitations des versets coraniques, son amulette allaient le soulager, le guérir. A ce stade d’évolution de la maladie, on ne savait pas encore franchement si elle entrait dans les compétences de la médecine occidentale ou dans le champ d’action des cheikh-guérisseurs. Les symptômes pouvaient être l’œuvre des esprits malsains ou des djinns. D’ailleurs, le jour où la maladie apparut n’est pas sans signification. Il est connu que le jour de la fête, les membres de la famille s’exposent aux regards malveillants. Pour la mariée, par laquelle, pourrait-on croire, p

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