De la trahison
189 pages
Français

De la trahison , livre ebook

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Description

La trahison est avec la loyauté deux des modalités de l'engagement au monde. Alors que la loyauté est approuvée, la trahison est l'objet de jugements négatifs. Faut-il en rester là ? Quel regard peut-on porter sur cet envers de la loyauté ? La trahison comme la loyauté décrivent des états de relations autant que des dynamiques d'échanges, sur fond de pouvoir, de puissance, d'affects et d'attentes.

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Date de parution 15 novembre 2010
Nombre de lectures 16
EAN13 9782296447820
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

De la trahison
© L'HAR M ATTAN, 2010 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-13217-7 EAN : 9782296132177
Claude Giraud De la trahison Contribution à une sociologie de l’engagement L’HARMATTAN
Précédents ouvrages de l’auteur -Bureaucratie et changement, le cas de l’administration des télécommunications, Préface de R. Boudon, l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 1987. -L’action commune, essai sur les dynamiques organisationnelles, l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 1993. -Concepts d’une sociologie de l’action, introduction raisonnée, l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 1994. -Histoire de la sociologie, (1997) PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2004 (troisième édition, traductions en arabe et tchèque). -L’intelligibilité du social, chemins sociologiques, l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 1999. -Univers publics et privés, dynamiques de recomposition(sous la direction de), l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 2000. -Logiques sociales de l’indifférence et de l’envie,contribution à une sociologie des organisations et de l’engagement, l’Harmattan, collectionlogiques sociales, Paris, 2003.-Du secret, contribution à une sociologie de l’autorité et de l’engagement, l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 2005. - De la institucion a la organizacion de la Gendarmeria nacional in Cuadernos de Seguridad, n°2-12/2006 et n°3-04/2007, INCAP, Buenos Aires. -De l’espoir, sociologie d’une catégorie de l’action, l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 2007. -Acerca del Secreto, Biblos, Buenos Aires, 2007. -Laslogicas sociales de la indiferencia y de la envidia., contribution a una sociologia de las dinamicas organizacionales y de las formas del compromiso,Biblos, Buenos Aires, 2008.-De l’épargne et de la dépense, essai de sociologie de l’organisation et de l’institution, l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 2008. -Del Ahorro y del Gasto, Sociologia de la organizacion y la institucion, Buenos Aires, Biblos, 2010. -De la dette comme principe de société, l’Harmattan, collection logiques sociales, Paris, 2009.
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Sommaire Préambule. p. 13 Introduction. p. 21 Chapitre 1 : Des prolégomènes à toute trahison. p. 26 1A : L’existence d’un « avant » de la trahison ou de la continuité des relations sociales. p. 28 1B : L’imaginaire des relations. p. 30 1C : La promesse ou de la création d’une dette et d’une créance dans l’échec. p. 32 1D : Les règles morales. p. 35 1E : les manipulations. p. 37 1F : Les opportunités et les enjeux. p. 41 1G : Les secrets et l’envie. p. 43 Chapitre 2 : Analytique de la trahison. p. 49 2A : La trahison en temps de guerre. p. 51 2B : La trahison publique en temps de paix. p. 56 2C : La trahison dans la vie privée. p. 61 2D : De quelques exemples de trahison ou des enjeux de la qualification d’actes en trahison. p. 65 -1 : La trahison de type domestique : la qualification de la fin de l’amour en trahison. p. 68 -2 : La trahison de type social : la qualification de la révolte en trahison. p. 72 -3 : La trahison de type économique : la qualification de la recherche d’optimisation de gains en trahison socio-économique. p.78 Chapitre 3 : Des moments et des figures de la trahison  p. 89Première partiep. 90: quelques moments de la trahison. 3A : De l’instant à l’élaboration de l’acte de trahison. p. 90 3B : L’expérience de la déconstruction. p. 93 3C : L’irréductible dissemblance entre le temps de la réception et le temps du départ. p. 95
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3D : Le temps du ressentiment et du présent sans fin de la douleur. p. 97 3E : L’épreuve de soi à soi. p. 99 3F : Le moment de la trahison dans la relation amoureuse.  p. 101 Deuxième partie: Quelques figures de la trahison. p. 105 3G : Don Juan ou de la séduction comme tromperie et trahison.  p. 110 3H : Louis XVI ou de la trahison par l’incarnation d’un statut sans égal. p. 114 3I : Pétain ou de la trahison dans la confiance. p. 116 3J : Iago ou de la trahison pour la trahison. p. 124 Chapitre 4 : Des spécificités contemporaines de la trahison.  p. 127 4A : L’évènement comme source de trahison. p. 130 4B : La trahison du réel. P. 133 4C : La relativité du sens comme facteur des extrémismes et de la trahison comme norme. p. 138 4D : La révélation de la trahison des politiques par la médiatisation de leur propos. p. 145 Chapitre 5 : Des effets induits par la trahison. p. 156 5A : Déstabilisation des rapports sociaux et menaces sur des ordres locaux dans des rapports fonctionnels. p. 158 5B : Activation de parades. p. 162 5C : Vexation, révolte et haine . p. 167 5D : Crainte, impuissance, incertitude et insécurité. p. 172 5E : Désir de transparence et appel à des normes et à des valeurs. p. 176 Conclusion : La loyauté en question. p. 183 Bibliographie abrégée. p. 189
Préambule.
La trahison suppose que quelque chose ait été dit, qu’une relation ait été construite, qu’un statut ait été octroyé ou hérité, que des espoirs aient été déçus, qu’une information ait été dérobée. Elle s’inscrit dans la continuité des relations sociales et dans la dette et la créance comme modalités centrales de la relation aux autres. Ce quelque chose qui a existé avant la trahison est la condition même de sa qualification en acte réprouvé. La trahison se comprend alors comme la conséquence logique de manipulations. Mais la manipulation peut être à la fois un comportement spécifié par son but, la tromperie, ainsi qu’une façon commode d’obtenir ce que l’on veut. La manipulation ne contient la trahison que dans la mesure où ceux qui estiment avoir été manipulés ont investi du sens dans la relation. La déception est ainsi l’autre face de la trahison ou plus exactement du sentiment de trahison. La trahison n’est pourtant pas seulement le seul sentiment de ceux qui se sentent bafoués. Elle est une action qui engage ou qui rend lisibles d’autres engagements jusqu’alors cachés. La manipulation procède également de ces engagements tus ou cachés. L’environnement politique totalitaire accentue la dimension tragique des manipulations et des trahisons. Les démocraties peuvent, pour autant, être le creuset inattendu de manipulations croisées. Manipulation et trahison ont ainsi des relations non univoques. Celles-ci mettent en jeu des rapports de dette et de créance, des croyances, de l’adhésion, de la déception et des tromperies. Du fait même qu’ils sont à la fois des pratiques sociales et des comportements interindividuels, ces rapports sont interprétés à partir de quelques hypothèses premières relatives aux relations sociales incluant les relations aux autres, ceux que l’on croise à l’occasion de transactions, d’une activité ou d’évènements faisant intervenir des individus qualifiés par la division du travail et ceux que l’on fréquente en-dehors de ces occasions. Ce sont ces hypothèses premières qui servent ici de fil conducteur. Les relations sociales sont des relations qui se construisent sur un double rapport à la doxa et à la connaissance. L’accès à la connaissance non doxique
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présuppose un type de rapport social qui est celui de la transmission et de l’apprentissage. L’accès à la doxa présuppose quant à lui un rapport non-critique d’adhésion et de croyance à des signes. Les rapports sociaux sont en conséquence des rapports qui se comprennent comme étant des rapports au cours desquels se construisent des savoirs et/ou des croyances non vérifiées et en partie, non vérifiables. Les types d’échanges qui s’ensuivent ne sont pas de même nature et la domination relève davantage des rapports construits sur des croyances non vérifiables que sur des savoirs dont on peut discuter la validité à partir des méthodes. Nous ne pouvons pour autant totalement séparer ce qui relève du savoir critique et ce qui relève de la doxa dans la vie sociale. La science elle-même comme parangon du savoir est productrice de croyances infondées. Mais à trop vouloir confondre le savoir critique et le savoir doxique, on aboutit à des impasses, comme celles qui nous empêchent de comprendre pourquoi le savoir produit des technologies qui ne cessent de nous étonner dans la vie de tous les jours, alors que les croyances restent quant à elles des savoirs incertains et dont les applications sont pour le moins hasardeuses, si ce n’est catastrophiques. C’est la nature de toute vie sociale que de mêler les deux savoirs et de rendre les rapports aux autres difficiles sur ce registre du savoir et du sens. C’est également parce que nous sommes pétris d’émotions que nous sommes changeants dans nos relations et que nous interprétons les évènements à l’aune des effets qu’ils ont sur nous autant qu’à l’aune de nos intérêts effectifs. La 1 manipulation est alors un comportement et une pratique sociale 1 La manipulation est un mode de relations aux autres et un exercice de style fondé sur le langage, la posture physique et l’apparence esthétique. Elle procède de l’existence même de rapports de pouvoir. Elle vise à obtenir de l’autre quelque chose et plus largement encore le contrôle de ses décisions. Elle n’est pourtant ni générale ni pleinement efficace. Et si elle ne l’est pas, c’est en raison de la capacité relative que nous avons de discerner le vrai du faux et de déceler la part d’instrumentalisation et la part de sincérité dans toute relation et ce, parfois même alors que nous cédons consciemment à la manipulation. Mode de relations aux autres, la manipulation se distingue de la confrontation d’argumentations par le registre d’émotions sur lequel elle s’appuie, par l’objectif visé et par les procédés dont elle use pour obtenir sinon l’accord des autres, du moins leur dépendance et leur soumission. La  8
qui, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à une hypothèse de complots multiples, se comprend du fait même de la nature des relations aux autres. Mais la manipulation directe est assez rare et relève, le plus souvent, d’escrocs ou d’institutions politiques pour des raisons plus complexes tenant à la conception du pouvoir politique, de l’intérêt de certains, voire de ce qu’il est convenu d’appeler l’intérêt général. Le plus souvent, c’est à des manipulations croisées, au cours desquelles la confiance signe l’abandon de toute velléité de révolte ou de conscience, que nous avons affaire. L’indifférence est bien, dans cette perspective, ce qui est gagné sur l’autre, sur ce que sa présence, sa volonté, son désir, sa place issue de la division des sexes ou du travail, imposent ou tentent d’imposer en sus des normes impersonnelles des milieux sociaux auxquels nous sommes confrontés de façon durable ou non. Mais alors que l’on pourrait s’attendre à ce que la manipulation, dont nous sommes à la fois la source et la cible, vise un objectif bien défini, elle est le plus souvent une manipulation dont la seule finalité est celle de l’établissement d’un simple rapport à l’autre, avec comme conséquence immédiate que cet autre n’est plus alors directement et seulement instrumentalisé, mais qu’il intervient comme référence négative ou positive, avant même d’être identifié comme étant un obstacle ou un allié potentiel dans une démarche stratégique. La manipulation peut être douce ou pressante. Elle passe néanmoins par la nécessité de convaincre, de faire adhérer, de rendre indifférent parfois, de rendre craintif d’autres fois. Le verbe, la rhétorique, sont ainsi au cœur même des relations sociales. Ce n’est pas là un des moindres paradoxes de nos sociétés pour lesquelles l’écrit est la forme aboutie de tout échange, parce qu’elle est opposable, manipulation tend à devenir un mode d’expression courant lors des débats télévisés ou lors des entretiens à la radio. Enfermer l’autre dans une situation dont il ne peut sortir qu’en se déjugeant ou en affirmant une opposition qui serait incomprise au regard de quelques règles de bienséance par exemple, semble bien être devenu un exercice courant. Les manipulations croisées par les politiques et les journalistes ainsi que par les humoristes des propos d’homme politiques, comme dans le cas de l’expression «nettoyage au Karcher» pour stigmatiser une certaine politique sociale de la droite, en sont l’expression contemporaine.
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alors même que l’oral consacre les relations aux autres en mobilisant une argumentation où se mêlent des raisons autant affectives que logiques. La manipulation n’est pas une façon isolée, voire spécieuse d’être aux autres. Bien qu’elle ne vise pas directement une utilité, elle est bien une source de pouvoir qui se manifeste dans la simple attention autant que dans la séduction. Aussi, la manipulation active-t-elle la confiance, l’adhésion, la séduction et la logique. C’est toutefois la promesse tacite ou explicite, supputée ou exprimée, vague ou précise, qui canalise le consentement à croire ou l’abandon et qui permet de choisir ou de décider d’une chose, tout en sachant confusément que c’est une erreur de le faire. S’il en est ainsi, c’est parce que nous ne demandons le plus souvent que de nous abandonner, de ne pas décider même si nous exprimons le contraire. L’attente devient alors la pierre angulaire de toute manipulation. Cette attente de quelque chose à venir dont on redoute parfois la réalisation du fait de la distance et de la séparation qu’elle contient, est ce que nous manipulons au quotidien dans la relation aux autres. Des sociologues comme 2 Richard Sennett ont montré comment le paternalisme créait un cadre d’exercice où abandon, séduction, attente et confiance se transformaient en haine et en affrontements lorsque les écarts entre la rhétorique du dirigeant et la réalité sociale devenaient de plus en plus flagrants. Dans les organisations, au travail, les manipulations sont formalisées. Elles sont pensées et agies comme des incitations comportementales. Elles relèvent en fait de conceptions élémentaires concernant l’épargne et la dépense. Ceux qui ont en charge de faire travailler les autres considèrent que ces derniers n’ont font jamais assez, qu’ils s’épargnent trop. Ceux qui ont à faire considèrent le plus souvent que la dépense qui est la leur est démesurée et qu’ils auraient intérêt à s’épargner davantage. Les contraintes des uns n’étant pas celles des autres, il ne peut y avoir que mésententes, frustrations et rapports de domination. Mais les contraintes des uns rétroagissant sur celles des autres, la manipulation croisée devient un moyen de faire valoir des points de vue. Il s’agit bien de manipulations en ce sens que l’adhésion recherchée, le 2 Richard Sennett, Autorité, Fayard, Paris, 1981.  10
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