Des ailes pour voler
180 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Des ailes pour voler , livre ebook

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180 pages
Français

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Description

Mariée à quinze ans, isolée, enfermée et sans contact avec sa famille, ne parlant pas le français, mère à 17 ans, Samira parviendra finalement à sortir seule de cet enfer. Elle lance à travers son récit un message à toutes les femmes violentées par leur mari : « N'attendez pas trop. Vous pouvez avoir une autre vie, quand ça ne va pas, il faut partir. Dès que la violence s'installe, il faut s'en aller, je vous jure que c'est possible. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 35
EAN13 9782296489240
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Des ailes pour voler
Collection
« Dire le harcèlement »
Cette collection a pour but de publier des témoignages de victimes de harcèlement moral professionnel ou privé, et de l’isolement et de la souffrance qui en découlent.
Elle présentera également quelques témoignages de personnes victimes de harcèlement institutionnel et dont le sort en tant qu’individu est déterminé par leur appartenance à une nationalité, une communauté.
Dernières parutions
Marnie Devel, Maman est partie, chronique d’un suicide annoncé , 2011.
Samira Elboudali
Michel Carrier
Des ailes pour voler
Insultée, battue, séquestrée, mais libre
© L’Harmattan, 2012
5- 7, rue de l’École- Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978- 2- 296- 96833- 2
EAN : 9782296968332
La tête hors de l’eau
Pendant dix ans, je n’ai pas pu pleurer, je me sentais lourde.
Je n’avais plus d’ailes pour voler. Dans l’eau, je ne pouvais plus nager. Les montagnes, je ne pouvais plus les franchir.
À quinze ans, je me suis trouvée loin de mon pays, j’étais vendue, comme une esclave. J’étais l’esclave de cette famille, insultée et battue tous les jours.
Le soir, j’avais peur de me coucher, peur des assauts sexuels de l’homme qu’on m’avait désigné comme mari.
J’avais surtout peur de dormir, car toutes les nuits je refaisais le même cauchemar : au milieu de l’eau, je luttais pour ne pas sombrer, dressant la tête pour la tenir hors des flots qui allaient m’engloutir.
Un matin, je me suis réveillée en pleurant.
Tout redevenait possible pour moi, j’ai dit Bismillah .
J’ai compris que pour gagner ma liberté, il fallait que je franchisse cette montagne, que je vole, et que je nage. Et j’en avais enfin la force.
J’ai décidé que je n’aurais plus peur.
J’ai décidé de retrouver mon identité, j’ai décidé que mon corps, mon esprit, m’appartenaient.
J’ai décidé d’être une femme libre.

Samira Elboudali
Rencontre
C’est une de ces gamines que l’on croise parfois au détour de la ruelle d’une médina du Maroc. Les cheveux bruns qui descendent en cascade jusqu’au bas du dos, les pieds nus, le regard farouche. Elle fuit à votre approche pour se réfugier, avec une ribambelle de gosses, sous un porche, avec sur les lèvres un sourire craintif et frondeur.
C’est une enfant pleine de vie, curieuse de tout. Elle aimerait jouer à la poupée, mais n’a pas de jouets. C’est une enfant qui s’invente des histoires et qui se rêve une vie. Mais le rêve ne se réalisera pas.
En suivant une vieille tradition, les familles arrangent son mariage. À moins de quinze ans, elle doit s’unir à un inconnu.
Et sa jeunesse s’arrête : humiliation, séquestration, violence conjugale.
Trente années plus tard, mon chemin a croisé celui de cette femme, enfin libre, libre d’une liberté âprement gagnée. Son cœur est resté pur malgré les années de plomb qui ont voilé sa vie de jeune femme.
Elle a choisi de ne jamais se venger, de ne jamais faire de mal, pas même à ceux qui lui en ont fait.
Elle m’a ouvert son cœur très grand.
Je l’ai aidée à poser sur le papier les pages sombres de sa jeunesse volée, comme un cri adressé au monde.
Un cri adressé à toutes les femmes maltraitées de la terre, pour les exhorter à ne jamais se résigner.

Michel Carrier
Chapitre 1 - La clef de mes rêves
Je commence ce récit par son dénouement, car pour moi, il est important de poser tout de suite sur le papier la façon dont je me suis sortie de cette histoire imposée, comment j’ai reconstruit ma vie à partir d’une jeunesse volée.
Nous sommes en 1987, j’ai 21 ans, et je suis mère de trois enfants.
Après ces cinq années terribles passées dans le nord de la France, je commence à émerger de cet océan de négation de mon être et de ma vie. Je commence à voir, encore très loin devant, l’éventualité d’une sortie du tunnel.
J’ai réussi à convaincre mon mari qu’il fallait partir, qu’il fallait fuir le climat infernal de la maison de ses parents, fuir sa mère en particulier. Cette femme me hait, elle n’est que méchanceté, mon visage porte régulièrement la trace de ses ongles longs lorsque sa lourde main s’abat sur moi, pour rien, pour tout.
Je suis très jeune encore et même si je ne me fais guère d’il – lusions quant à un bonheur possible avec mon mari, je prends comme un énorme progrès de l’avoir décidé à partir.
Nous allons habiter à Rouen, ça y est, nous allons laisser la belle- mère avec quelques centaines de kilomètres entre nous, ça ne fera pas de mal.
Nous nous installons dans un bel immeuble en face de l’école maternelle des enfants.
Le déménagement s’est très bien passé, tout avait été très bien organisé.
Les voisins semblent gentils et sont venus nous aider. J’ai tout de suite donné une âme à la maison, j’ai aussi créé des liens avec les infirmières et les institutrices qui étaient tout juste à 500 mètres. Je voudrais croire enfin possible un nouveau départ, cette fois j’allais pouvoir vivre une vie de famille, une vie de couple, peut- être mon mari allait- il comprendre que je ne suis pas la domestique qu’a achetée sa mère. Peut- être allait- il comprendre que je suis son épouse, la mère de ses enfants. Peut- être allait- il devenir un homme et me regarder.
Je n’ai pas choisi ce mari violent. Dans ma tête, je sais que je le quitterai un jour prochain. Mais j’ai compris que le chemin serait long encore. Dans les premières années de mon mariage, je n’ai fait que courber le dos, mais je veux croire que ça, au moins, c’est fini. J’ai tenu tête à ma belle- mère et mon mari m’a soutenue.
Je veux tout donner pour réussir ce nouveau départ. J’ai puisé dans tout ce que j’avais vécu de beau et de bon dans mon enfance au Maroc. Et pour la première fois, je suis autorisée à chercher du travail.
Je commence à retrouver un peu de confiance en moi.
Nous étions à quelques semaines de Noël, j’ai dit à Taïeb :
– Écoute, ça fait bientôt un an qu’on habite ici, j’aimerais bien avoir un compte bancaire parce que je vais commencer à travailler, les enfants sont à l’école tous les trois…
Il m’a arrêté net.
– Alors ça y est, tu commences à avoir des ailes…
La méfiance avait vite repris possession de lui.
Question : Comment se comportait-il avec toi ?
Samira : Pendant un an c’était relativement correct, si je compare aux années précédentes. Sincèrement, on vivait une petite vie de couple, même si j’étais courageuse, il fallait quand même assumer les conséquences des envies de monsieur…
Q : Il te trompait ?
S : Je ne savais pas qu’il me trompait, je l’ai appris plus tard, mais surtout il était trop exigeant sexuellement, il était très porté sur le physique, le plaisir pour monsieur, les autres ne comptent pas. Quand il a envie, comme il a envie, où il a envie…
Il était toujours violent dans sa façon de faire l’amour et je n’y prenais aucun plaisir.
Je me disais, si je fais tout ça, peut- être qu’il va changer, peut- être qu’il va m’aimer un peu plus. On aura peut- être une vie de famille.
De toute façon, je n’avais plus de famille, je n’avais plus que lui et les enfants. Car je n’avais plus de contact avec mes parents au Maroc.
Donc dans ma petite tête ça travaillait : « je vais faire ça, ça va me rapporter ça », je gagnerai un peu sa confiance. J’étais au moins tranquille sur une chose, je savais que je ne lui donnerais plus d’enfant.
Parce qu’après la naissance de la troisième, je m’étais fait ligaturer les trompes, sans l’accord de personne. Une assistante sociale m’avait écoutée à l’hôpital, et j’ai supplié les médecins et les infirmières, j’ai presque embrassé les gens pour qu’ils me fassent cette opération. Ils m’ont demandé si j’étais bien sûre de moi, l’opération était irréversible. J’étais sûre de moi je n’aurais plus jamais d’autre enfant. (En fait, dix ans après, j’ai eu une autre fille, mais c&#

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