Enfances ambigües
286 pages
Français

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Enfances ambigües , livre ebook

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Description

Cet ouvrage traite du phénomène d'accusation de sorcellerie dont les enfants font l'objet dans l'ancienne province du Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo. Pourquoi des sont-ils aujourd'hui accusés de sorcellerie ? À partir de cette question, le but plus large du livre est d'apporter une contribution originale à la compréhension du statut social et symbolique des enfants et des jeunes dans les familles urbaines du Katanga.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9782140029066
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Edoardo QUARETTA
ENFANCES AMBIGUËS
Anthropologie des enfants accusés de sorcellerie au Katanga (RDC)
Collection La Région des Grands Lacs Africains Passé et Présent
Préface de Bogumil Jewsiewicki
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/D 5pJLRQ GHV *UDQGV /DFV $IULFDLQV  3DVVp HW 3UpVHQWCollection fondée par Bogumil Jewsiewicki (Univ. Laval, Québec-Canada)
&HWWH FROOHFWLRQ XQLYHUVLWDLUH YLVH j DQDO\VHU O¶pYROXWLRQ FRQWHPSRUDLQH GH FHUWDLQV SD\V G¶$IULTXH FHQWUDOH QRWDPPHQW OD 5pSXEOLTXH GpPRFUDWLTXH GX &RQJR 5' &RQJR  OH %XUXQGL OH 5ZDQGD WDQW DX QLYHDX GHV eWDWV HW GHV V\VWqPHV SROLWLFRpFRQRPLTXHV TX¶DX QLYHDX GHV SRSXODWLRQV HW GHV LQGLYLGXV WDQW GDQV OHXU UpJLRQ JpRSROLWLTXH TX¶DX VHLQ GX FRQWLQHQW DIULFDLQ WRXW HQWLHU HW GDQV OH PRQGH JOREDOLVp Codirection
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REM ERCIEM ENTS
Ce livre est le résultat d’une réécriture du manuscrit de ma thèse de doc-torat en anthropologie qui fut dirigée par Massimiliano Minelli et Benjamin Rubbers dans le cadre d’une cotutelle de l’université de Pérous e et l’université libre de Bruxelles. J’ai débuté mes recherches en 2009 pour sou-tenir la thèse en novembre 2013 devant un jury composé par Joël Noret (ULB), Bruno Riccio (université de Bologne) et Armando Cutolo (université de Siena).Je remercie tout d’abord mes deux directeurs de thèse, Massimiliano Mi-nelli et Benjamin Rubbers, pour leur encadrement au cours des années de doctorat, pour avoir lu le manuscrit du livre et pour les échanges et conseils théoriques qu’ils m’ont donnés dans la phase finale d’écriture. À ces remer-ciements je joins également les membres du jury de thèse dont les commen-taires ponctuels et stimulants m’ont orienté dans la réécriture du manuscrit.Un remerciement spécial va à Bogumil Jewsiewicki pour avoir acc epté d’écrire la préface, pour la disponibilité qu’il m’a toujours témoignée ainsi que pour ses lectures attentives de ce livre, malgré le français hésitant des versions antérieures, suivies d’avis et conseils précieux.Je remercie chaleureusement Piergiorgio Giacchè et Bruna Filippi, qui m’ont toujours soutenu et encouragé dans mes projets et mes recherches.Je remercie de tout cœur mes amis Catherine Bourgeoise, Gina Aït Meh-di, Olivier Kahola, Aimé Kakudji, Giulia Giacchè, Patrizia Becchetti, Elisa Ascione, Antonio Pusceddu, avec qui j’ai partagé, malgré l’éloignement, ces années de travail.Je remercie Cinzia Berrone pour sa générosité et l’intérêt qu’e lle a tou-jours manifesté pour mes voyages au Congo.Un remerciement particulier va à Vincent Gerbe, pour son amitié et pour m’avoir donné un travail auprès de son association lors de mon séjour en Sardaigne, ce qui m’a permis de financer une partie de mon travail d’étude et d’écriture.Me tournant vers le Katanga, j’adresse mes remerciements à Donatien Dibwe dia Mwembu pour l’accueil à l’Observatoire du changement urbain de l’université de Lubumbashi. Je tiens à remercier également mes assistants de recherche, Christian Kitenge et Julien Mboyo. Que soient aussi remerciés Émile Kalombo, Philipe Nyange Leya, papa Urbain, frère Art hur, qui m’ont aidé à mener à bien le travail de terrain et les entretiens avec de nombreuses familles lushoises. Ma gratitude va au père salésien Éric Me ertz, qui m’a permis de fréquenter le centre Bakanja Ville et de vivre a vec les enfants de la rue qu’il accueille. Ma reconnaissance va également au père Léon Verbeek et au père Jean-Luc du Théologicum, couvent d’études théologiques de Lu-
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bumbashipremier pour m’avoir donné la possibilité d’accéder à de: le nombreux matériaux récoltés au cours de son activité de recherche, le deu-xième pour l’accueil qu’il m’a réservé dans la bibliothèque du couvent.Je remercie très chaleureusement papa Amos Tshimanga, fonctionnaire de la province du Katanga, pour le temps qu’il m’a consacré et les précieuses informations sur son travail au sein de la province. Je remercie chaleureuse-ment papa Rémy Djangu, ami cher qui m’a été très proche dès mon premier séjour à Lubumbashi en 2006, et qui, même après son décès, a continué à m’accompagner jusqu’à la fin de ce travail.Une pensée particulière va à Innocent Yav Makon et à sa famille, qui m’ont accueilli chez eux à Kasungami; et à Kedrick Mush’Ayuma, qui m’a logé à son domicile et est devenu un grand ami.En ce qui concerne l’écriture, je tiens à exprimer ma gratitude à Delphine Gerbe pour l’apport fondamental qu’elle a donné à la rédaction de cet ou-vrage sans lequel il n’aurait pas pu être publié.Je remercie chaleureusement Rosario Giordano pour la riche et stimulante collaboration que nous avons tissée durant ces quatre dernières années et pour les nombreuses occasions que nous avons eues d’échanger sur nos tra-vaux et thèmes de recherche.Enfin, je souhaite exprimer ma gratitude à Silvia Aru pour le soutie n qu’elle m’a donné et tout ce qu’elle m’a appris au cours de ces années. Et je remercie bien sûr ma famille et particulièrement ma mère pour sa patience et les encouragements prodigués.
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PRÉFACE1 L’Afrique n’est pas héritière de la modernité. Elle en est productrice.Tout d’abord, le lecteur sera agréablement surpris par la remarquable ma-turité de l’érudite préparation méthodologique des analyses qu’ il lira ci-après. Puis le livre l’impressionnera par la lucidité du regard porté par son auteur sur la construction relationnelle (le lecteur rencontrera cet adjectif souvent dans le texte) de ces enquêtes. Edoardo Quaretta restitue tout au long de son analyse ses interactions avec tous les acteurs sociaux impliqués. Il fait de son mieux pour leur donner parole, pour mettre en va leur l’agencéité de toutes les personnes avec lesquelles il a intera gi, qu’il a inter-rogées, y compris celles et ceux à qui sa présence a servi à promouvoir les intérêts. Autant que possible, il restitue les rapports entre les acteurs con-cernés par ses enquêtes, montre l’impact de ses relations avec eux sur la possibilité d’ouverture de certaines pistes de recherche et sur son retrait d e l’exploration plus poussée d’autres pistes. De ce qu’il nous en dit, on est en mesure de reconnaître son respect à leur égard.Il est bien conscient que, dans le Lubumbashi postcolonial, le fait d’être italien de nationalité le situe en marge de l’univers politique, que son âge le rapproche des cadets sociaux, alors que son identité demuzungu(Blanc) lui procure un potentiel des supposées influences dans le secteur de l’économie formelle. Puisqu’il habite chez des Congolais, mange avec ses collaborateurs (majoritairement des assistants sociaux travaillant auprès des enfants) et parle le swahili, les rôles qu’on lui prête évoluent le long de la ligne qui -pare ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir de ceux qui en subissent les actions. D’une part, lorsque le pasteur d’une église lui offre de l’argent pour une course en taxi-bus («le transport»), Edoardo Quaretta accepte de con-tracter une dette auprès de son «protecteur». D’autre part, lorsqu’un enfant de la rue lui signifie sa volonté de participer à l’entretien en français plutôt qu’en swahili, Quaretta accepte un rapport d’égalité dans l’univers de la modernité. Il sait que, dans cet univers colonial et postcolonial du Congo, la langue d’interaction permet dès les premiers mots de reconnaître ou 1Abdelkader Damani, directeur du Frac Centre à Orléans et cocommissaire de Dak’Art 2014, cité p ar Yves Chatap dans «orainBiennale de Dakar, lectures d’un art contemp », consulté le 12 octobre 2016 sur le site http: //www.africultures.com/p hp /index.p hp ?nav=article&no= 12266#sthash.PEbeiiAf.dp uf
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d’imposer le rapport de pouvoir. En voici un autre exemplepeine après mon ar-: en 1971, quelques jours à rivée à Lubumbashi lors du déménagement de la faculté de philosophie et lettres de Kinshasa, j’explorais la ville en compagnie d’un collègue européen prêtre. Égarés, nous nous sommes approchés d’un passant que mon collègue salua en lingala. La riposte ne tarda pas: «Parlez-vous français, mon père?» Avec cette personne notifia son refus d’accepter laces cinq mots, posture d’«indigène» qui ne connaît pas le français. En même temps, elle notifia son opposition au pouvoir politique de la capitale (le lingala est la langue de Kinshasa, la langue de l’armée et, sous Mobutu, celle de l’administration de l’État). En répondant en français aumuzungu «mon père», elle exigea d’être traitée d’égal à égal dans l’espace de la modernité postcoloniale.C’est à travers une fine restitution du processus collaboratif de la cons-truction de ses enquêtes qu’Edoardo Quaretta présente sa démarche heuris-tique. La description analytique des informations recueillies permet de re-construire les situations d’interactions. Plutôt qu’objectiver les acteurs, leur monde et les traces documentaires, le chercheur se dévoile au lecteur et lui dévoile ses manières de faire. On est ainsi en mesure de porter un juge ment 2 éclairé sur ses énoncés.
Pour le lecteur qui n’est familier ni avec le Congo ni avec la ville de Lu-bumbashi l’auteur explicite l’impact de l’imprévisibilité et d e l’incertitude, autant du lendemain que du présent, sur la construction par les acteurs du 3 monde qui les entoure. Katrien Pype, à qui nous devons les plus fines ana-lyses de l’univers des jeunes de la principale ville du Co ngo, Kinshasa, in-siste également sur trois traits de leur quotidien : «Uncertainty, […] a con-text where privacy is scarce, […] play with the visible and the invisible.»
Edoardo Quaretta soutient donc à juste titre que les accusations de sorcel-lerie portées contre les enfants doivent être analysées dans le contexte de l’incertitude quant aux rôles sociaux imposés et/ou revendiqués. Les adultes
2 s’il ne cite p M ême ary Nooter Roberts et Allen Roberts, il se conforme àas le texte de M leur recommandation: «ractices,“The hermeneutic sp iral entailed in understanding the p relations, ideas and trajectories” that researchers would grasp in all their comp lexity “is, of course, p aralleled in the activities of the inhabitants of the region themselves—as they are engaged in making sense of their lives, setting ethical and p ractical goals and standards at multip le levels of inclusion», dans «scap es of the Indian Ocean World. ReorientingSp irit Africa/Asia through Transcultural Devotional Practices», inD’Afrique en Asie et d’Asie en Afrique: Rencontres au cœur d’un monde globalisé, sous la direction de Nicole Khouri et Dominique M alaquais, Paris, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016, p . 56. 3 «asking andotorola” : M obile Phone Practices and Politics of M “[Not] Talking Like a M Unmasking in Postcolonial Kinshasa»,Journal of the Royal Anthropological Institute, n°22, 2016, p . 638.
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mobilisent le discours de sorcellerie pour décrire les situations de crise so-ciale et ses dispositifs pour réguler l’incertitude. On recourt à la sorcellerie pour «discipliner et punir», pourrait-on dire comme Michel Foucault. La sorcellerie n’est évidemment pas inventée dans ce but. Plutôt, son discours et ses dispositifs ont été rapidement et efficacement actualisés, surtout à partir du moment où les églises locales de Réveil les ont intégrés à la démarche chrétienne de résolution de la confrontation entre le Mal et le Bie n. Edoardo Quaretta montre bien qu’on opère alors dans un imaginaire «moderne».
Dans un contexte d’interminable crise économique, sociale et politique, les enfants et les adolescents constituent une catégorie sociale probléma-tique. La fragilisation des mécanismes sociaux de fonctionnement et de légi-timation du contrôle masculin de la famille urbaine postcolon iale rend les jeunes témoins de l’incapacité de leurs pères de tenir les rôles convenus, mais aussi partenaires de fait pour assurer la survie de la fa mille. Alors que de facto l’éducation qui ne formelle est devenue payante, l’enfant fréquente pas l’école affiche publiquement l’incapacité de ses pères (le pluriel s’impose puisqu’il s’agit de catégorie sociale plutôt que bio logique) à trou-ver de l’argent pour s’acquitter des frais scolaires. La prise en charge de ces frais par une autre personne, à qui cette responsabilité n’incombe pas «habi-tuellement», n’est pas une solution. Dans les deux cas, l’«irresponsabilité» – au sens du français congolais de la non-observation des obligations – d’un ou des adultes est publiquement exposée. Tant et aussi longtemps que les mères et/ou les jeunes eux-mêmes contribuent/assurent le paiement de ces frais, les apparences sont sauvées. L’affaire reste en famille nucléaire réputée «moderneEdoardo Quaretta, les». Pour cette raison, comme nous le dit pères insistent pour que les jeunes y contribuent. Par contre, ils s’ insurgent lorsque ces derniers sollicitent des contributions de la par t des personnes à qui la norme sociale ne l’impose pas.
Il en est de même lorsque les jeunes cessent, sporadiquement ou de ma-nière permanente, de passer leurs nuits au foyer familial, le lieu de résidence approuvé par le père ou par la personne qui détient son autorité. Fonder un foyer, c’est procurer à la famille un lieu de résidence, d eux conditions de passage du statut de cadet social à celui d’homme responsable. L’enfant «vagabond», comme l’enfant non scolarisé, témoigne en public de l’«irresponsabilité» de ceux qui socialement en sont responsables. Edoardo Quaretta montre bien le lien qui existe, dans la vie sociale contemporaine des Congolais, entre le déshonneur, dont est porteur l’affichage public d’une telle situation, et les accusations de sorcellerie portées contre les jeunes. Comme pour tout malheur dans la vie, être victime de la sorcellerie résulte de l’œuvre de quelqu’un d’autre. L’accusation portée initie publiquement un processus de rééquilibrage des ra pports, de redressement des torts. L’aveu en est un élément important puisqu’habituellement l’enfant accusé n’est qu’un intermédiaire indispensable pour permettre à un étranger d’atta quer ses pa-
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