Ève dans l humanité
128 pages
Français

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Ève dans l'humanité , livre ebook

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Description

MESSIEURS, MESDAMES,Cette année, je me propose de traiter de la femme, de sa condition subalterne en humanité, de la nécessité de son affranchissement et de la reconnaissance de son droit. Ce soir, j’attirerai particulièrement votre attention sur les origines de cette situation inférieure et les raisons qu’on a pu faire valoir pour la maintenir ; et je me ferai un devoir de répondre à toutes les objections susceptibles d’être produites.Le premier argument qui se présente est celui-ci : Pourquoi l’infériorité des femmes s’est-elle maintenue dans les lois et les usages depuis le commencement du monde et la formation des sociétés ?

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EAN13 9782346023875
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Maria Deraismes
Ève dans l'humanité
PRÉFACE
Il y a plus de vingt ans que les cinq premiers discours renfermés dans ce volume ont été prononcés à la salle des Capucines. Cette série, je le regrette, est loin d’être complète, des notes et des sténographies ayant été égarées pendant la période néfaste de 1870-1871.
Chacun se souvient qu’avant cet effondrement inoubliable, où la France faillit sombrer, l’empire, à son déclin, se sentant menacé, avait, par mesure politique et pour reconquérir une apparence de popularité, détendu quelque chose de la rigueur de son régime.
Alors, le pays, depuis longtemps bâillonné, était assoiffé de paroles sincères et dépourvues de toute estampille officielle. Aussi, répondit-il avec empressement et enthousiasme à cette tentative de tribune libre. Ce fut vraiment le beau temps des conférences ; elles répondaient à un besoin général. C’est à cette époque que je fis mes débuts oratoires.
Au préalable, et pour m’assurer de l’état d’esprit du moment, je traitai des sujets de philosophie, de morale, d’histoire, de littérature. Une fois le terrain bien sondé, je pris la résolution de consacrer deux saisons à la question de l’affranchissement de la femme qui depuis le mouvement socialiste de 1848, aussitôt étouffé, était tombé en oubli.
Le succès dépassa toute prévision.
L’affluence énorme du public, son assiduité, ses applaudissements, le retentissement qu’eurent ces entretiens, m’autorisèrent à croire que la réalisation des réformes législatives que je réclamais pouvait être relativement prochaine.
J’avais compté sans la guerre qui vint retarder indéfiniment une infinité de projets.
Après cet effroyable désastre, tous les cerveaux ne furent plus absorbés que par une seule et unique pensée : relever la patrie par la libération du territoire, l’extension de l’instruction, l’organisation de l’armée et la consolidation de la République. C’est à cette dernière œuvre que je travaillai ; ajournant à des temps meilleurs la publication que je fais paraître aujourd’hui.
J’entrepris donc une campagne de propagande en faveur des principes de la démocratie, persuadée, du reste, que de leur complète application dépend la disparition de toute injustice légiférée.
Aujourd’hui que le gouvernement républicain s’est affermi et qu’il est l’expression de l’opinion publique, nous devons revenir, à nouveau, sur la condition légale de la femme, condition représentant un contraste choquant avec la devise : Liberté, Egalité, Fraternité, inscrite à la tête de notre Constitution.
Le moment est donc opportun pour mettre au jour des études qui restent aussi actuelles qu’à l’heure où elles ont été produites en public.
La loi est encore la même ; le Code a gardé son immutabilité. Mais, heureusement, si la lettre a été respectée, par un scrupule que nous ne saurions louer, l’esprit a subi d’importantes modifications.
C’est ainsi que se dresse une sorte d’antagonisme entre la loi qui décrète l’infériorité définitive du sexe féminin, et les faits qui rétablissent sa complète égalité.
Cette contradiction, en matière fondamentale, n’est qu’une aberration cérébrale qui ne saurait durer, et c’est pour la faire cesser qu’un groupe parlementaire, qui ne compte pas moins de soixante députés, a rédigé deux projets : l’un conférant aux femmes commerçantes le droit d’élire, tout comme les commerçants, leurs juges consulaires ; l’autre, réclamant pour la totalité des femmes l’exercice de leurs droits civils.
Le premier a été voté par la Chambre dans la session de 1889 et a été repoussé par le Sénat ; le second n’a pas encore été mis en délibération. Ces deux projets, ayant été déposés dans la dernière législature devront être présentés, à nouveau, au Parlement actuel ; et le plus curieux, cette fois, c’est que c’est le Sénat qui prendra l’initiative de la proposition des droits civils. Peut être est-ce une façon d’atténuer ce qu’il y a d’arriéré dans son rejet de l’électorat des commerçantes.
Comment admettre, en effet, que la femme qui passe de niveau avec l’homme sous la toise intellectuelle, à qui l’on confère depuis une vingtaine d’années tous les grades universitaires et les diplômes de doctorat en droit, en médecine, ainsi que l’internat dans les hôpitaux, soit déclarée incapable pour les actes les plus ordinaires de la vie civile et sociale ?
Il faut absolument mettre fin à cette situation contradictoire qui, logiquement, a ses contre-coups partout.
Et nous nous étonnons encore des lenteurs que met la République à s’organiser ! Fondée sur le droit, elle a à sa base la violation du droit.
Aussi que se passe-t-il ?
Malgré la science acquise et ses merveilleuses applications, malgré les connaissances de plus en plus approfondies de l’histoire et la vulgarisation de la pensée par la presse, les livres, la parole, les mêmes fautes se répètent. Les caractères restent au-dessous des idées ; les actes au-dessous des théories. On prône la solidarité et on professe l’individualisme le plus impitoyable ; on exhalte la morale et on plonge dans la corruption la plus éhontée.
En un mot, loin de s’améliorer, de se perfectionner, les consciences se dégradent.
On s’aperçoit avec stupeur que, parvenue à un point élevé d’éclosion, l’œuvre sociale s’arrête court. Elle paraît ne pouvoir pousser plus loin son évolution. C’est à se demander si l’humanité est indéfiniment progressible ou bien si le progrès n’est seulement réalisable que dans les choses.
Mais une observation impartiale et profonde triomphe du doute. En étudiant sérieusement l’histoire, nous constatons que toutes les crises que traversent les nations, sont toujours suscitées par des dénis de justice et par une mauvaise répartition des droits et des devoirs.
Toute notre civilisation n’est qu’en surface et en placage ; le fond fait défaut.
Pour remédier au mal, nécessité est de le prendre à sa racine ; il suffit d’une revision du Code dans le sens intégral du droit pour en triompher. Le droit est indivisible, les intérêts étant à la fois individuels et collectifs. Le droit est aussi bien politique que civil, car ne l’exercer que sous ce dernier rapport, c’est lui ôter toute garantie.
La refonte de la loi est donc imminente, elle seule peut rétablir l’ordre et remettre tout à sa place.
 
 
MARIA DERAISMES. 1891.
LA FEMME ET LE DROIT

MESSIEURS, MESDAMES,
Cette année, je me propose de traiter de la femme, de sa condition subalterne en humanité, de la nécessité de son affranchissement et de la reconnaissance de son droit. Ce soir, j’attirerai particulièrement votre attention sur les origines de cette situation inférieure et les raisons qu’on a pu faire valoir pour la maintenir ; et je me ferai un devoir de répondre à toutes les objections susceptibles d’être produites.
Le premier argument qui se présente est celui-ci : Pourquoi l’infériorité des femmes s’est-elle maintenue dans les lois et les usages depuis le commencement du monde et la formation des sociétés ? Pourquoi, si la femme est égale à l’homme, n’a-t-elle pas partagé, dès l’abord, l’autorité avec lui ? Par quelle inexpliquable complaisance a-t-elle fait l’abandon de ses droits, ou par quel étrange aveuglement les lui a-t-on perpétuellement contestés ? Pourquoi n’a-t-elle pas profité des réformes, des révolutions, faites au nom de la liberté et de la justice, pour revendiquer et reconquérir ses droits ?
Ce fait de durée et de persistance ne prouve-t-il pas que son état subalterne, sous toutes les zones et à toutes les époques, correspond à une grande loi naturelle ? Nous allons répondre à ce premier argument. Mais pour aborder une question aussi sérieuse, il est

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