Faut-il éliminer les pauvres?
256 pages
Français

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Faut-il éliminer les pauvres? , livre ebook

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Français

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Description

Ce livre est une critique ironique, souvent dérangeante, sur la façon dont notre société traite les pauvres et la pauvreté. Dans un contexte de mutations sociales importantes, il est dans une mouvance de résistance au contrôle social et au tout sécuritaire dont les pauvres sont les premières victimes mais qui nous menace tous, insidieusement, dans notre quotidien.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2008
Nombre de lectures 57
EAN13 9782336256436
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296043626
EAN : 9782296043626
Faut-il éliminer les pauvres?

Francoise Ecken
À Cédric et Mélissa
À Amé, et à tous ceux que les administrations ou leurs agents ont brisés, usés, humiliés, maltraités.
Merci à ceux qui ont accepté de témoigner. Certains sont des usagers, d’autres sont en poste dans des administrations ou dans des structures soumises à des administrations : je ne nommerai personne, mais ils se reconnaîtront.
Je leur exprime ici toute ma gratitude et leur souhaite bon courage à tous.
À la manière du Hareng Saur de Charles Cros :
Il était un grand mur blanc, nu, nu, nu.
Contre le mur, un éduc, louche, louche, louche.
À côté de l’éduc, des jeunes, graves, graves, graves.
Plus loin, un bâtiment pour paumés où on s’abaisse, A.B.E.S. 1 , A.B.E.S.
Par terre, un dossier d’embauche plein de plis, P.L.IE. 2 , P.L.I.E.
L’éduc dit au jeune des mots simples, simples, simples.
Il lui remet le dossier plein de plis, P.L.I.E., P.L.I.E.
Et le pousse vers le centre où on s’abaisse, A.B.E.S., A.B.E.S.
Et depuis, le jeune, dans les rues, trace, TR.AC.E. 3 , TR.AC.E.
Ne cassant plus rien, il deale, deale, deale.
J’ai écrit ce poème pour énerver les financiers rupins, rapins, radins.
Et amuser les S.D.F. 4 tristes, tristes, tristes.
Claude Ecken
AVANT-PROPOS
Il n’est pas de mon propos, dans ce livre, de faire une étude scientifique.
Je suis travailleur social de terrain et je navigue dans ce secteur depuis maintenant vingt ans dans des structures variées (associatives indépendantes ou para-institutionnelles, institutions, entreprises privées), dans des domaines divers (formation, insertion, accueil d’adolescents, accès au droit), à des postes différents (formatrice, chargée du suivi d’insertion, coordinatrice d’insertion, directrice). J’ai vu, lu et entendu beaucoup de choses, des bonnes et des mauvaises.
J’ai eu envie de rapporter les paroles entendues au fil des ans : quand les pauvres se racontent, qu’ils le fassent avec pudeur ou impudeur, que la misère se cache derrière les mots ou qu’elle saute au visage de celui qui n’est pas averti, c’est toujours la même souffrance qu’ils racontent. Les anecdotes qui émaillent ce livre sont toutes tirées de mon expérience professionnelle, et si je n’ai pas repris les histoires telles que je les ai entendues, c’est pour y exprimer plus librement tout ce que les pauvres n’osent pas dire.
J’ai eu envie de raconter toutes ces choses et d’en faire un travail d’analyse. Un travail tel que tout travailleur social est formé à en faire au cours de sa formation initiale et dans sa pratique, au travers de comptes rendus, de bilans, de rapports d’activité...
J’ai eu envie de dire ce que j’ai vu et constaté, envie de faire partager une expérience très enrichissante, tant par les personnes en demande que par les partenaires aux attentes contradictoires, les financeurs aux exigences sans cesse mouvantes, les responsables tenus à des logiques de résultat.
J’ai eu envie de parler de l’exclusion que notre société pratique au quotidien envers les pauvres en tant que groupe social, et du déni de ce rejet.
J’ai eu envie de tordre le cou aux idées reçues (avec tout ce qu’on fait pour les pauvres, ceux qui ne s’en sortent pas, c’est qu’ils le veulent bien), de rectifier des a priori (la pauvreté ne touche que les faibles), de montrer du doigt ce qui ne se dit pas (le déni dans lequel notre société s’enveloppe face au mépris qu’elle montre aux pauvres), de sortir du langage politiquement correct, de la langue de bois qui maquille la réalité (il ne faut pas dire un pauvre, mais une personne en difficulté).
J’ai eu envie de témoigner pour ceux qu’on ne reconnaît pas comme victimes, ni même comme exclus (ne dit-on pas que le R.M.I., en tant que dispositif d’insertion, est le dernier rempart avant l’exclusion ?), mais qu’en situant à la frontière, presque à la marge, on fait souffrir dans leur être, dans leur dignité, dans leur identité sociale.

J’ai eu envie de dénoncer tout ça.
INTRODUCTION
Les pauvres sont des victimes : victimes de la pauvreté, bien sûr, mais surtout victimes d’une certaine image de la pauvreté, victimes des représentations que nous avons du pauvre, victimes des représentations qu’ils ont d’eux-mêmes.
On les fait souffrir et ils souffrent sans pouvoir mettre des mots sur leur peine, parce que la seule misère socialement et institutionnellement reconnue dans notre société est la misère financière. Les misères : morale, sociale, familiale, linguistique, physique, culturelle, ne sont que des concepts philosophiques abstraits, presque sans objet, absents des discours officiels et oubliés des méthodes d’insertion.
Cette femme qui s’occupe d’un parent âgé ou malade et tyrannique, cet homme qui vit avec une mère valide et qui l’étouffe, celui ou celle qui n’a pas la bonne couleur, le bon accent et qui se heurte quotidiennement à de menus actes de discrimination 5 , le timide que personne ne respecte, le jeune, qui, du fait même de sa jeunesse, est soupçonné de déviance sociale, le pauvre qui doit, dans tous les actes de sa vie, tenter de sauvegarder sa dignité, toutes ces personnes souffrent dans leur vie quotidienne. Et leurs souffrances ne sont pas reconnues.
Écoutons-les nous raconter leur quotidien : ils disent subir un calvaire. En plus des misères de la vie, toute démarche administrative est un parcours du combattant qu’ils ne parviennent pas toujours à mener à terme. La réglementation et la procédure administrative, vécues par la majorité de la population comme un mal nécessaire, sont vécues par les pauvres comme une discrimination, comme des obstacles pour accéder à leurs droits. Pour donner une image de leur ressenti, ils ont le sentiment de se noyer et, chaque fois qu’ils sortent la tête hors de l’eau, “on” y tape dessus pour les enfoncer davantage. Ils font volontiers mention d’un manque de chance quasiment chronique (réel ou fantasmé) dans la justification de l’échec de ce qu’ils entreprennent. Et ils invoquent ce manque de chance d’autant plus facilement qu’ils ont plus de difficultés à s’insérer.

Et pourtant, avec tout ce qu’on fait pour eux, diront certains, confits dans leur bonne conscience.

Certains courants d’idéologie sociopolitique pensent que la cause de l’échec des politiques de l’insertion réside dans la difficulté des pauvres à entrer en projet, à se projeter dans le temps et à avoir une sorte d’empathie avec la société, qui les empêcherait d’appréhender ce qu’elle attend d’eux et de s’y conformer. Ainsi, ne pouvant comprendre les échecs récurrents de leur vie et le rejet qu’ils suscitent parfois, ils parlent d’un manque de chance.
Mais alors, comment expliquer que ces mêmes pauvres ont généralement une bonne connaissance des systèmes d’aide et, s’ils ne s’y sentent pas à l’aise, savent comment y naviguer ? On peut raisonnablement penser que si le pauvre sait vivre dans un système social, il devrait savoir vivre dans la société dans son ensemble.
Quant à la difficulté que ces personnes auraient à comprendre ce que la société attend d’eux, elle n’est pas non plus une cause de l’échec de leur insertion. Elle est un effet : celui des violences sociales que les pauvres vivent au quotidien, parfois depuis leur plus jeune âge ; comment peut-on espérer que ces personnalités maltraitées puissent se développer harmonieusement et être adaptées à une norme que nous leur refusons, ne leur apprenant que la maltraitance 6  ?
Un autre courant estime que la source des difficultés d’insertion du pauvre – et du même coup, l’échec des politiques d’insertion – vient des violences institutionnelles dont ces personnes sont victimes. L’institution qui, pour certains, ne peut pas ne pas être violente, maintiendrait les pauvres à la place qui leur est dévolue : au bas de l’échelle sociale.
Cette idée de souffrances infligées par les administrations suppose que celles-ci aient une volonté consciente de nuire aux citoyens et aux pauvres en particulier. Comment une personne morale comme une institution peut-elle avoir une volonté propre, des intentions, une conscience ? Soumise aux lois, décr

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