Je suis mort un mardi
272 pages
Français

Je suis mort un mardi , livre ebook

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272 pages
Français

Description

Il y a un mardi toutes les semaines, ce qui en fait un bon nombre à l'actif de chacun, néanmoins, pour Vincent, ils ont gravé sa mémoire. Retirés à leurs parents par les services sociaux, écrasés par madame X, "famille d'accueil" qui le tyrannisait lui et ses frères et soeurs, la fratrie a grandi dans le discrédit de ses racines familiales.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 330
EAN13 9782296469730
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JE SUIS MORT UN MARDI

© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56472-5
EAN : 9782296564725

Vincent Jeantet

JE SUIS MORT UN MARDI

L’Harmattan

AVANT-PROPOS

Enfants placés, une blessure pour la vie

Dans un documentaire inédit, Marie Mitterrand
etJeanBaptisteMartin donnent la parole à des enfants séparés de
leurs parents pour négligences ou maltraitance

Une jeune femme évoque à mi-mot son enfance: ses parents
alcooliques, les scènes de violence indicibles qu’elle a subies, sa
tentative de suicide à l’adolescence, le « placement » qui a suivi et
qu’elle a elle-même demandé. Mais elle taira le pire : «Ce qui est
le plus terrible, dit-elle, c’est les mots, car jusqu’au bout ils vous
hantent »Ce témoignage de Séverine scandeEnfances et danger,
un documentaire inédit consacré aux enfants placés (1) et en donne
le ton : dur et grave.
Comme Séverine, 70 000 enfants sont chaque année, enFrance,
séparés de leurs parents, le plus souvent pour maltraitance ou
négligences lourdes.Ces séparationspeuvent être provisoires ou
durer toute leur enfance. Ils peuvent être placés dans des
pouponnières, des maisons d’accueil, des villages d’enfants ou
d’autres familles, continuer à voir régulièrement leurs parents ou
ne plus les voir du tout. Que deviennent ces enfants ?Arrive-t-on à
les réparer? Seront-ils capables à leur tour de devenir parents et
d’aimer sereinement leurs enfants ?
C’est à ces questions délicates que Marie Mitterrand et
JeanBaptiste Martin vont tenter de répondre, à travers des témoignages
d’enfants, d’adultes anciennement placés et de commentaires de
spécialistes.
Sans apporter de réponse définitive, car il n’y en a pas ; on oscille
en permanence entre deux maux dont on ne sait lequel est le
moindre : ces enfants sont en danger avec leurs parents, mais les en
séparer est toujours un traumatisme. Quelles que soient les
violences qu’ils ont subies, beaucoup entretiennent le rêve secret
de retourner un jour vivre chez eux.Et continuent à aimer ceux qui
les ont fait souffrir : « oui j’aime toujours maman ; mais la femme
ne me manque pas : elle m’a dit des choses si dures, n’a pas su me
protéger, m’a mis dans une grande souffrance que je porterai toute
ma vie ».

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Sur le devenir de ces enfants et les alternatives qu’on leur offre,
aucune enquête n’a vraiment été faite. Mais le bilan au bout du
compte semble bien négatif.Echec scolaire, déficience
intellectuelle, maladie psychique, délinquance: ces enfants
meurtris ont subi des traumatismes si lourds qu’ils en resteront
marqués à vie. «Les résultats ne sont jamais évalués car ils sont
mauvais »,conclut le pédopsychiatre MauriceBerger, en ne
donnant qu’un seul chiffre : 65% des adultes soignés pour maladie
psychique chronique dans les hôpitaux psychiatriques sont passés
par des dispositifs de protection de l’enfance. Une conclusion bien
pessimiste qui a le mérite d’alerter l’opinion sur ces enfants qui
restent encore aujourd’hui « en danger ».

Christine Legrand

(1) Mercredi à 20h50 sur KTO.Ce documentaire constitue le point
d’orgue d’une semaine thématique que KTO consacre à l’enfance
du 9 au 15 juin.

C’est à la suite de la lecture de cet article, paru dansLe Figaroen
juin 2007 et queCécile m’avait gentiment découpé, que j’ai décidé
d’écrire ce livre auquel je pensais depuis longtemps.

Ce livre, je le dédie à mes parents et à mes frère et sœurs.

6

1.La visite

Ce mardi j’y suis retourné.Ce n’était pas bien loin de chez moi,
une soixantaine de kilomètres à peine, mais c’était sur une route
que j’évitais.Ce mardi donc, en ce début d’après-midi d’été, ma
voiture m’y avait envoyé, elle m’avait conduit jusque chez elle. Je
me demandais si ce n’était pas un signe, si ce n’était pas enfin le
bon moment.Depuis plusieurs mois déjà, j’avais envie de savoir si
elle était encore vivante. Je n’osais pas lui téléphoner, j’avais peur
d’entendre ou de ne pas entendre sa voix. La voulais-je morte ou
encore bien vivante? Je ne savais pas vraiment. Je me disais que
dans les deux cas, je serais finalement soulagé. Je savais pourtant
que je serais triste si je la voyais et si je lui parlais, mais je savais
aussi que je serais triste si elle était morte et que je ne la voyais
pas, que je ne la voyais plus, plus jamais.

J’avais beaucoup rêvé d’elle ces derniers temps, je ne comprenais
pas pourquoi elle occupait à ce point mon subconscient.Achacun
de mes réveils elle était là. Je la voyais, pas distinctement, mais
c’était elle, ça ne pouvait être qu’elle. Je lui parlais, elle me
répondait. Parfois elle était triste, elle avait peur, elle me demandait
de l’aide, parfois c’était moi qui l’appelais au secours. Jamais nous
ne nous rencontrions dans le calme et jamais je ne parvenais à la
rassurer, elle ne m’apaisait jamais non plus.

Elle m’avait pourtant quitté depuis longtemps, elle n’était plus là
depuis longtemps, j’étais passé à autre chose et je ne m’en portais
pas plus mal.
Pourquoi était-elle réapparue, pourquoi m’habitait-elle de
nouveau etpourquoi était-elle restée en moi, en sommeil, toutes
ces années ?
M’avait-elle un jour inoculé quelque chose, un poison, une sorte de
sérum, un fluide magique programmé pour me faire revenir à elle
un mardi d’été au bout de vingt ans?C’était peut-être elle qui
m’appelait aujourd’hui, c’était peut-être elle qui actionnait les
pédales, dirigeait le volant, m’avait fait ralentir, appuyer sur le
frein devant sa maison et couper le contact.

7

Alors que je sortais de la voiture et que je regardais autour de moi,
je me demandais ce que je faisais là.Elle n’était pourtant rien pour
moi.Elle n’était ni ma mère, ni ma sœur, ni ma femme, ni ma
maîtresse, ni même mon amie.

Debout dans la rue, me faisant un rempart de la portière de la
voiture restée ouverte et que je n’ose pas rabattre, je ne me sens pas
très bien. J’ai mal au ventre, mon cœur bat plus rapidement, j’ai
chaud, des gouttes de transpiration glissent sur mes tempes. Je
sursaute au moindre bruit, je ne veux pas qu’on me voie. Une
voiture passe et frôle la mienne, je me raidis, je détourne la tête. Je
lève enfin les yeux sur la maison, elle est toujours là, elle est
toujours aussi quelconque et si semblable aux maisons voisines.
Elle a vieilli, on voit qu’elle n’est plus vraiment entretenue, elle me
paraît plus petite et plus ramassée qu’avant. Je m’avance vers elle,
je laisse la portière ouverte, peut-être dans le cas où j’aurais à partir
rapidement. Je m’approche du portail noir en fer forgé. Il n’est plus
très noir, la peinture est écaillée. Il est si petit, il m’arrive à la taille,
j’aurais pu entrer sans même l’ouvrir.Dire qu’à une époque il me
semblait si haut, si infranchissable. La haie qui l’encadre, au
contraire, est très haute, les lauriers ont bien poussé.

Sur l’une des colonnes en fausse pierre qui soutiennent ce portail,
une boîte aux lettres métallique indiquant, « Madame X», fait
saillie.Elle est donc encore vivante. Je constate que sur la
deuxième colonne, un autre nom figure sur une autre boîte aux
lettres.Elle doit louer le rez-de-chaussée, elle nous a donc
remplacés. Je reste figé quelques instants.Je me mets sur le côté,
de sorte que les lauriers me dissimulent un peu, j’observe les
fenêtres de l’étage. Les volets marron sont mi-clos, rien ne bouge.
Rien ne semble bouger non plus en bas, les volets sont fermés.
J’hésite, j’actionne la poignée du portail, il n’est pas fermé à clé. Je
vérifie une fois encore que tout est calme, je referme la portière de
la voiture, je pousse le portail, j’entre, je referme le portail. Je
m’avance rapidement pour me mettre à l’abri des regards sous le
balcon. Il n’y a plus grand-chos

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