L écriture de la sociologie
329 pages
Français

L'écriture de la sociologie , livre ebook

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329 pages
Français

Description

En sciences sociales, l'écriture est rarement un sujet de préoccupation à l'égal de la théorie, de la méthodologie ou de l'enquête de terrain. Ce livre s'attache au contraire à montrer, à partir du cas de la sociologie, qu'il s'agit d'une dimension essentielle de la production de savoirs sur les sociétés. Le livre fait le constat des contraintes académiques, d'écoles de pensée, de cultures nationales qui pèsent sur l'écriture et essaie de dégager les bases d'une étude des singularités de style en sociologie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 35
EAN13 9782296475069
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’écriture de la sociologie
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’École polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56673-6 EAN : 9782296566736
Jean-Yves Trépos
L’écriture de la sociologie
Essai d’une épistémologie du style en sciences sociales
L’Harmattan
Logiques Sociales Collection dirigée par Bruno Péquignot
En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collectionLogiques Sociales entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action sociale. En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques.
Dernières parutions
Nathalie GUIMARD et Juliette PETIT-GATS,Le contrat jeune majeur. Un temps négocié, 2011. Christiana CONSTANTOPOULOU (sous la dir. de),Récits et fictions dans la société contemporaine, 2011. Raphaële VANCON,Enseigner la musique : un défi, 2011. Fred DERVIN,Les identités des couples interculturels. En finir vraiment avec la culture?, 2011. Christian GUINCHARD,Logiques du dénuement. Réflexions sociologiques sur la pauvreté et le temps, 2011. Jérôme DUBOIS (sous la dir. de),Les usages sociaux du théâtre en dehors du théâtre, 2011. Isabelle PAPIEAU,La culture excentrique, de Michael Jackson à Tim Burton, 2011. Aziz JELLAB,Les étudiants en quête d’université.Une expérience scolaire sous tensions,2011. Odile MERCKLING,Femmes de l’immigration dans le travail précaire, 2011. Vanessa BOLEGUIN,La Réunion : une jeunesse tiraillée entre tradition et modernité. Les 16-30 ans au chômage, 2011. Maurice MAUVIEL,L’histoire du concept de culture,2011. Emmanuel AMOUGOU,Sciences sociales et patrimoines, 2011. Gérard REGNAULT,Les mondes sociaux des petites et très petites entreprises, 2011. Brigitte LESTRADE,Travail et précarité. Les « Working poor » en Europe, 2011. Christos CLAIRIS, Denis COSTAOUEC, Jean-Baptiste COYOS, Béatrice JEANNOT-FOURCAUD (Éditeurs),Langues et cultures régionales de France. Dix ans après. Cadre légal, politiques, médias, 2011. Mathieu MARQUET,Trajectoires sociales ascendantes de deux jeunes issus de milieu populaire. Récits de vie, 2011.
«The production of knowledge and the communication of knowledge are usually regarded as distinct activities. In this paper I shall argue to the contrary: speech about natural reality is a means of generating knowledge about reality, of securing assent to that knowledge, and of bounding domains * of certain knowledge from areas of less certain standing. »
Steven Shapin,« Pump and Circumstance: Robert Boyle’s Literary Technology », Social Studies of Science, SAGE,London, Beverly Hills and New Delhi, Vol. 14, 1984, p. 481.
*  « La production du savoir et la communication du savoir sont habituellement considérées comme des activités distinctes. Dans cet article, je soutiendrai le contraire : parler de la réalité naturelle est un moyen de générer un savoir sur cette réalité, de sécuriser le consentement à ce savoir, de délimiter les domaines de savoir certains des espaces de savoir moins assurés. » (trad. J.Y.T.)
-0-Pour une épistémologie de l’écriture de la sociologie et des autres sciences sociales Observer l’écriture des sociologues Les sociologues n’apprennent pas à écrire. Je ne veux pas dire qu’ils écrivent forcément plus mal que les autres. Mais, dans le monde académique, tout se passe comme si la présentation des résultats d’un travail sociologique allait de soi, pourvu que l’on sache manier correctement la langue ordinaire et quelques artifices de présentation vite copiés sur la prose des aînés. Et pourtant, écrire de la sociologie c’est assembler et agencer des données d’enquête, des arguments, des références, des notes en bas de page, c’est trouver une présentation satisfaisante des tableaux, c’est placer en annexe des matériaux, en insérer d’autres dans le texte et sans doute d’autres choses encore, au nombre desquelles il faudrait mentionner aussi bien les constructions conceptuelles que les modalités d’aménagement des différents discours tenus ou rapportés. Les arbitrages effectués pour stabiliser ces agencements ne sont pas toujours heureux, du strict point de vue de la clarté, surtout lorsque les connexions logiques s’avèrent être pauvres ou répétitives ou encore lorsque les parenthèses et les guillemets envahissent le texte sans raison apparente. Soit. Admettons-le : il y a un peu trop de flottements en la matière. Mais on ne voit pas bien au nom de qui ou de quoi, il serait nécessaire ou même possible de fixer des normes d’écriture, à partir desquelles deviendraient opératoire une pédagogie du scriptural et envisageable un alignement satisfaisant des pratiques rédactionnelles. On trouve bien des conventions graphiques à respecter pour être publié dans telle ou telle revue mais, même lorsqu’elles règlent un peu plus que la disposition des composantes des références et des choix de caractères, celui qui les respecte tend à les tenir comme extérieures à son propos. Chacun remarquera d’ailleurs qu’on est très loin de l’unanimité, même pour ces exigences minimales. Il faut sans doute admettre cette limite à la circulation des informations scientifiques. Soit. Méfions-nous des consignes d’écriture. On propose ici un livre qui s’ancre à ces deux constats et qui choisit non pas de dire comment il faut écrire la sociologie, mais comment on peut contrôler les principaux effets de la sociologie qu’on veut écrire. C’est-à-dire : montrer comment on peut assurer la cohérence des composantes d’un discours argumentatif. D’ailleurs contrôler c’est déjà argumenter. Ce livre, notons-le au passage sans pouvoir nous y attarder, assume un présupposé relevant d’une épistémologie que l’on pourrait qualifier d’« homogénéiste », loin donc de l’épistémologie
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L’écriture de la sociologie
anarchiste de P. Feyerabend : on considère qu’il est intéressant et pas trop néfaste à l’innovation, de viser à tenir un propos qui soit le plus cohérent possible, non seulement quant au lien profond entre les données exhibées, mais encore quant aux liens entre les ressources argumentatives. Pour y parvenir pourquoi ne pas regarder comment procèdent ceux qui sont parvenus à franchir les obstacles de la publication scientifique ? C’est, d’une part, une opportunité pragmatique, une économie d’investigation : les textes publiés sont les résultats d’allers et retours entre comités de rédaction et auteurs, qui sont sans doute parfois douloureux pour ces derniers, mais qui ont délesté ces textes de scories plus intéressantes pour une sociologie des sciences que pour une épistémologie de l’écriture. C’est, d’autre part, un choix théorique : retenir des textes sélectionnés par des pairs, c’est porter l’attention sur ce que ces pairs veulent donner à voir ou, du moins, estiment acceptable de laisser voir. C’est donc observer des pratiques légitimées. Le parcours proposé ici est effectué au sein de l’univers d’écriture qu’offrent les sociologues d’aujourd’hui : d’aujourd’hui, car on ne voit pas bien quels seraient les maîtres qu’il faudrait donner à imiter, sans risquer une entreprise 1 normative qui a été écartée ci-dessus . Par publication scientifique, on entendra les articles parus dans des revues à comité de lecture, même si on ne peut oublier qu’elles exercent une pression indirecte sur les textes qu’elles acceptent et opèrent ainsi une sur-sélection difficile à détecter. Comment définir un corpus maniable ? C’est-à-dire : un corpus suffisamment restreint pour que soient mémorisables, d’une entrée à l’autre, les caractéristiques d’une revue. Trois revues françaises (laRevue française de sociologie,Sociologie du travail etActes de la Recherche en Sciences 2 Sociales) ont été régulièrement mises à contribution et, plus
1 Il ne s’agit donc pas ici d’opposer une « tradition sociologique », dépassée ou insurpassable, à une contemporanéité ou à une post-modernité d’écriture. C’est pourquoi, si ce livre est sensible aux variantes historiques de l’écriture, il n’a pas les moyens d’en faire véritablement l’histoire et il se distingue ainsi, sur ce point, de travaux similaires antérieurs comme celui d’Atkinson, qui analyse remarquablement les « stratégies textuelles » des « ethnographies traditionnelles » en repérant : les descriptions ethnographiques, les connivences culturelles, le rôle des titres, les modes de présentation des données empiriques, les présupposés, l’ironie, etc. (P. Atkinson,The Ethnographic Imagination : textual construction of reality, London, Routledge, 1990). Par ailleurs, le livre d’Atkinson, qui présente de nombreuses intersections avec le mien (en gros celles qui sont citées dans l’énumération précédente), quant à l’attention portée aux écrits, s’en distingue à la fois par un objectif plus général (montrer comment ème «l’écriture sociologique façonne notre manière de voir les problèmes sociaux» - 4 de couverture), un domaine de référence plus restreint (les travaux d’ethnographie urbaine), une méthode d’analyse moins systématique («a more frankly personal and impressionnistic approach» -op. cit., p. 4). Il m’a néanmoins offert de nombreux points d’appuipost hoc, puisqu’il s’agit d’un ouvrage que j’ai découvert alors que l’essentiel de mon livre était déjà rédigé. 2 Les abréviations retenues pour ces trois revues seront respectivement :RFS, SDTetARSS. Dans les listes établies par et pour l’Agence d’Evaluation AERES (dont le mode de calcul reste, pour moi, mystérieux) elles sont toutes les trois classées « A ».
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