L’émancipation des serfs de Russie
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Description

En promulgant l’acte d’émancipation des serfs en 1861, le tzar Alexandre II traduisait une volonté ferme de moderniser les structures sociales et politiques de l’Empire pour se rapprocher d’une « Europe européenne ». Mais c’était sans en mesurer pleinement les conséquences, étonnemment contradictoires. À court terme, la condition paysanne fut aggravée car l’émancipation ne portait pas sur la propriété des terres. Mais à long terme, à côté d’une minorité prospère, s’est constitué un prolétariat paysan, nourri par un essor démographique sans précédent. à la recherche de nouvelles terres, ce prolétariat n’eut d’autre choix que le chemin de l’exode rural. Ainsi, participa-t-il aux bases d’une Russie moderne, peuplant les contrées les plus reculées de la Sibérie et nourrissant à la sueur de son front les bassins industriels russes jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Au travers d’archives et d’écrits littéraires comme ceux de Tolstoï, ce livre nous invite à découvrir cette formidable révolution politique, économique et sociale.

Docteur habilitée à diriger des recherches, Catherine de Montlibert-Dumoulin, est rattachée à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, Centre d’études des modes d’industrialisation (EHESS/CEMI). Elle anime un séminaire qui est consacré aux Ruptures et Continuités dans la sphère étatique russe (1861 à 1998).

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9782803104079
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'ÉMANCIPATION DES SERF S DE RUSSIE
Catherine de Montlibert
L’émancipation des serfs de russie L’année 1861 dans la Russie impériale
P P S RÉFACE DE HILIPPE DE CHOUTHEETE
Académie royale de Belgique rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique ISBN : 978-2-8031-0407-9 © 2012, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant Volume 37
Diffusion Académie royale de Belgique www.academie-editions.be
Crédits Conception et réalisation : Grégory Van Aelbrouck, Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Illustration de couverture : Ilia Efimovich Repin (1844-1930),Les bateliers de la Volga, Huile sur toile (1870-1873). © Saint-Pétersbourg, Musée Russe Publié en collaboration avec
Bebooks - Editions numériques Quai Bonaparte, 1 (boîte 11) - 4020 Liège (Belgique) info@bebooks.be www.bebooks.be
Informations concernant la version numérique ISBN 978-2-87569-139-2 A propos Bebooks est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
Préface
Fernand Braudel, dans son œuvre majeureCivilisation Matérielle :Économie et Capitalisme, notait que la Russie (il parlait de la Moscovie) est restée longtemps en marge de l’économie-monde bâtie sur l’Europe, elle était hors de la sphère occidentale, hors de l’« Europe européenne ». Mais l’Europe, dit-il, agit par sa supériorité monétaire, les attraits et les tentations de ses techniques et de ses marchandises, de sorte qu’un « mouvement de bascule pousse peu à peu l’énorme pays vers l’Occident ». Avant que le réflexe identitaire, et la tentation asiatique, n’amorcent un mouvement contraire. Comment ne pas penser à ces mouvements de bascule au cours des derniers mois. Les révoltés de la Place Maidan sont motivés, pour certains jusqu’à risquer leur vie, par les attraits et les tentations d’une « Europe » qu’ils ne connaissent, sans doute, pas bien : une Europe de rêve. Et ceux de Sébastopol, attisés par la propagande et l’intoxication de Moscou, croient résister au complot imaginaire et dominateur d’une « Europe » envahissante : une Europe de mythe. Entre le rêve des uns et le mythe des autres, l’affrontement est inévitable. Pour les tiers, c’est l’incompréhension qui s’installe. Dans ces phases alternées de l’histoire russe, le livre de Madame Dumoulin de Montlibert, e reprenant ses conférences au Collège Belgique, se concentre sur les deux décennies du 19 siècle (1860–1880) qui ont connu l’abolition du servage. Cette réforme, voulue par le tzar Alexandre II, fait partie d’un effort d’ensemble de modernisation des structures politiques et sociales, très archaïques, de l’Empire, que ce livre décrit. En cela l’Empereur s’efforçait de se rapprocher des structures sociétales, et du canon intellectuel, de l’« Europe européenne ». Mais imposées par l’autocrate, lentes à mettre en œuvre, souvent douloureuses dans leurs conséquences, insuffisantes pour les radicaux, elles n’ont pas protégé le tzar de la bombe du terroriste. Cependant elles ont réformé en profondeur la société russe. Comme l’auteur l’indique, l’abolition du servage n’a pas, dans l’immédiat, amélioré la condition paysanne, parce qu’elle ne portait pas sur la propriété des terres. À côté d’une minorité prospère, un prolétariat paysan s’est constitué. Ce prolétariat a contribué à l’urbanisation de la Russie, il a participé au peuplement de la Sibérie, il a fourni la main-d’œuvre des bassins industriels russes qui n’ont cessé de croître jusqu’à la Première Guerre mondiale. En cela l’abolition du servage a eu des conséquences à long terme, sans doute imprévues. Elles ont modernisé la Russie, mais autrement que le tzar ne l’avait pensé. Dans la conscience collective, ou l’inconscient collectif, des nations, l’histoire, réelle ou figurée, joue un rôle essentiel. En Russie peut-être plus encore qu’ailleurs. Ce petit livre éclaire un moment important de cette histoire. Il vient au bon moment.
Philippe de Schoutheete, Directeur de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques
Introduction
e L’année 1861 est une année de rupture. Aux États-Unis, Abraham Lincoln, élu 16 président, entre dans ses fonctions le 4 mars 1861. La bataille de fort Sumter débute le 12 avril 1861 et déclenche la guerre de Sécession. En France, l’empereur NapoléonIII engage la réforme de la constitution de 1852 qui aboutit à la réforme constitutionnelle de 1862. Elle donne aux grands corps de l’État une participation plus directe à la politique générale du gouvernement. En Russie, l’émancipation des serfs est proclamée par l’empereur Alexandre II. L’émancipation des serfs, paysans attachés à la glèbe, est tardive en Russie. Elle a lieu au e milieu du XIX siècle. Georges Duby explique : « Alors qu’en Europe de l’ouest, il ne reste que quelques vestiges du servage à la fin du moyen-âge, en Russie et plus largement dans l’est de l’Europe, une nouvelle forme de servage se développe et demeure jusqu’à son abolition e 1 tardive, au milieu du XIX siècle ». L’émancipation des serfs en Russie (1861) est à mettre en relation avec le mouvement général d’abolition de l’esclavage qui concerne les pays occidentaux engagés dans le processus d’industrialisation, sous l’impulsion de la diffusion progressive des idées contenues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen et sous l’action de l’Angleterre industrielle à la recherche de nouveaux marchés. Dans cette perspective, la question de l’émancipation des serfs en Russie est un cas d’attribution de droits sociaux et politiques partiels, en contrepartie du développement de l’industrie et du passage au salariat. L’émancipation des serfs, qui provoque une transformation en profondeur de la société, est corrélée aux intenses débats qui touchent tous les secteurs de la vie intellectuelle. Ils portent sur la façon de penser la transformation et débouchent sur la question de penser la transformation sociale. Le débat se focalise sur leMir, ou communauté rurale, dont le maintien ou la disparition se pose dans un pays qui s’industrialise. Le Mir ouObscinarecouvre la Communauté agraire et le Village communautaire. Ces deux termes sont traduits souvent par le terme de « commune ». C’est une communauté paysanne à base foncière. Les terres de la communauté sont concédées collectivement par le propriétaire noble, à titre précaire jusqu’en 1861, à titre définitif après 1861. Grâce aux opérations de rachat prévues par l’Acte du 19 février, les terres de la communauté peuvent être acquises collectivement. La communauté procède à la répartition d’une partie des terres entre ses membres. Ceux-ci reçoivent en jouissance pour une durée qui peut être très variable un lot de terre, éventuellement un lot de prairie de fauche, qu’ils exploitent individuellement. Les pâturages restent généralement dans l’indivision et font ainsi l’objet d’une exploitation collective. Les textes juridiques utilisent rarement le substantifobscina, mais ils font un emploi constant de l’adjectifobscinnyi(collectif) pour caractériser le mode de jouissance ou de propriété particulière à cette institution. L’obscinan’appartient pas au vocabulaire paysan. Pour les paysans des villages où règne le système de l’obscina, le terme deMirexprime à lui seul les deux notions de communauté administrative et de communauté des terres. C’est la littérature qui a fait la fortune du mot. Considérée comme un legs du plus profond passé slave, comme la manifestation vivante de l’originalité de la société russe, l’obscina est célébrée par les slavophiles nationalistes et conservateurs. Plus attentifs au contenu social et économique de cette institution, les socialistes voient dans l’obscina comme une préfiguration d’une société fraternelle dans laquelle travail et propriété pourraient être 2 réconciliés . La proposition, avancée par certains pour remédier à la radicalité des transformations, est de préserver leMir, la communauté villageoise, de l’émanciper du pouvoir du seigneur et de 3 l’inscrire dans le cadre des réformes de l’État . Ainsi, l’État aurait la possibilité en conservant
4 leMir, de protéger la paysannerie contre la mise en place du capitalisme industriel . Ces débats sont à mettre en relation avec la formation de l’intelligentsiale terme apparaît dont 5 dans la langue russe au début des années 1860 . La genèse de l’intelligentsia est souvent corrélée à l’apparition des cercles, oukruzki, qui diffusent les idées révolutionnaires, libérales ou socialistes. La période retenue est celle de réformes de grande ampleur. Alexandre II accède au trône en 1855, un an avant l’achèvement de la guerre de Crimée (1853-1856). Pendant les premières années de son règne, des réformes structurantes sont adoptées. L’abolition du servage s’est accompagnée de la mise en place de l’organisation communale (1861-1863), d’une réorganisation de l’administration territoriale, par la création d’organisations décentralisées dans les régions et les provinces pour administrer les besoins locaux (1864) ; celle-ci se prolonge avec la réforme de l’administration des villes (1870), une réforme de la justice (1864), une réforme des finances de l’État (1863), la séparation du domaine de la loi et de l’action administrative (1861). Enfin, la question de la constitution se pose au moins en 1861 et en 1881. Leszemstvos sont des conseils élus par les diverses catégories d’habitants propriétaires dont les attributions portent sur les questions économiques, l’établissement des taxes pour la construction des routes, écoles, hôpitaux. Sur le modèle français, des garanties d’impartialité sont données aux justiciables. Les finances publiques sont réorganisées selon les 6 principes d’universalité, de spécialité, d’unicité . La mise en place d’une instruction primaire destinée aux enfants des classes populaires et d’une instruction secondaire et universitaire pour les classes sociales plus aisées constituent un mouvement de longue haleine qui couvre plus d’un siècle. C’est un mouvement lent qui modifie structurellement la société russe. Dès le début des années 1860, les réformes provoquent des réactions plus ou moins violentes. Les oppositions politiques contestent ou demandent un accompagnement des réformes, une lutte à mort est engagée contre l’autocratie, les différentes tendances s’opposent sur les moyens à adopter. L’Empereur, dès le début des années 1860, renforce les composantes policière et bureaucratique de l’État impérial. Dans les années 1860, se développe un état 7 d’esprit que le romancier Ivan Tourgueniev est le premier à qualifier denihilisteen 1862 . Si dans un premier temps, le nihilisme est considéré comme peu dangereux, il débouche rapidement sur le terrorisme et les tentatives d’assassinat d’Alexandre II et des principaux hauts fonctionnaires. La réaction impériale est radicale. En 1866, a lieu le premier attentat contre Alexandre II. En 1869, les manifestations estudiantines sont nombreuses et sont largement réprimées. Un groupe à visée révolutionnaire animé par Sergueï Netchaïev s’oriente 8 vers des actions plus directes . La répression tsariste est immédiate et dissout ce groupe. Nikolaï Tchernychevski publie en 1863 son ouvrage,Que Faire ?,comme pré- considéré 9 marxiste . Dans les années 1870, la jeunesse estudiantine renonce au nihilisme et se tourne vers le peuple dans l’espoir révolutionnaire de nouer un lien avec lui. De 1873 à 1874, « la marche vers le peuple »,Khozhdenie v Narod, conduit quelques 2 000 à 3 000 personnes vers les villages. Ce mouvement est un échec car les paysans n’y adhèrent que très peu. À partir de 1874, le pouvoir réagit par des arrestations de masse et le renforcement de la censure. La répression impériale s’intensifie contre le populisme et la violence de la réaction provoque une organisation systématique du terrorisme. Plusieurs hauts fonctionnaires sont exécutés et Alexandre II échappe à un série d’attentats (1879-1880) avant de succomber à un dernier, fatal, (1881) au moment où il allait faire adopter un ukaze portant sur l’assemblée consultative des zemstvos. L’année 1861 est celle de la publication et de la mise en œuvre du Statut des paysans libérés du servage et de la réforme de l’État impérial afférente (1861-1875). Il importe donc de s’interroger dans une première partie sur le processus qui a conduit à l’émancipation. La seconde partie est consacrée à la réforme de l’État impérial. Elle expose le travail conduit par les médiateurs de paix,sorte d’administrateurs attachés à la résolution des conflits suscités par l’abolition du servage – dont Anatole Kulomzin et Léon Tolstoï – pour mettre en œuvre concrètement les dispositions relatives à l’émancipation ainsi que les obstacles sur lesquels ils ont buté. Elle montre également qu’à l’émancipation des serfs est associée une réforme de
l’État de grande envergure qui fait de l’État impérial autocrate unÉtat moderne. L’émergence du citoyen, puisque la tutelle seigneuriale qui absorbait la personnalité civile du serf est levée, est un des éléments centraux. Le serf émancipé acquiert les droits civils et personnels. Outre l’élection dans les instances du Mir, l’introduction du vote censitaire au niveau local ouvre la possibilité de choisir de nouveaux représentants dans les instances duvolost, canton, dans les zemstvos,assemblées des collectivités territoriales et dans lesdoumas, conseils des villes. La réorganisation de l’État central est consacrée par la séparation de l’action administrative et du domaine de la loi. La mise en place de l’organisation territoriale de l’État est assurée par la reconnaissance duMir, comme étant la plus petite entité de l’État. En outre, certains ministères sont dotés de nouvelles fonctions propres à assurer le capitalisme industriel. Mais cette réforme de l’État où la refondation de la justice est au centre, achoppe sur les possibilités d’expression politique d’une entité en formation, le peuple. L’assassinat, le 13 mars 1881, d’Alexandre II dans un attentat perpétré par Nikolaï Ryssakov et Ignati Grinevitski, membres de l’organisation, volonté du peuple,Narodnaïa Volia,clôt les réformes. Ce livre s’appuie sur les écrits des médiateurs de paix,mirovoï posrednik, Anatole Kulomzin (1838-1923) et Léon Tolstoï (1828-1910), car leurs témoignages sont particulièrement précieux. En effet, ils constituent des regards particuliers à la croisée de plusieurs chemins, celui de la noblesse libérale qui s’investit dans l’émancipation, celui de la politique impériale qui déploie la réforme, et celui de l’administration impériale car les médiateurs de paix occupent des postes nouvellement créés. Ils sont mis en place conformément au Manifeste de sa Majesté l’empereur Alexandre II du 19 février 1861. Ils ont pour mission de favoriser la création des nouvelles institutions prévues par la réforme de l’État, afférente à l’émancipation. Pendant la phase transitoire de deux ans, ils sont chargés de la mise en place des chartes réglementaires fixant les conditions de l’émancipation et les modalités de rachat des terres par les serfs émancipés. Comme ils doivent favoriser la compréhension de la réforme par les deux parties en présence, les seigneurs et les paysans, leur rôle s’en trouve transformé. De récents travaux portent sur les médiateurs de paix et mettent en évidence leur contribution dans le 10 développement de la société civile . Par la suite, l’un, Anatole Kulomzin, devient un homme d’État dont « le solide bon sens » et « la sureté de jugement », comme le soulignent les détracteurs de l’autocratie, ont été reconnus par tous. Il décède, en exil, à Marseille. L’autre, Léon Tolstoï, est un écrivain majeur et un des penseurs de la non-violence.
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