L homme à l envers
418 pages
Français

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L'homme à l'envers , livre ebook

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Description

Nous existons extérieurement à nous-mêmes ! Voilà le constat inouï que montre la clinique de notre rapport à l'espace, comme aussi bien l'art avec la peinture, et ce dont nous parlent certaines conceptions philosophiques. Dès lors où se situe la pensée, et où se situe le sujet lui-même ? Certaines manifestations extraordinaires de la psychose, par exemple, nous dévoilent que la participation du sujet à l'espace relève d'un arrangement subverti des principes de limite et de continuité. Le dépassement de la rupture moïque entre le dedans et le dehors, qui s'y fait jour, est le fait d'une ubiquité subjective essentielle. C'est cette extimité foncière qu'articule la psychanalyse avec le modèle structural du cross-cap. La présente étude en parcourt le procès, accompagné de la monographie d'un cas remarquable de transitivisme, où s'impose l'idée que notre être-au-monde nous ouvre, en tant que sujet, à un espace proprement topologique.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2016
Nombre de lectures 42
EAN13 9782140024290
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

nécessairement hors de nous-mêmes, ce que signiIe précisément le verbe exister.
extimité
longue pratique dans le champ psychiatrique, a consacré une grande part de ses réLexions à la
Jacques Lis
L’HOMME À L’ENVERS
Le rapport du sujet à l’espaceet la question du dedansdehors
Études psychanalytiques
LHOMME À LENVERS
Études Psychanalytiques Collection dirigée par Alain Brun et Joël Bernat La collectionEtudes Psychanalytiquesveut proposer un pas de côté et non de plus, en invitant tous ceux que la praxis (théorie et pratique) pousse à écrire, ce, « hors chapelle », « hors école », dans la psychanalyse. Dernières parutions Christophe SOLIOZ,Paul Parin,Voyage au bout de l’utopie, 2016. Celso GUTFREIND, Narrer, être mère, être père et autres essais sur la parentalité, 2016. Alessandra GALLI,Comment sortir d’une psychose et terminer sa psychanalyse, 2016.Stoïan STOÏANOFF-NENOFF,Quatuor d’hommes de désir. Ludwig Wittgenstein, Sigmund Freud, Alain Badiou et Alain de Libéra,2016. Raymond ARON,Traces du désir, Proximité de l’abîme, 2016. Elisabeth LECLERC-RAZAVET,L’inconscient sort de la bouche des enfants, 2016. Jean-Marie BOYER,Psychanalyse et architecture. Un regard insolite sur Louis Kahn et Le Corbusier, 2016. Claude BRUERE-DAWSON et Marie-Laure ROMAN,Le psychodrame psychanalytique. Une méthode et une praxis aux confins de l’acte analytique, 2016 Philippe COLLINET,Je est un autre, 2016. Joseph ROUZEL (dir.),Psychanalyse et écriture, Rencontre avec Pascal Quignard, 2015. Élisabeth LECLERC-RAZAVET, Georges HABERBERG, Dominique WINTREBERT,L’enfant et la féminité de sa mère, 2015. Laurent SOULAYROL,LesMémoires d’une aliénéed’Hersilie Rouy. Vers de nouvelles perspectives, 2015. Peggy DAVAIN-BERGEOT,La question de Dieu en psychanalyse. Naissance et mort de Dieu, 2015. Claude-Raphaël SAMAMA,Le Spirituel et la psychanalyse, 2015.
Jacques Lis L’homme à l’envers Le rapport du sujet à l’espace et la question du dedans-dehors L’HARMATTAN
© L’HARMATTAN, 2016 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr/ ISBN : 978-2-343-10575-8 EAN : 9782343105758
À Jesùs Raphaël SOTO
Un sujet dans l’espace
LIMINAIRE « Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma propre pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bon sur la scène. Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes… » 1 Arthur Rimbaud,La lettre du voyant .« L’immensité est en nous. Elle est attachée à une sorte d’expansion d’être que la vie refrène, que la prudence arrête, mais qui reprend dans la solitude. Dès que nous sommes immobiles, nous sommes ailleurs ; nous rêvons dans un monde immense » 2 Gaston Bachelard,La poésie de l’espace .« Il se peut que la spatialité soit la projection de l’extension de l’appareil psychique. Vraisemblablement aucune autre dérivation. Au lieu des conditionsa prioride l’appareil psychique selon Kant. La psyché est étendue, n’en sait rien. » 3 Sigmund Freud, note de1938 . « Le névrosé, comme le pervers, comme le psychotique lui-même, ne sont que des faces 4 de la structure normale… ». « L’être de l’homme non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait 5 pas l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme limite de sa liberté ». Jacques Lacan. La présente étude résulte de la rencontre de deux préoccupations conver-gentes qui se trouvèrent liées de façon organique. D’une part, l’exégèse d’un cas psychopathologique remarquable éminemment concerné par une probléma-tique de l’espace, celle des limites (dedans-dehors), et de la place du sujet, et d’autre part, la question paradigmatique du rapport du sujet à l’espace qui ap-partenait à nos réflexions depuis longtemps. Nous voulons tenter d’en dire quelques raisons. Il nous est devenu évident, après de nombreuses années de pratique analy-tique dans le champ psychiatrique, et de confrontations singulières avec la psy-chose, que l’écoute des témoignages qui nous furent donnés devait à chaque
1 Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871, Editions Messein, Paris, 1954. 2 Gaston Bachelard,La poésie de l’espace, Éditions des PUF, 1957, 2010, p. 169. 3 Sigmund Freud,Résultats, idées, problèmesParis, 1985, p. 288., Presses Universitaires de France, 4 Le séminaire, livre IX, L’identification, inédit, séances des 13 et 20 juin 1962. 5 D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose, inÉcrits, Éditions du Seuil, Paris, 1966, P. 575.
fois induire quelque chose d’une mise en travail, non seulement des manifesta-tions particulières d’un sujet face à son histoire, mais également du réel en jeu, structural, déjà-là. À telle enseigne qu’il pût se confirmer que si la vie d’un sujet 1 prend forme pour nous, c’est avec les articulations qu’y décline la structure. La psychanalyse est fondamentalement unescience du particulier,bien qu’on l’y cantonnât trop souvent, de manière triviale : car, elle courrait le risque de n’être qu’une fable si elle ne s’autorisait que de cela. La psychanalyse trouve son sens en effet, tout autant et nécessairement, de son accord avec la structure, et donc de la place du réel dans la clinique. Ce que les élaborations de Freud démontrè-rent dès l’origine, et que les avancées théoriques qui suivirent ne firent que con-firmer, jusqu’aux formalisations les plus aiguës des propositions de Jacques 2 Lacan . Car, il y a une inhérence du noème et de la noèse, et la psychanalyse se distingua, de tous temps, d’y porter son attention. N’en déplaise aux tenants romantiques d’une pratique de l’imaginaire. Concernant notre travail d’écoute, ces considérations nous semblent propres à réduire ce qui nous apparaît de l’étrangeté de l’autre, dont la psychose nous donne parfois des figures saisissantes, mais elles doivent encore nous fournir la carte des fonds où notre boussole pourrait quelquefois s’affoler. Il est clair pour nous que nous ne parviendrions pas à entendre l’autre sans cette participation constante de la clinique à la structure. Nous y voyons la condition que l’autre nous devienne beaucoup moins fou qu’il n’y paraîtrait, et, par conséquent, la chance espérons-nous de pouvoir l’aider à moins souffrir. Nous avons donc pour ambition de chercher à comprendre bien sûr l’articulation psychopathologique du cas, mais également de saisir lesubstratumqu’elle dévoile. Et ce que nous découvrons, fût-ce dans ses écarts mêmes, c’est la participation àune structure commune. Et nous savons qu’un tel mouvement fut du reste une pratique constante de la psychanalyse depuis ses premières élabo-rations conceptuelles d’aborder la « structure normale »avecpsychopatholo- la gie, dont elle ne cessa de tirer enseignement. Et cela, jusque dans ses manifesta-tions les plus folles de la psychose, qui, comme le montra de façon puissante 1  Nous définissons la structure ici, dans le sens où l’entendait J. Lacan, comme un ensemble covariant d’unités représentant un agencement formel, mais non pas comme une « bonne forme ». Ainsi pensait-il que les apports de la linguistique, définissant la structure par l’articulation signifiante, nécessiteraient que l’on repensât l’esthétique transcendantale. Il autorisait son emploi du terme de structure de celui de Claude Lévi-Strauss, ainsi que de la rigueur qu’il a dans la théo-rie mathématique. Dans le champ psychanalytique, la notion peut s’appliquer aux conditions préalables des événements mentaux, comme caractériser les données métapsychologiques, ainsi que les différents modèles d’organisation psychiques décrits par la clinique. Lacan y voyait ce qui ordonne, avant toute expérience, le registre de l’inconscient dans certains rapports déjà détermi-nés, dès avant que des relations s’établissent qui soient proprement humaines. Il saisissait ainsi dans la structure « le réel qui se fait jour dans le langage » ; aussi, disait-il, « la structure c’est le réel même ». (Voir :Remarques sur le rapport de Daniel Lagache : "Psychanalyse et structure de la personnalité", inÉcrits, Edit. du Seuil, Paris, 1966. Également,L’étourdit, inScilicet, n°4, Edit. du Seuil, 1973.). 2 « …en psychanalyse, quand il s’agit de sujet, il est toujours essentiel de reprendre la question de la structure. C’est cette reprise qui constitue le véritable progrès, c’est elle seule qui peut faire progresser ce que l’on appelle improprement la clinique » (J. Lacan,Le séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, Éditions du Seuil, 2006, p. 310).
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l’approche lacanienne, loin de décrire le chaos qu’on pourrait y voir, nous ex-pose les lignes de force de la structure, ordinairement élidées sous le voile phé-noménal. Ainsi l’autre, l’étranger, le fou, celui qu’a priori, nous ne comprenons pas, nous aide-t-il à nous comprendre nous-mêmes, ou plutôt quelque chose de notre être-au-monde. L’ « être de l’homme », disait Lacan, « ne peut pas être compris sans la folie ». Si la question de l’espace nous paraît importante c’est parce que la spatialité appartient à ces « données immédiates » qui participent intrinsèquement de notre être-au-monde, tandis qu’elle nous était posée de façon insistante par la rencontre avec une clinique psychopathologique éminemment concernée par le rapport du sujet à l’espace dont elle semblât nous offrir le dévoilement. L’espace est naturellement apparu dès longtemps comme un principe d’existence des étants. Puisque, comme l’énonçait Zénon, « tout étant a une 1 grandeur » et « tout étant est dans un lieu » . Ainsi sommes-nous faits de cet espace que nous habitons, à la mesure de ce qu’il en serait d’une spatialité du Dasein. Et il est clair que nous ne saurions envisager ce que serait la vie sans cette participation constante de l’espace à tous les domaines de nos représenta-tions. Qu’il s’agisse de la vie la plus banale ou des formes élevées de l’art, jusqu’aux manifestations de la clinique. Sans doute est-ce la raison de la multi-tude de références à l’espace dans la langue, dans ses mots comme dans ses tournures. En témoigne leur nombre considérable collecté dans les grands dic-tionnaires : celui d’Oxford n’en compterait pas moins de cinq milles. Cette donnée chiffrée atteste de notre préoccupation de l’espace bien sûr, mais, pour en saisir le théâtre intime, nous n’avons qu’à observer l’homme qui réfléchit, qui cherche ses arguments, ou qui fouille sa mémoire, pour le voir instinctivement scruter l’espace qui l’entoure, et son regard s’y déplacer comme s’il pouvait y trouver effectivement les réponses à sa quête. Mieux encore, y saisir quelque chose de lui-même. Nous pensons à l’exemple de cette analysante qui se plai-gnait que ses associations fussent arrêtées par le rampant du toit qui faisait face au divan, parce qu’elle avait besoin de laisser son regard vagabonder dans l’espacepour se retrouver elle. N’attendait-elle pas dès lors, légitimement, d’être spectatrice de ses propres pensées en quelque sorteexternalisées? Si nous avons porté en exergue ce fameux extrait de laLettre du voyant, que Rimbaud proposait comme son projet poétique, c’est qu’elle nous est apparue depuis longtemps comme un modèle pour la « consigne » donnée au candidat à la psychanalyse. On y appréciera l’avènement de cette symphonie des profon-deurs au principe de l’éclosion d’une pensée comme de la division subjective qu’elle suppose ; mais encore, l’externalisation, et donc l’espace qu’elle im-2 plique . Il s’agit là d’un principe qui nous paraît universel. Or, ne saurions-nous 1 Annick Stevens,L’espace principe de l’être chez les Eléates, inSymbolique et dynamique de l’espace, textes réunis par J. Dokic, P. Drieux et R ; Lefèvre, Publication de l’Université de Rouen, p. 11. 2  Si pour Kant la pensée relevait intrinsèquement du sens interne, par opposition à l’espace qui relevait de l’extérieur, on sentira poindre ici la subversion initiée par la poésie comme par la psychanalyse…
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