L Individu, l Association et l État
115 pages
Français

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L'Individu, l'Association et l'État , livre ebook

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Description

Si Taine vivait encore, il ne pourrait plus regretter la disparition des grands corps qui étaient en même temps le cadre et le support des classes sociales, et par lesquels l’individu, jadis, se trouvait protégé à la fois contre la toute-puissance et l’indifférence de l’État, en même temps que fortifié dans son action et limité dans son pouvoir, enfermé dans son état ou sa profession. Aujourd’hui, en effet, l’association surgit dans tous les domaines de l’activité économique, intellectuelle, politique et morale, groupe des intérêts, propage des idées ou exprime des sentiments, et il n’est pas un seul de ces domaines où elle ne montre une tendance manifeste à se substituer rapidement aux initiatives individuelles.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346059638
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Eugène Fournière
L'Individu, l'Association et l'État
INTRODUCTION
A mesure que le socialisme se développe dans les États européens, il agit plus fortement sur leur politique intérieure, soit d’une manière indirecte et par sa seule présence, soit même par une croissante participation aux pouvoirs publics. Cette pression commence à gagner la politique extérieure, et on peut déjà y voir pour un avenir prochain un facteur décisif de paix internationale.
Et, en même temps, les partis par lesquels la force nouvelle se manifeste et s’exerce sont travaillés par un double mouvement qui détermine en eux des crises et des déchirements, que seuls des esprits peu avertis peuvent prendre pour des symptômes de décadence. Qu’ils regardent de plus près, ils y verront au contraire le résultat en même temps que le signe de l’avènement du socialisme à l’état de puissance sociale.
Il y a scission entre les éléments syndicaux et les éléments politiques de la classe ouvrière organisée, cela est incontestable. Il y a lutte dans le syndicalisme entre les anarchistes dits libertaires et les modérés dits réformistes. Parallèlement, l’absolutisme révolutionnaire et le relativisme réformiste se heurtent dans le parti socialiste de France, d’Allemagne, d’Italie, dans tous les partis socialistes de l’univers. Même, en France, l’unité formelle et précaire faite récemment a ses dissidents, et c’est par eux qu’en ce moment le socialisme est représenté au pouvoir.
Mais ce n’est pas là un symptôme de retour aux sectes particularistes qui n’avaient de commun qu’un rêve mystique de futur social et divergeaient d’autant plus quant aux moyens de le réaliser qu’elles en étaient davantage éloignées par les réalités actuelles. Qu’on observe de plus près cette scission organique et ces luttes intérieures, et l’on y verra la crise de croissance d’un corps vigoureux qui cherche à mieux s’adapter au terrain et à se créer les organes nécessaires des fonctions nouvelles qu’il doit remplir.
Ces conflits intérieurs attestent en effet une connaissance plus exacte du milieu sur lequel le socialisme veut agir pour atteindre son idéal. La complexité sociale est aperçue enfin par les socialistes les plus clairvoyants et sentie par les autres. Elle donne aux premiers le sentiment croissant de l’impossibilité d’une transformation totale et prompte par l’uniforme et trop simple procédé de socialisation de la propriété au moyen de l’État collectiviste ou communiste. Et, en même temps, elle contraint les autres d’être à leur insu les artisans d’une nécessaire division des tâches, et elle approprie leurs moyens d’action aux modes divers de l’organisation sociale actuelle. Mais ceux-ci, alors, ramènent le tout à la partie ; ils croient opérer sur la société tout entière, alors qu’ils n’en atteignent que partiellement la structure économique sur les points où ils sont en contact immédiat avec elle.
C’est là, pour le socialisme, le danger de cette crise de croissance. Si ses conflits intérieurs ne se résolvent pas par le triomphe du relativisme sur l’utopisme, s’il ne substitue pas la division du travail aux méthodes parallèles et opposées d’action uniforme, son rôle sera terminé avant d’avoir été joué. Et il n’interviendrait plus désormais dans la vie collective que comme un élément perturbateur, d’ailleurs nécessaire par ses incessants appels à la justice sociale, ou encore comme une des mille formes inévoluées du sentiment religieux.
Mais non : il est, je le crois fermement, l’instrument même de la justice dans les rapports humains, et spécialement les rapports de production et de distribution des richesses données par la nature et accrues par le travail. Aussi, cette crise dût-elle épuiser, disperser, décourager toutes les forces et toutes les intelligences qui se sont vouées à son avènement, le socialisme n’en retrouverait pas moins, plus tard et avec d’autres, sa voie, et n’en accomplirait pas moins son destin.
Car il ne peut être emprisonné dans un dogme, ni s’enchaîner à des formules. Il est né, en France et ailleurs, de la philosophie et de la révolution du XVIII e siècle, et son destin est le même que celui de la démocratie, dont cette ère a marqué le point de départ. La démocratie contient le socialisme, qui n’est pas au regard d’elle une catégorie distincte ou même opposée, comme l’ont affirmé à la légère certains raccommodeurs des thèses marxistes en France, mais un achèvement. La démocratie tend à réaliser le contrat politique, et le socialisme à réaliser le contrat économique. Quand la démocratie se sera achevée en socialisme, et il faut à cet achèvement de bien autres instruments que le simple instrument politique, le contrat social sera réalisé.
Devant, ainsi que la démocratie, son origine aux affirmations rationalistes du XVIII e siècle, le socialisme a été comme elle un produit de la raison pure interprétant les faits et tentant d’agir sur eux pour réaliser la perfection sociale. A ce point de départ de son histoire, il est cependant assez fortement imprégné de réalisme social pour substituer avec Saint-Simon l’ordre industriel et sa hiérarchie du mérité à l’ordre féodal et à sa hiérarchie héréditaire, et pour chercher avec Fourier à mettre en valeur toutes les facultés de l’individu par l’association. Mais, avec ces novateurs et leurs disciples, le socialisme s’affirme en divergence des principes mêmes qui l’ont fait surgir. Le régime industriel d’autorité et de hiérarchie des saint-simoniens se couronne d’un système religieux et théocratique, et l’association qui groupe dans le phalanstère fouriériste les séries dans lesquelles se partagent spontanément les individus selon leurs affinités et leurs vocations multiples exclut l’égalité comme incompatible avec la liberté qui doit régner dans la future Thélème.
Ces divergences, cependant, ne sont qu’apparentes, et tiennent à la part de réalisme social qui se mêlait à l’utopisme des novateurs. Pour Fourier, le premier des droits de l’homme est le droit au minimum de subsistance, et il nie la souveraineté dérisoire d’un peuple qui meurt de faim. Pour Saint-Simon, l’organisation de la société ne doit pas être abandonnée à l’arbitraire ignorant des masses, mais confiée aux savants et aux industriels. Or, n’est-ce pas, en somme, sur ce double plan que la démocratie se manifeste à mesure qu’elle s’achève en réalité ? Le monde du travail salarié n’emploie-t-il pas la souveraineté politique que lui assure le nombre à limiter, réduire et finalement évincer la puissance arbitraire du capital ? N’est-ce pas à la science et aux progrès qu’elle a fait faire à l’industrie que la démocratie doit une connaissance plus exacte de son pouvoir en même temps que les moyens de l’accroître ?
Les constructions du socialisme primitif contenaient cependant une trop grande part d’arbitraire rationnel et logique pour qu’elles pussent s’édifier sur le terrain social. D’autant plus qu’elles n’étaient pas limitées à la catégorie économique, mais prétendaient constituer un ordre social complet et homogène, dans lequel étaient prévus et satisfaits tous les besoins et tous les sentiments des individus, non dans leur teneur exacte, mais selon le plan rationnel du constructeur social.
La seconde période du socialisme, en même temps qu’elle le rapprochait davantage de la démocratie théorique en mal d’enfantement pratique dans toute l’Europe occidentale, le spécialisa davantage, avec Louis Blanc, Cabet et Pecqueur, dans la tâche de transformation des rapports économiques. Dans la pensée de ces trois novateurs, également inspirés du contrat social, il fallait instituer une démocratie fondée sur la communauté des moyens de production, l’État étant considéré comme l’instrument de leur socialisation progressive. C’était, la méthode insurrectionnelle en moins, un développement du jacobinisme social de Babeuf et de Buonarrotti son disciple, éducateur et p

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