La présence
130 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Est-elle si compliquée à installer cette humanité à laquelle nous aspirons tous ? C'est en côtoyant les malades, leurs proches, les soignants que Jean-Louis Terrangle et son équipe sont allés à la rencontre de la profondeur de l'être. La belle humanité de l'auteur lui a donné les mots justes pour nous proposer d'aller à la rencontre de soi, des autres, de la vie…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 49
EAN13 9782296467941
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA PRÉSENCE
Construire un avenir plus humain
Jean-Louis Terrangle


LA PRÉSENCE
Construire un avenir plus humain
Graphisme : Raphaëlle HAWKINS toramaga@free.fr


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56134-2
EAN : 9782296561342

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
A Michèle, Roxane, Livia et Garance,
À celles qui donnent du sens à ma vie.
Vivre, c’est utiliser la moindre brise pour en faire de la sève. Or, cela demande d’être là, présent au monde qui nous entoure, visible ou invisible. C’est dans cette présence de soi à soi que nous pouvons observer le moindre souffle de vie, s’en inspirer et s’en nourrir.
Invitation à
La Présence dont je vais vous parler prend un P majuscule pour désigner un état : l’état de présence. Au même titre qu’il y a un état de prière ou de méditation, il y a une Présence, intrinsèque à tous les êtres humains. Je dirais que cela est une Présence laïque, universelle qui peut transcender l’être. Cela n’exclut en rien la Présence divine. L’une et l’autre se rejoignant dans une alchimie dont seuls les êtres humains ont le secret.
Combien j’ai souffert pendant mon enfance de l’absence de mes parents. Mon père avait un alibi. Il était ailleurs, au travail. Ma mère était quelqu’un d’autre. Alias la pin-up, alias l’adolescente. Chacun, à sa façon, était absent. Depuis, je passe ma vie à m’incarner à travers une présence aux autres.
L’absence est-elle une protection pour ne pas être entamée par un monde en mouvement ? L’absence est-elle une arme pour déstabiliser l’adversaire ? Dans le remarquable reportage de Bernard Martino, Le bébé est une personne , nous voyons une mère se positionner face à son enfant sans réagir. La consigne était pour elle de rester sans affect, muette, froide, absente, d’être juste une image face à son enfant. Celui-ci la reconnaît, cherche à communiquer avec sa mère, l’appelle par des cris, des mouvements de bras tendus vers elle. L’enfant s’énerve, crie plus fort, ses gestes partent dans tous les sens. Très vite la scène devient insupportable. L’enfant devient fou.
Combien de fois sommes-nous présents aux autres ?
Pouvons-nous être présents aux autres si nous ne sommes pas capables d’être présents à nous-mêmes ?
Nous sommes tous marqués par l’ambiance de notre enfance. Que faisons-nous de nos bleus à l’âme ? Qu’en faisons-nous en tant qu’adultes ?
Nous sommes vivants.
Que faisons-nous de ce vivant ?
Que pouvons-nous offrir à l’autre, vulnérable, malade ou en fin de vie ?
Sommes-nous capables de supporter l’insupportable ?
Se poser, être au plus clair avec soi, accueillir le cri strident, la plainte qui nous donne envie de fuir, la lamentation sans fin. Supporter ce hurlement qui sort des tripes, de l’âme. Que reste-t-il quand les mots ne suffisent plus pour exprimer la souffrance et le désespoir ?
Pouvons-nous nous accrocher au regard de la personne désespérée et récolter ce« vivant jusqu’au bout » ? Pouvons-nous le faire sans être complètement, littéralement envahis, bouleversés, anéantis ?
Accueillir l’odeur, celle du pourrissement du corps, celle des selles de sang noir, le méléna, ces aliments non digérés, pâteux et nauséabonds. Dépasser ce haut-le-cœur, cette tentation d’ouvrir la fenêtre en grand.
Aller au-delà de l’apparence physique, de ce corps tordu, desséché, images de la Shoa, pour rester fidèles à l’amour que nous avons pour cette personne qui ne ressemble plus au souvenir que nous avons d’elle. Sommes-nous capables de ressentir nos limites, nos peurs comme des signes bienveillants sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour être au plus clair avec nous-mêmes et avancer encore et encore sur notre chemin de vie ?
Plus d’ouverture et plus de tolérance.
Cette notion de Présence, j’ai eu l’occasion de la ressentir plusieurs fois dans ma vie. D’abord, quand Serge, mon ami, a eu le sida. A partir de l’annonce de sa séropositivité, je pris conscience combien chaque instant partagé avec lui devenait précieux. Soudain, la fragilité de sa vie me rendait attentif au moindre souffle qui l’animait. Je savais que cela n’allait pas durer même si, au plus profond de mon âme, j’espérais qu’il puisse s’en sortir. J’avais accompagné trop de jeunes dans cette maladie, j’en connaissais les signes, les étapes. Le matin j’allais le réveiller et le préparer à recevoir ses soins avec un pincement au cœur au moment de poser une main sur son épaule. Et le soir je le quittais comme si c’était le dernier. J’avais beau essayer de me corriger de cette peur pour ne pas la lui faire peser, j’appréhendais chaque séparation et chacune de nos retrouvailles. Je l’observais pour m’imprégner de ses pensées, de ses paroles, de ses gestes. Son corps devenait diaphane et pouvait disparaître à tout instant. Chacun de ses actes du quotidien devenait magique. Malgré la souffrance, la déchéance physique, malgré l’épuisement, il était encore là, présent au monde qu’il continuait à observer, lui aussi, de ses grands yeux d’enfant perdu.
J’ai découvert cette présence vive grâce aux jeunes que j’ai pu modestement accompagner dans cette traversée du désert de la séropositivité. De quoi avaient-ils besoin ? D’une main accueillante, d’un regard attentif, d’une parole, d’un contact avec un être humain disponible, ouvert et qui ne demande rien en échange. Un acte gratuit et sincère.
L’autre nuit, je regardais ma plus jeune fille dormir. Elle était venue se réfugier dans notre lit entre sa mère et moi. La peur sans doute de cet orage qui se déchaînait au-dessus de notre maison. En sécurité entre nos deux corps, elle s’était endormie, rassérénée. Je regardais son corps délicat, ses petites mains si douces. Je m’imprégnais de cet abandon, de cette confiance ! J’observe encore mes filles, parfois, avec ce même regard que je portais sur Serge. Instant précieux, instant magique où la vie prend tout son sens. Je suis sans cesse fasciné par ce mélange de vulnérabilité et de force vive chez l’enfant. Leur présence coule de source, s’impose. Je suis troublé par cette imperceptible évolution du corps. Changement que l’on ne peut saisir par une photographie, par un croquis, un trait sur un mur pour mesurer la hauteur et comparer triomphalement avec le trait au-dessous.
Le lien si étroit que je mets aujourd’hui entre la vie et la mort, donne à chaque instant une profondeur au regard que je pose sur les choses et les êtres tout autour de moi. En revanche et il faut que je me corrige, j’ai encore du mal à accepter les êtres figés dans leur vie ou qui font le mort en étant en permanence ailleurs. Je me sens en décalage avec ces êtres qui remplissent leur quotidien de choses et d’autres, de beaucoup de bruits, de beaucoup de gestes inutiles pour remplir un vide, un silence. Je suis épuisé par certains de mes proches qui ne disent rien, qui restent sur un ton badin ou aimable. Non pas que ce qu’ils disent ne soit pas intéressant, drôle ou intelligent mais leurs expressions ne sont que le reflet de leur absence. Ils ne sont pas là. Ils sont ailleurs. Ne pouvant décrire cet état d’absence et interpellé par celui-ci, je me suis attaché à comprendre le processus de la Présence. Je ne les juge pas, au contraire, je les observe pour mieux apprendre d’eux. Ils me montrent ce que j’ai été trop longtemps et mettent en valeur mes limites d’aujourd’hui. Face à la violence des événements, pendant mon enfance, j’ai appris à me protéger en me réfugiant dans l’imaginaire.
Même si parfois certains font naître en moi de grands désespoirs et d’immenses colères, j’ai foi en l’être humain. J’aime le suivre dans ses efforts pour se prouver qu’il est vivant, pour s’accrocher à l’existence comme à une bouée au milieu d’un océan. J’aime l’être humain pour ses miracles, pour son cheminement qui le fait avancer sans cesse.
Ce sont les professionnels de la santé et du social qui nous montrent le chemin. Mais pas seulement, il y a ces bénévoles, ces anonymes qui prennent en charge un proche, malade, handicapé ou en f

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