La prise de risque routier au Cameroun
162 pages
Français
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Description

Ce livre situe la complexité de la prise de risque routier, qui est la principale cause des accidents de la route. L'argumentation suscite une réflexion chez les concepteurs des stratégies de sensibilisation à la sécurité routière, qui ne doivent plus considérer le preneur de risque comme un individu incivique, qu'il faut traquer par des mesures répressives, mais plutôt comme une personne dont la conduite est influencée par des facteurs psychosociaux. Cet ouvrage met en évidence la place que les croyances et la culture occupent dans la prise de risque routier, et, partant, de l'accidentologie.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2017
Nombre de lectures 15
EAN13 9782140050114
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Adrien Édouard M, Hélène Chantal N E et Pulchérie Chantal V
LA PRISE DE RISQUE ROUTIER AU CAMEROUN
La prise de risque routier
au Cameroun
Adrien Édouard MVESSOMBAHélène ChantalNGAHESSOMBAet Pulchérie Chantal VIGTO
La prise de risque routier au Cameroun
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-13303-4 EAN : 9782343133034
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Dans la même logique que les maladies telles le paludisme et le VIH/Sida, les accidents de circulation apparaissent comme un problème préoccupant de santé publique dont les conséquences sont perceptibles aux niveaux humain, infrastructurel et environnemental. Parmi les voies de transports qui permettent la mobilité des personnes pour diverses raisons (travail, tourisme, affaires), la route est non seulement la voie la plus utilisée, mais aussi celle qui enregistre le plus grand nombre d’accidents, de blessés et de tués. La route mobilise à elle toute seule 85% du réseau national camerounais et a enregistré en 2013 : 1243 accidents corporels, 4335 blessés ; 841 accidents mortels, 1099 tués et 736 accidents mortels pour un total de 2820 accidents (SED, 2013).
Pour combattre l’insécurité routière, l’État camerounais a pris un certain nombre de dispositions réglementaires (texte instituant et réglementant la visite technique et le pesage routier, réformes du fonctionnement des auto-écoles, réorganisation de l’examen du permis de conduire, création du Comité National de Sécurité Routière). Des actions préventives sont aussi régulièrement menées à travers quatre principales formes : prévention par la formation, prévention par l’aménagement des infrastructures routières, prévention par l’éducation et la sensibilisation et prévention par la répression (Ngoumbé, 2011). Face à ces efforts, on se serait attendu à voir le taux des accidents de la route baisser. Mais, c’est le contraire qu’on observe. Par exemple, pour ce qui est des accidents corporels, on a enregistré 923 accidents en 2011, 1171 en 2012 et 1243 en 2013. Ce qui laisse transparaître une
augmentation sensible. C’est aussi le cas pour le nombre total d’accidents qui est passé de 2638 en 2011 à 2728 en 2012 et à 2820 en 2013 (Annuaire statistique du Cameroun, 2013 ; SED, 2013). D’où la question de savoir ce qui justifie l’échec de ces mesures réglementaires et actions préventives. Quelles sont les causes de l’inefficacité des efforts effectués par les différentes structures qui luttent contre l’insécurité routière ? Pourquoi le taux des accidents de circulation continue-t-il d’augmenter ?
Diverses causes des accidents de circulation ont été répertoriées dans le monde en général, et au Cameroun en particulier. Ces causes sont souvent regroupées en quatre principales catégories (causes environnementales, matérielles, infrastructurelles et humaines). Les causes humaines (75% environ) ont été identifiées comme étant les plus importantes (ONISR, 2008). Les plus récurrentes sont : la consommation d’alcool au volant et des substances psychoactives, l’excès de vitesse, les dépassements irréguliers ou hasardeux, le refus d’attacher la ceinture de sécurité, etc. C’est autour de ces causes que portent les actions préventives, surtout celles relatives à la répression. À partir de 2012, le ministère des Transports du Cameroun a pris des dispositions pour le durcissement des contrôles routiers par les forces de l’ordre. Cette décision a été motivée par le fait que les usagers de la route, responsables des accidents sont considérés comme des individus inciviques, des délinquants ou encore des criminels de la route, qu’il faut traquer à tout prix.
Nous nous proposons d’analyser la situation des accidents routiers de manière différente de la position qui précède en nous inscrivant dans le cadre d’une approche psychosociale. La psychologie sociale est d’avis que le facteur humain est la principale cause des accidents de la route, mais prend du recul par rapport à la conception
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qu’on a communément de l’usager de la route, qui doit-être différencié d’une machine, mais considéré comme un individu actif qui a sa propre idée sur les accidents routiers. Les notions de perception, d’évaluation, de prise de risque, de diagnostic, de prévention sont au centre de l’analyse que la psychologie sociale fait des accidents de la circulation.
L’usager de la route a sa manière propre de traiter l’information relative à la survenue des accidents routiers. Ce traitement est fondé sur une logique spécifique et diffère de celui effectué par l’expert. L’usager de la route ne se limite pas à l’information empiriquement repérable pour expliquer les causes des accidents. Il mobilise un ensemble de dimensions psychologiques, cognitives, sociales et culturelles de telle sorte que l’accident est perçu de manière subjective, sociale ou culturelle. La psychologie sociale parle de l'explication naïve de l’accident (Kouabenan, 1998). Dans ce type d’explication, l’usager de la route fait des attributions défensives des causes de l’accident. Il s’agit en fait des attributions externes qui l’amènent à ne pas voir sa responsabilité dans la survenue de l’accident : c’est autrui qui est un conducteur irresponsable ou moins compétent qui en est responsable ou encore d’autres facteurs externes à lui (environnemental, infrastructurel, mécanique, etc.).
Dans le cadre de ce travail, nous envisageons expliquer le taux important des accidents de la route par la prise de risque, un concept qui a donné naissance à tout un champ de recherche en psychologie : la psychologie sociale du risque. Ce champ touche à de multiples domaines de prise de risque (environnement, alimentation, travail, circulation, etc.). Notre réflexion s’articule autour de trois principaux chapitres.
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Le chapitre premier est consacré à une présentation des principaux éléments qui constituent la base de notre réflexion : le constat (empirique et théorique) ; les causes (environnementales, matérielles, infrastructurelles et humaines), les conséquences (liées à l’environnement physique et à l’environnement humain) des accidents routiers ; les mesures prises (réglementaires et prévention) et leurs incidences, ainsi que l’approche psychosociale des accidents routiers.
Le chapitre deuxième présente les principaux travaux recensés sur notre thématique. Ces travaux sont organisés en deux temps. Dans un premier temps sont présentés des travaux sur le risque : approches du risque (étymologique, biologique, contextuelle, socioculturelle et psychologique) ; modèles du risque (paradigmes de l’utilité espérée, psychométrique et cognitif) ; risque et notions voisines (risque et danger, risque et sécurité et risque et fiabilité) ; définition et manifestations de la prise de risque routier. Le deuxième temps est consacré aux travaux sur quelques principaux déterminants psychosociologiques de la prise de risque routier.
Le chapitre troisième est consacré au référentiel théorique analytique de la prise de risque routier. Il est constitué de quatre principaux modèles théoriques : la théorie de la décision (fondateurs et évolution, application à l’adoption des comportements sécuritaires sur la route) ; les théories de l’action raisonnée et du comportement planifié (dimensions : attitudes, normes subjectives, intention et contrôle comportemental perçu , application à l’adoption des mesures préventives sur la route) ; le Health beliefs model (définition, dimensions : vulnérabilité perçue , gravité perçue, bénéfices perçus et coûts perçus et application à l’adoption des conduites sécuritaires) et la théorie de la motivation à la protection (définition et application).
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CHAPITRE PREMIER : LES ACCIDENTS DE CIRCULATION, UNE THÉMATIQUE PRÉOCCUPANTE POUR LA PSYCHOLOGIE SOCIALE DU RISQUE
Les accidents routiers sont de plus en plus au centre des préoccupations des États, des organismes internationaux, non gouvernementaux et toutes les autres structures intervenant dans ce domaine. L'intérêt pour cette thématique se justifie par un constat empirique préoccupant qui fait des accidents routiers une cause de blessures, de traumatismes, de décès, de dégâts matériels, infrastructurels, environnementaux, etc. Des chercheurs ont essayé de donner une explication à ce phénomène, parmi lesquels les psychologues sociaux occupent une place de choix.
La plupart des recherches de psychologie sociale ne s'éloignent pas de la vision des autres spécialistes en sciences sociales qui présentent le facteur humain comme étant la principale cause des accidents routiers. L'implication de ce facteur humain dans les accidents routiers transparaît d'un thème essentiel de la psychologie qui est la prise de risque. Plusieurs facteurs de prise de risque ont été répertoriés par la psychologie sociale dont les plus importants sont l'alcool au volant, l'excès de vitesse, les dépassements irréguliers, les croyances, etc.
L'objectif de ce chapitre premier est de présenter les principaux éléments qui constituent la base de cette réflexion. Il s'agit concrètement du constat (empirique et théorique) qui sous-tend le caractère préoccupant des
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