La radicalisation

Julien Maucade

Description

Le processus conduisant à la radicalisation dans son aboutissement extrême est un passage à l'acte terroriste. En quoi l'avènement de la radicalisation avec ce qui s'ensuit, c'est-à-dire le passage à l'acte terroriste, peut-il représenter un signe d'un malaise grandissant des sociétés post-modernes ? Nous sommes en droit de nous interroger sur ce qui justifie ce mode de "surgissement" de la religion dans la vie quotidienne et son ampleur. Il s'agit d'aller au plus profond du questionnement sur le rapport du fanatisme et du terrorisme avec la religion et le caractère éminemment spirituel du tout religieux. La spécificité religieuse caractérise aujourd'hui le phénomène, en particulier l'islam, et oriente l'observation vers un approfondissement des connaissances des dogmes de la troisième religion monothéiste.

Sujets

• Religion
• Islam
• Psychologie
• Psychanalyse
• Psychiatrie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 13 décembre 2018
• Nombre de lectures: 3
• EAN13: 9782140107795
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

du sujet radicalisé. Aussi inconcevable que cela puisse paraître, les ïgures parentales surgissent au centre de la structure de l’extrémisme. En particulier, l’imago paternelle transpose la radicalisation au fanatisme révélant ainsi l’aspiration au spiritualisme, voire une identiïcation à une existence par l’esprit du divin. Les études sociologiques et anthropologiques de Durkheim, Mauss et Lévi-Strauss permettent un éclairage sur l’aspiration au spiritualisme et au divin dans un monde dominé par les progrès technologiques et des sciences. La vision d’une anémie du monde inscrit l’individu fanatique dans une passion de salvation de ce même monde. La réhabilitation de l’imago paternelle s’édiïe par la destruction de la modernité et dans une régression à un temps d’avant la postmodernité. Le processus conduisant à la radicalisation dans son aboutissement extrême est un passage à l’acte terroriste. En quoi l’avènement de la radicalisation avec ce qui s’ensuit, c’est-à-dire le passage à l’acte terroriste, peut-il représenter un signe d’un malaise grandissant des sociétés post-modernes ? Nous sommes en droit de nous interroger sur ce qui justiïe ce mode de surgissement de la religion dans la vie quotidienne et son ampleur. Il s’agit d’aller au plus profond du questionnement sur le rapport du fanatisme et du terrorisme avec la religion et le caractère éminemment spirituel du tout religieux. La spéciïcité religieuse caractérise aujourd’hui le phénomène, en particulier l’islam, et oriente l’observation vers un approfondissement des connaissances des dogmes de la troisième religion monothéiste.

Julien Maucade

LA RADICALISATION ou

La résurrection du père par le fanatisme

Études psychanalytiques

La radicalisation

ou La résurrection du père par le fanatisme

Études Psychanalytiques Collection dirigée par Alain Brun et Joël Bernat La collectionÉtudes Psychanalytiquesproposer un pas de côté et non veut de plus, en invitant tous ceux que la praxis (théorie et pratique) pousse à écrire, ce, « hors chapelle », « hors école », dans la psychanalyse. Dernières parutions Jean-Tristan RICHARD,Handicaps, institutions et psychanalyse, 2018. Béatrice BÉRARD, Lydie CAMUS, Laurent KOELBLEN, Marie-Sarah NÉJADI, Dorit PERL, Christine ZIMAMOU-PRIGENT,Perversion – Variations sur un thème, 2018. Catherine COMBASE,Histoire de Psyfa – Psychanalyse et famille, 2018. Radu CLIT,Du trauma à l’écriture, un point de vue sur la création littéraire de Herta Muller, 2018. Claude NACHIN,Abrégé de psychanalyse, 2017. Cléopâtre ATHANASSIOU-POPESCU,L’observation d’un bébé de zéro à deux ans dans sa famille. Commentaire psychanalytique, 2017. Abderrahmane SI MOUSSI et Mira OURARI-SI MOUSSI,La psychothérapie psychanalytique en Algérie, Névrose individuelle et névrose collective,2017. ASSOCIATION LA MAISON VERTE,vous avez dit Prévention, prévention ?, 2017. Dominique WINTREBERT, Georges HABERBERG et Élisabeth LECLERC-RAZAVET (dir.),Rencontres avec la castration maternelle, 2017. Guillemette BALSAN,Temps et mélancolie, Après coup l’adolescence, 2017. Franca MADIONI (dir.),Figures du vide. Psychopathologie et hypermodernité, 2017. Vladimir MARINOV,Le démiurge et le funambule. Brancusi & Giacometti, 2017. Michelle MORIN,De la création en art et littérature, 2017. Christiane CHARVET-BERNARD,Une voix s’est tue. Parlons. Le déclin d’une civilisation n’est pas une fatalité, 2017. Pierre DELMAS,Wilhelm Reich ou le complexe de Prométhée, 2017. Anne Vernet SEVENIER,Etude d’un Syndrome de relance originaire en cours de coma, 2016. Jacques LIS,L’homme à l’envers, 2016. Christophe SOLIOZ,Paul Parin,Voyage au bout de l’utopie,2016. Celso GUTFREIND,être mère, être père et autres essais sur la Narrer, parentalité, 2016.

Julien Maucade La radicalisation

ou La résurrection du père par le fanatisme

Du même auteur L'Islam : une victoire inéluctable, L'Harmattan, 2012.

© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16255-3 EAN : 9782343162553

À mes parents,

Figure du père Ce livre est une restitution, au fil de longues années, de l’expérience clinique psychanalytique démontrant dans le processus de construction dynamique la personnalité dans un rapport étroit avec les imagos parentales, en particulier chez les sujets prônant la 1 radicalisation , dans leur passage ou non à l’acte terroriste. Nous avons depuis un temps observé des altérations dans la psychologie individuelle en lien avec les représentations des figures parentales. Un écart significatif s’installe entre les générations, caractérisé par une modulation de la vision du monde. Cet écrit, fruit de l’écoute d’un nombre conséquent de patients, a nécessité une remise en question permanente de la pratique, condition sine qua non pour une compréhension, prenant ainsi en considération la singularité de chaque situation. Les entretiens cliniques d’adolescents et de jeunes adultes dans le cadre de leur radicalisation se sont inscrits dans un moment crucial de la vie de ces sujets, révélant, pour chacun, une problématique complexe. Ce travail répond, en premier lieu, à la volonté de partager ces acquis empiriques. Leur transmission, en aidant à comprendre la complexité de la problématique, apportera un éclairage sur le phénomène de radicalisation impliquant les causes subjectives. L’imago paternelle, particulièrement, s’impose comme facteur commun à tous les cas suivis dans leur environnement familial global. La figure paternelle et la position du père réel, socle commun à toutes les situations, s’imposent comme élément axial dans la compréhension des passages à l'acte, en particulier juvéniles, et peuvent dans certains cas mener à un dénouement de la problématique. Le rapport à la figure du père a des implications sur la relation de l’individu au monde et à la société en particulier dans sa dimension politique et, plus précisément, religieuse.

1 Le concept de fanatisme nous semble plus adéquat pour décrire le phénomène mais nous nous réfèrerons à radicalisation et fanatisme indifféremment car la dénomination de radicalisation est désormais conventionnelle.

7

La Grèce antique appelait Zeus « Père des dieux », « Père des hommes », « Père de toutes choses », « Père du monde », « Père tout- 2 puissant » -Pater pantocratôrune qualification mentionnée par – Platon que le christianisme s’est appropriée. Même, avec piété ces nominations ne signifiaient aucunement un lien de relation directe entre Dieu et les individus. À cette époque on ne savait pas expliquer le processus biologique de la génération, on ignorait que l’humain peut naître d'une goutte de sperme. Attribuer le nom de père à Dieu était une manière de reconnaître son rôle créateur ou démiurgique, sa fonction cosmologique en tant que source de l'énergie vitale et de toute fécondité. Le lien entre le culte et les cycles naturels de la fécondité est bien connu. Le linguiste Émile Benveniste a établi le lien sémiotique entre le titre divin dekurios, généralement traduit par Seigneur, Dieu, maître, empereur, et le verbekuéin;être enceinte  - liaison qui mélange la fonction paternelle et la fonction maternelle de à la divinité, grosse des germes de vie dont elle ensemence le cosmos. Il s'ensuit que tout acte d'engendrement est l'œuvre commune de Dieu et de l'homme: la procréation étant la substitution de l'homme à Dieu dans la liturgie cosmique de la fécondation et de Dieu à l'homme comme puissance de vivification. Les prostitutions sacrées des païens, qui se déroulaient rituellement autour des temples et des hauts lieux de cultes, étaient la célébration ludique de cette collision de Dieu et de l'homme, du sacré et du sexuel, dans la fête de la vie. Les débordements sexuels des dieux et des déesses que rapportent les récits mythologiques étaient pareillement l'expression mythique de la générosité et de l'hybris - qualification que les Grecs donnaient à tout ce qui, dans la conduite de l'homme, était considéré par les dieux comme démesure, orgueil et devant appeler leur vengeance -, de la puissance vitale qui a sa source dans la divinité et son organe dans le sexe. En associant la sexualité à la pratique religieuse, on introduisait la dimension symbolique de l'acte sexuel. Mais pour autant, la symbolisation religieuse n’établissait pas de lien direct entre l'acte sexuel et la génération ni entre celle-ci et l'exercice de la paternité. Une éthique se dégageait de cet accord immédiat entre 2  Le Nouveau Testament écrit en langue grecque a été traduit en latin puis en français par conséquent les noms de Dieu ont donné une multitude de dénominations. Il nous semble que pantocratôr correspond à l’hébreu Shaddaï qui renvoie à l’omnipotens en latin et à Tout-Puissant en français.

8

l'assouvissement du désir, la plénitude de l'acte de virilité et la grande loi de la nature, sa pulsion vitale, que les Grecs appelaienthormé. La fête des corps, qui ne suscitait pas de culpabilité, avait son expression esthétique dans la statuaire du beau corps nu. L'attribution de la paternité à Dieu ne créait pas de liens personnels entre lui et l'homme, pas plus que l'engendrement n’induisait un lien éthique du père au fils, pas plus que du mari à la femme d’ailleurs. C'était plutôt hors du lien sexuel que la paternité prenait toute sa valeur : en Grèce, dans la relation maître-disciple, qui est l'engendrement à la vie de l'esprit ; à Rome, dans la pratique de l'adoption, engendrement à la vie civique par une appartenance à un groupe familial patrilinéaire portant un même nom.  La religion juive a, de la paternité, une notion différente. Le Dieu d'Israël, avant de prendre le nom de Yahvé, était venu de Mésopotamie en Canaan avec des tribus semi-nomades qui se rattachaient au clan de Terah, père d'Abraham. Ce n'était pas un dieu de la terre, la fertilité cosmique ne faisait pas partie de ses attributs. Dans les pays du Moyen-Orient, à côté des dieux ouraniens tout- puissants, occupés aux grandes affaires de l'univers et des empires à qui l’on rendait des cultes officiels dans des temples somptueux, existait une classe de petits dieux besogneux, qui n'avaient même pas de nom, mais s'occupaient des affaires d'une famille ou d'un clan, dont ils recevaient en retour un culte domestique. Ils étaient liés à ce clan par une sorte d'alliance et on leur donnait le nom de leur fidèle : dieu d'un homme, dieu d'un tel, Dieu d'Abraham. Beaucoup plus tard, Yahvé devint le dieu d'un grand peuple et par là même fut reconnu comme le maître du ciel et de la terre à l'égal des grands dieux, voire le seul vrai Dieu. Malgré la vaste terre promise en échange de la fidélité de son peuple, Yahvé est resté pour Israël le Dieu des Pères, Dieu de l'Alliance, Dieu de l'histoire, d'une histoire commune, Dieu de la promesse et de l'avenir. Il n'a jamais été associé à la fécondité cosmique, les actes du culte qui pouvaient s’y apparenter, ont été transposés du plan cosmologique au plan anthropologique. Le lien au Dieu des Pères passait par le lien de chaque individu à son père et à la lignée de ses pères, de même que par les structures de parenté familiale et patriarcale. Dès lors s'est introduit un changement dans l'appréhension de la paternité et de la sexualité : l'acte sexuel n'était plus considéré comme l'acte d'accomplissement de la reproduction sexuée.

9