La responsabilité éthique dans les sociétés postcommunicationnelles
260 pages
Français

La responsabilité éthique dans les sociétés postcommunicationnelles , livre ebook

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260 pages
Français

Description

Cet ouvrage considère les expériences de la crise de la communication dans les sociétés modernes et interroge le projet de l'éthique de la discussion dont la finalité est la reconstruction des conditions idéales de l'intercompréhension. Comment, dans nos sociétés postcommunicationnelles sans légitimation transcendante, pouvons-nous espérer, à travers la discussion argumentative, parvenir à l'intercompréhension ? L'auteur propose de repenser l'activité communicationnelle à la lumière de l'éthique de la responsabilité. En faisant de la responsabilité pour autrui l'idée régulatrice de l'interaction communicationnelle, il renouvelle notre représentation de l'intercompréhension par la discussion argumentative. L'enjeu éthique de cette réflexion est la consolidation du débat public démocratique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 janvier 2019
Nombre de lectures 6
EAN13 9782140112041
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Komi KOUVON
LA RESPONSABILITÉ ÉTHIQUE DANS LES SOCIÉTÉS POSTCOMMUNICATIONNELLES
OUVERTURE PHILOSOPHIQUE DÉBATS
LA RESPONSABILITÉ ÉTHIQUE DANS LES SOCIÉTÉS POSTCOMMUNICATIONNELLES
Collection « Ouverture philosophique » Série « Débats » dirigée par Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions, qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. La série « Débats » réunit des ouvrages dont le questionnement et les thématiques participent des discussions actuelles au sujet de problèmes éthiques, politiques ou épistémologiques.
Komi KOUVONLA RESPONSABILITÉ ÉTHIQUE DANS LES SOCIÉTÉS POSTCOMMUNICATIONNELLES
© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16585-1 EAN : 9782343165851
A
Eva, Gloria, Kékéli, Siméon et Elysée Remerciements Je témoigne tout d’abord ma reconnaissance aux Professeurs Christophe Kwami Dikenou, Yaovi Akakpo, Octave Nicoué Broohm et Marcelin-Lazare Poamépour leurs contributions décisives à ma formation et à mes recherches à l’Uni-versité de Lomé. J’exprime ensuite ma profonde gratitude aux Professeurs et amis Mawusse Kpakpo Akue Adotevi, Tossou Atchrimi et Mounkaïla Abdo Laouali Serki pour leurs soutiens et encouragements.
INTRODUCTION GENERALE
L’agir communicationnel est une pratique qui, médiatisée par le lan-gage, par des institutions ou par des méta-récits cosmologico-théolo-giques, vise le maintien ou la restauration de l’intercompréhension, néces-saire pour la stabilité des sociétés humaines. Toutefois l’observation de l’évolution des sociétés modernes indique que la réalisation de l’intercom-préhension rencontre des obstacles majeurs. Cette crise de l’agir communicationnel est constitutive de la modernité qui, du fait du déploiement de la rationalisation, se présente comme le lieu d’effondrement et de déstructuration des repères normatifs anciens que fondaient la métaphysique, la théologie, le culte de l’ancêtre commun ou le pouvoir d’Etat divinisé. La maîtrise de la structure du cosmos, de la nature humaine et de l’histoire que rendaient disponible les connaissances métaphysiques, théologiques, religieuses et ancestrales, servait de piliers qui consolidaient, dans les sociétés traditionnelles, l’agir communication-nel. Ces piliers métaphysiques, cosmologiques et religieux avaient un pou-voir de guide et d’orientation de la vie des individus et des communautés politiques. Ils constituaient et justifiaient des doctrines et modèles de vie que les individus et les communautés doivent mener. Ce faisant, l’activité consensuelle, dont dépend le vivre ensemble, connaît, dans ces types de sociétés moins de difficultés. Celles-ci, même si elles survenaient, sont vite surmontées dans la mesure où les modèles de vie en vigueur étaient effi-cients. Toutefois la situation de l’agir communicationnel dans la modernité est tout à fait différente. En refoulant les visions métaphysiques, cosmolo-giques et religieuses du monde, la rationalisation, qui caractérise le
processus de modernisation, rend précaire l’activité communicationnelle. La rationalisation moderne engendre une transformation sociale majeure. Au cœur de cette transformation, il y a tout d’abord ce qu’on peut appeler avec les philosophes de l’Ecole de Francfort, la prééminence de l’instru-mentalité. En effet, la rationalité instrumentale à laquelle les modernes ac-cordent un poids sociologiquement important, provoque une inversion des valeurs dans la pratique communicationnelle : aux valeurs d’intercom-préhension se substituent les valeurs instrumentales de succès et d’effica-cité. La communication ne sert plus à la réalisation de l’intercompréhen-sion. Elle est devenue le lieu où les sujets en interaction s’orientent vers des valeurs instrumentales. Ce qui en résulte est que l’intercompréhension ne joue plus un rôle constitutif dans l’agir communicationnel. Elle relève de l’ordre de moyen et est réduit à son rôle instrumental appelé à servir des intérêts autres que l’universel pragmatique. Un second phénomène social que consacre la rationalisation moderne et qui accélère la transformation sociale dans la modernité est l’idéologie individualiste qui fragilise davantage l’activité communicationnelle. Elle est porteuse, il est vrai, du développement de l’autonomie morale. Mais elle conduit assez souvent à l’égocentrisme qui pousse à faire prévaloir les in-térêts personnels. Tout porte ainsi à croire que, survenu pour assurer le progrès de l’autonomie morale, l’individualisme, sous sa forme actuelle, est source des attitudes égologiques. On assiste à l’émergence d’un indi-vidu, guidé par ses droits individuels et ses intérêts personnels. Sous la pression de cette idéologie individualiste, l’agir communicationnel est de-venu soit le lieu d’incommensurabilité des jeux de langage et des intérêts, soit le théâtre de construction de compromis et non de consensus entre positions divergentes. Un troisième phénomène social inhérent à la transformation sociale dans la modernité est le pluralisme. Ce fait du pluralisme, qui constitue selon J. Rawls, un des traits caractéristiques de la modernité, est la consé-quence du progrès des libertés de base, liberté de conscience, d’expression 1 et d’association . Le pluralisme des sociétés modernes ne se limite pas
1 John Rawls, dansJustice et Démocratie (trad. Audard, P. de Lara, F. Piron, et A. Tchoud-nowsky, Paris, Seuil, 1993)écrit: « La diversité des doctrines compréhensives, morales, philoso-phiques et religieuses, que l’on trouve dans les sociétés démocratiques modernes n’est pas une simple con-tingence historique ; c’est un trait permanent de la culture publique des démocraties. Etant donné les conditions politiques et sociales que garantissent les droits et les libertés de base des institutions démocra-tiques, une diversité de doctrines compréhensives, conflictuelles et irréconciliables, ne manquera pas d’émer-ger, si elle n’existe déjà. De plus, cette situation ne peut que persister et s’accentuer. Ce fait qui concerne les institutions libres est celui du pluralisme », p. 325.
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seulement aux doctrines compréhensives ou métaphysiques. Il apparaît sous la forme du multiculturalisme. Le processus de la modernisation so-ciale, contrairement à l’universalisme abstrait, n’a pas débouché sur l’uni-formisation des cultures, sur un village mono-culturel, où les différences sont gommées, mais sur une «sarabande des cultures innombrables et équivalentes, 2 chacune se justifiant dans son propre contexteDans ces conditions historiques,» . le discours philosophique sur la modernité connaît, un renversement de paradigme. Longtemps dominée par le paradigme de l’identité, de la mêmeté, la réflexion philosophique moderne s’inscrit désormais dans la perspective de la différence et du pluralisme. On parle d’«universalisme sen-3 4 sible aux différences» , de «la réappropriation rationaliste de la différence », des 5 «universels en contexte» . Le problème que soulève le paradigme de la diffé-rence est, au-delà de la validité universelle des normes d’action et des con-ditions de possibilité d’un espace public autonome, celui de l’intercompré-hension entre des hommes extrêmement différenciés. Une telle préoccu-pation revêt une importance particulière dans les sociétés africaines où les clivages ethniques, dans le contexte de la démocratisation, compromettent 6 le vouloir-vivre-ensemble . La question fondamentale que soulève cette crise de communication pourrait se formuler en des termes suivants : en l’absence des visions mé-taphysico-religieuses comment des hommes et des groupes partageant des valeurs, cultures et intérêts différents peuvent-ils communiquer ? L’hypothèse qui oriente la présente réflexion est qu’en l’absence de lé-gitimation transcendante, l’argumentation ne peut médiatiser convenable-ment l’intercompréhension. Celle-ci, en tant que rapport pratique et non théorique à l’autre, ne peut être médiatisée que par la responsabilité pour autrui. Tandis que l’argumentation privilégie le meilleur argument partagé par tous pour réaliser la compréhension mutuelle, la responsabilité valorise le souci de l’autre.
2 Emmanuel Levinas,Humanisme de l’autre homme, Paris, Fata Morgana, 1972, p. 60. 3 Jürgen Habermas,L’intégration républicaine, Paris, Fayard, 1999. 4 Pierre Nzinzi, "La réappropriation rationaliste de la différence" inLe Cahier philosophique d’Afrique,Ouagadougou, Presses universitaires de Ouagadougou, Année 2005, n° 003, pp. 15-35. 5 Paul Ricœur,Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 336. 6 Cette position est à nuancer comme le fait remarquer Sémou Pathé Gueye ; ce n’est pas le pluralisme ethnique qui explique les contradictions politiques en Afrique. C’est plutôt l’instrumentalisation des ethnies qui explique les crises politiques du continent. Sémou Pathé Guèye,Du bon usage de la démocratie en Afrique, Dakar, NEA du Sénégal, 2003, p. 187.
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