La ville comme paysage du sentiment
248 pages
Français

La ville comme paysage du sentiment , livre ebook

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248 pages
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Description

Sur la base de souvenirs d'enfance et des représentations de l'espace urbain de Buenos Aires, la ville est ici analysée en tant qu'espace vécu. Elle est lue à travers de nombreuses sources artistiques dans un contexte historique. Le sentiment que ces représentations produisent permet de saisir non seulement la manière dont la ville est perçue, mais aussi l'effet qu'elle produit, sous trois angles. Voici intégrés les aspects sensibles de la forme dans la conception architecturale et paysagère.

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Date de parution 01 avril 2013
Nombre de lectures 34
EAN13 9782296533554
Langue Français
Poids de l'ouvrage 29 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marcelo Bidinost LA VILLECOMME PAYSAGEDU SENTIMENT Préface de Martin Steinmann
Collection Questions Contemporaines Série Questions urbaines
LA VILLE COMME PAYSAGE DU SENTIMENT
LE SENTIMENT URBAIN
e e À BUENOS AIRES AUX XIX ET XX SIECLES
Questions contemporaines Collection dirigée par B. Péquignot, D. Rolland et Jean-Paul Chagnollaud Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions contemporaines » n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à appréhender. Le pari de la collection « Questions contemporaines » est d’offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux, chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement, exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective. Dernières parutions Gérard SAINSAULIEU,Les trottoirs de la liberté. Les rues, espace de la République, 2012. Jean-Christophe TORRES,Les enseignants. Quelle reconnaissance pour un métier en crise ?,2012. Gérard LEFEBVRE,Les chemins du silence, 2012. Hubert LEVY-LAMBERT et Laurent DANIEL (dir),Les douze travaux d’Hercule du nouveau Président, 2012. Tony FERRI,Qu’est-ce que punir ? Du châtiment à l’hypersurveillance, 2012. Abou-Bakr Abelard MASHIMANGO,La dimension sacrificielle de la guerre. Essai sur la martyrologie politique, 2012. Jordane ARLETTAZ, Séverine NICOT (dir.),Le cadre juridique de la campagne présidentielle, 2012. Alain BÉNÉTEAU, Louis MALLET, Michel CATLLA,Les régions françaises au milieu du gué, Plaidoyer pour accéder à l’autre rive, 2012. Jean BRILMAN,Réconcilier démocratie et gestion, 2012. André PRONE et Maurice RICHAUD,Pour sortir du capitalisme. Éco-partage ou communisme ?, 2012.Christophe du PAYRAT,Pourquoi avoir fait de Mayotte le e 101 département français ?,2012. Jean-Michel VINCENT,L’invention de la maîtrise d’œuvre urbaine.De la ville nouvelle aux ateliers, 2012.
Marcelo Bidinost
LA VILLE COMME PAYSAGE DU SENTIMENT
LE SENTIMENT URBAIN
e e À BUENOS AIRES AUX XIX ET XX SIECLES
Préface de Martîn Steînmann
Ouvrage du même auteur
Paîsaje. Relexîones, Editions Al Margen, La Plata, Buenos Aires, 2001.
Cet ouvrage est une version retravaillée de ma thèse de doctorat soutenue à l’&cole1olytechnique Fédérale de Lausanne en septembre 2007 et réalisée sous la direction du1rofesseurdocteur Martin Steinmann que je tiens à remercier. Conception graphique et maquette : Maria Florencia Costantini Correction orthographique : Laura Berenguer © L'HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-29143-7 EAN : 9782336291437
PRÉFACE Martîn Steînmann La ville teintée deStimmungen
Pour son remarquabe travaî sur dîférents quartîers de Buenos Aîres, ’auteur utîîse e terme de « paysage ». Cea n’a, en soî, rîen d’înaccoutumé. En ’occurrence, cependant, î se réère à un essaî de Georg Sîmme, « Pîosopîe du paysage ». Cet essaî s’înscrît dans es rélexîons qu’a consacrées ’estétîque aemande, autour de 1900, aux sentîments qu’éveîent es coses. La questîon de savoîr sî ces dernîères e ont en tant que orme ou en tant que sîgne, à travers es assocîatîons que suscîte a orme, étaît aors controversée. Dans un sens éargî, cette questîon reève de ’estétîque de ’empatîe. La notîon aemande deStîmmung, dont es autres angues ne connaîssent pas d’équîvaent, joue à cet égard, a ortîorî en ce quî concerne e paysage, un rôe majeur. Aînsî Joannes Voket écrît-î, dans es premîères pages de sonSystem der Ästetîken troîs voumes, qu’î vîse à redonner auxStîmmungene statut estétîque quî eur revîent, car « ce quî s’assocîe aux perceptîons, ce ne sont pas des 1 sîgnîicatîons, maîs desStîmmungen.»
Comme esStîmmungendonc es sîgnîicatîons, ees sont dîIcîes à précèdent décrîre verbaement. C’est ce que constate aussî heodor Lîpps, précîsément en îen avec e paysage. LaStîmmungpaysage est queque cose de lottant, écrît-î, car ee ne se d’un 2 rapporte pas aux coses, maîs à ce quî es reîe et en aît un paysage . Cea sîgnîie que nous désîgnons par uneStîmmung a quaîté commune aux coses que nous percevons dans un îeu. Un boîs de boueaux umîneux produît uneStîmmung sereîne et cetteStîmmung aît que nous percevons es coses quî e constîtuent comme sereînes, et qu’ees se conirment récîproquement dans cette quaîté. ï en va de même d’un quartîer de a banîeue de Buenos Aîres quî, avec ses maîsons toutes sîmpes, ses murs crépîs et es arbres que ’on voît par-deà, produît uneStîmmungaccueîante.
Ce que nous nommons aStîmmungpaysage – ou, avec Bîdînost, d’un te d’un quartîer –, c’est, en d’autres termes, a manîère dont nous e voyons ou, pus précîsément encore, es sentîments que nous éprouvons en e voyant. LaStîmmungdu paysage devîent, pour ’exprîmer sîmpement,notre Stîmmung. « LesStîmmungenquî traversent e paysage, je es éprouve en même temps comme étant es mîennes », écrît Voket, et « je retrouve mes 3 propresStîmmungenEst aînsî déinîe a reatîon récîproque entre sujet etdans e paysage. » objet que désîgne e terme deStîmmung, maîs aussî a nature de cette reatîon, quî ne peut être décrîte que dans es catégorîes de a vîe psycîque : gaî, sereîn, grave, trîste, etc. ï ne peut donc y avoîr deStîmmung urbaîne, « urbaîn » étant en efet une sîgnîicatîon, un sentîment munî d’une étîquette sémantîque. Pour saîsîr ce quî caractérîse, en tant que « paysages teîntés deStîmmungen», une rue tranquîe dans un quartîer portègne, comme en a potograpîé Grete Stern, ou a bruyante rue Corrîentes et ses enseîgnes umîneuses, î nous aut déinîr es sentîments qu’ees suscîtent.
1 Joannes Voket,System der Ästetîk, vo. ï, « Grundegung der Ästetîk », Munîc, 1905, p. V. 2 heodor Lîpps,Ästetîk, vo. ï, « Grundegung der Ästetîk », Hambourg-Leîpzîg, 1903, pp. 222 s. 3 Joannes Voket,op. cît., p. 454.
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Sî ’îdée deStîmmungtraverse tout e îvre de Bîdînost, ee n’est – abstractîon aîte de a réérence à ’essaî de Sîmme – pratîquement pas téorîsée. Et ce n’est pas nécessaîre. Le terme est empoyé dans e sens où nous ’entendons quotîdîennement orsque nous parons de ’atmospère d’un îeu. Dès ors, qu’est-ce quî aît d’un quartîer portègne un îeu de vîe petîte-bourgeoîse ? Un quartîer où ’esprît de cette vîe devîent perceptîbe ? E bîen, ce sont justement es coses susmentîonnées, maîs aussî es voîx et es bruîts quî se coorent mutueement et se conirment comme es ééments d’un paysage te que SîmmeMe comprend : « Le paysage, dîsîons-nous, nat à partîr du moment où des pénomènes natures [ ... ] sont regroupés par un mode partîcuîer d’unîté [ ... ]. Le support majeur de cette 4 unîté est sans doute ce qu’on appee aStîmmungdu paysage » . Cea s’appîque à tous es pénomènes. Dans e cas d’un te quartîer, « petît-bourgeoîs » ne désîgne pas uneStîmmung, maîs une sîgnîicatîon procédant de sa tranquîîté.
Enant, Bîdînost rendaît réguîèrement vîsîte à sa amîe, quî vîvaît dans un te quartîer. LaStîmmungces dîmances, quî s’est gravée dans sa mémoîre, a constîtué un de puîssant moteur pour son travaî, quî porte sur a perceptîon de dîférents endroîts de Buenos Aîres à dîférents moments de eur îstoîre. ï auraît pu procéder comme Pîerre Sansot dans LaPoétîque de a vîe, et décrîreTFTsentîments. Maîs que cea auraît-î exprîmé d’autre que ses sentîments ? Cea auraît peut-être suI pour une narratîon. Or, putôt que de se baser sur ses propres sentîments – c’est-à-dîre sur e souvenîr qu’î en a gardé –, Bîdînost étaîe son anayse urbanîstîque sur es îmages de Buenos Aîres dans esquees se sont réîiés es sentîments d’un grand nombre de personnes. L’enjeu est d’examîner comment ces quartîers se présentent dans dîférentes ormes d’expressîon : tabeaux, potograpîes, ims, pubîcîtés, maîs aussî romans, cants, tubes ... ï ne s’agît donc pas du regard de ’auteur, maîs du regard pus généra quî s’exprîme dans ces modes de représentatîon. Le aît que ce regard soît, à son tour, condîtîonné par de tees îmages, est une autre afaîre. Une carte postae, par exempe, est censée montrer « ce qu’on a vu ». Or, ee ne montre justement pas seuement une rue de nuît, dans e quartîer des dîvertîssements, maîs aussî ’esprît dont adîte rue est e symboe – par exempe ce que Bîdînost appee ’« âme de a vîe ». C’est pour cea qu’on ’envoîe a un amî. Ee exprîme uneStîmmung. Pouvons-nous quaîier cee-cî d’« urbaîne » ? Non, car « urbaîn » est un mot au moyen duque nous essayons de transormer en sîgnîicatîons es sentîments que nous éprouvons en voyant es coses igurant sur a carte. Qu’exprîme donc a potograpîe en premîer ? Peut-être une Stîmmungagîtée ou, mîeux, un méange d’înscrîptîons, de coueurs, de umîères, quî évoque en nous une teeStîmmung. Cee-cî înlue cependant à son tour sur a manîère dont nous îsons es coses igurant sur a carte en tant que supports de sîgnîicatîons. Comme ’a montré Sîmme, aStîmmungne doît pas être cercée dans es dîférentes coses quî sont à voîr. Ce ne sont pas es dîférentes enseîgnes umîneuses et es voîtures dans esquees ees se relètent quî ont que a potograpîe d’AGN montrant a rue Corrîentes de nuît produît une împressîon d’agîtatîon, c’est ’ensembe qu’ees orment et quî teînte pour aînsî dîre ces coses. La sîgnîicatîon « métropoîtaîn » résute, dans un deuxîème temps, des assocîatîons que cette potograpîe évoque en nous à travers cet ensembe cargé de tensîons que nous ressentons comme « agîté ». Ce sentîment doît cependant encore être mîs en îen avec es expérîences que nous quaîions aînsî. Cea sîgnîie qu’î doît être assocîé à une îdée dont e ondement résîde dans es tensîons qu’exprîme a potograpîe. « Enseîgnes umîneuses / quî secouent a atîgue », dîsent es premîers vers du poèmeVîede Jorge Luîs Borges. 4 Georg Sîmme, « Pîosopîe du paysage », înTragédîe de a cuture et autres essaîs, Parîs, 1988, p. 240. 6
Ces tensîons sont un topos que Sîmme a précîsément décrît comme e sentîment urbaîn exacerbé quî résute de ’aternance permanente entre împressîons extérîeures et 5 întérîeures .Pour Sîmme, ce sentîment dîstîngue ’abîtant de a grandeWJMMFde ceuî de a petîte vîe. A Buenos Aîres, on peut transposer cette îdée aux dîférentes partîes de a vîe, au quartîer bruyant des dîvertîssements, au quartîer sae des usînes ou au tranquîe quartîer portègne. Les potograpîes de rues tranquîes que Stern y a prîses, ou es poèmes qu’a écrîts Borges sur es « rues avec une umîère du patîo », donnent à a vîe « pus ente, pus réguîère » de ces quartîers petîts-bourgeoîs une orme des pus évocatrîces. Ce sont de tes contrastes quî se sont « jadîs » gravés, en tant queStîmmungen, dans a mémoîre de ’auteur, et que ceuî-cî anayse, dans son travaî, à partîr de ’îstoîre de dîférents quartîers de Buenos Aîres et de a manîère, ixée en îmages, dont îs ont été perçus.
C’est un împressîonnant travaî que Marceo Bîdînost îvre îcî – împressîonnant, parce qu’î tente de cerner ’unîvers de ces quartîers, dans eurs mutîpes représentatîons, comme un unîversteînté de Stîmmungen. C’est-à-dîre : comme un unîversvécu.
Traduît de ’aemand par Léo Bîétry
5 Georg Sîmme, « Dîe Grossstädte und das Geîsteseben », înSozîoogîsce Ästetîk, Bodeneîm, 1998, pp. 119-133. 7
INTRODUCTION
« Lorsque nous décrîvons es coses quî détermînent a Stîmmungd’un espace, nous devons être conscîents du aît que nous es décrîvons à partîr de aStîmmung qu’ees évoquent en nous et que nous aîsons partîe de cette Stîmmung. »
1 Martîn Steînmann
I La pensée sur a vîe n’est pas seuement ’afaîre des spécîaîstes împîqués dans es probématîques urbaînes, car ee est très vaste. En efet, tous ceux quî nous donnent une împressîon partîcuîère à partîr de aquee nous pouvons découvrîr des aspects înédîts du pénomène urbaîn peuvent être consîdérés comme des « téorîcîens de a vîe » même 2 sî eur apport seraît très modeste . Je croîs qu’un voyageur vîgîant quî ixe ses împressîons sur son carnet de voyages, un peîntre quî caractérîse un paysage partîcuîer, un poète quî nous dévoîe un aspect cacé de ’espace urbaîn, un potogrape quî ixe un înstant unîque, etc., mérîtent toute notre attentîon, car eurs observatîons nous dévoîent tout e carme 3 du rée, de a vîe comme espace vécu. De pus, ces împressîons înluencent notre regard . Oscar Wîde dansLe Décîn du mensonge(1890) exprîme bîen cette îdée :
« À quî donc, sînon aux împressîonnîstes, devons-nous ces admîrabes brouîards auves quî se gîssent dans nos rues, estompent es becs de gaz, et transorment es maîsons en ombres monstrueuses ? […] Le cangement prodîgîeux survenu, au cours des dîx dernîères années dans e cîmat de Londres, est entîèrement dû à cette écoe d’art. Vous sourîez ? Consîdérez es aîts du poînt de vue scîentîique ou métapysîque, et vous convîendrez que j’aî raîson […]. Les coses sont parce que nous es voyons, et a réceptîvîté aussî bîen que a orme de notre vîsîon dépendent des arts quî nous ont înluencés […]. De nos jours, es gens voîent es brouîards, non parce qu’î y a des brouîards, maîs parce que peîntres et poètes eur ont apprîs e carme mystérîeux de tes efets. Sans doute y eut-î à Londres des brouîards depuîs de sîèces. C’est îninîment probabe, maîs personne ne es voyaît, de sorte que nous n’en savons rîen. ïs n’eurent pas d’exîstence tant que ’art ne es eut pas înventés. […] Où ’omme cutîvé saîsît un
4 efet, ’omme sans cuture attrape un rume . »
Commençons donc par deux représentatîons. Rîcard Sennett, dansCaîr et La a pîerre(2000), anayse deux céèbres gravures de Londres aîtes par Wîîam Hogart,Beer StreetetGîn Lane, quî datent de 1751. Dans a premîère gravure, un groupe de personnes assîses boît de a bîère tranquîement et es bras des ommes entourent es épaues des emmes. Cez Hogart, « des corps quî se toucent îndîquent e contact socîa et ’ordre, tout comme aujourd’uî, dans es petîts vîages îtaîens du Sud, î arrîve que quequ’un vous saîsîsse a maîn ou ’avant-bras pour sîgnîier son désîr de vous parer sérîeusement », nous dît-î. Dans a deuxîème gravure, « au contraîre, des personnes îvres, renermées sur ees-mêmes, sont încapabes de ressentîr a présence pysîque des autres pus que cee
1 Martîn Steînmann, « Espaces et expérîences » înMatîèresn°7, EPFL-ïA-LTH, Lausanne, 2004, p. 40. 2 Voîr Syvaîn Maroy. Penser et représenter a vîe, ïnstîtut de téorîe et d’îstoîre de ’arcîtecture, département d’arcîtecture, EPFL, Lausanne, 2000. 3  Le processus par eque nous voyons e paysage sous e itre des modèes artîstîques est appeé par Aaîn Roger artîaîsatîon. VoîrCourt traîté du paysage, Gaîmard, Parîs, 1997. Ce texte est devenu une réérence împortante dans es études du paysage. 4 Oscar Wîde,Le Décîn du mensonge1977, 2 vo., vo ï, pp. 307-308., Œuvres, Stock, Parîs, 9
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