Laïcité, radicalisation et protection de l enfant
205 pages
Français

Laïcité, radicalisation et protection de l'enfant , livre ebook

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205 pages
Français

Description

Depuis maintenant trois décennies, intellectuels et politiques rivalisent dans la redéfinition de l'ordre social et public, catégorisant les populations en fonction de leur phénotype, leur culture et/ou leur croyance. Quand les tenants de la « nouvelle » laïcité se sont imposés comme les garants d'un certain ordre social républicain, ils l'ont fait au nom de la protection de l'enfant. Et quand des mineurs sombrent dans la radicalisation violente au nom d'un prétendu islam, c'est tout le dispositif de protection de l'enfance qui est sommé de s'associer à la construction de l'ordre public.

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Informations

Publié par
Date de parution 04 février 2020
Nombre de lectures 8
EAN13 9782140142093
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lionel Clariana
Laïcité, radicalisation et protection de l’enfant
Articulations et enjeux sociopolitiques
L O G I Q U E S S O C I A L E S
Laïcité, radicalisation et protection de l’enfant Articulations et enjeux sociopolitiques
Logiques sociales Collection dirigée par Bruno Péquignot En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collection « Logiques Sociales » entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action sociale. En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques. Dernières parutions Eguzki URTEAGA,L’essor du vote nationaliste basque, 2020. Alexander María LEROY,Penser la sexualité des personnes e âgées. De Disney à l’EHPAD du XXI siècle, 2020. Mélody JAN-RÉ (dir.),L’œuvre du genre, 2019. Gilles VIEILLE-MARCHISET,La conversion des corps, 2019. Aurélie NETZ,Les Cercles de Femmes, Ritualiser l’identité de genre dans les spiritualités alternatives,2019. Roland GUILLON,La question sociale face à la globalisation, 2019. François SICOT (coord.),Les parcours de soins en psychiatrie au prisme d’une analyse sociologique,2019. Nicole LUCAS et Danielle OHANA,Ces Françaises venues de l’Est, 2019. Régis LAURENT,Du traumatisme des camps à la naissance d’une nouvelle institution. Idéologies, minoritaires et pentecôtisme tsigane en Bretagne tome I, 2019. Régis LAURENT,Les usages sociaux des pentecôtistes tsiganes. Idéologies, minoritaires et pentecôtisme tsigane en Bretagne tome II, 2019 Suzie GUTH, Roland PFEFFERKORN (dir.),Strasbourg, creuset des sociologies allemandes et françaises, 2019.
Lionel Clariana Laïcité,radicalisation et protectionde l’enfantArticulations etenjeux sociopolitiques
Du même auteur Protection de l’enfance etfamilles étrangères. Un rapport socio-politique institutionnalisé, Paris, coll. « Logiques sociales », L’Harmattan, 2018.© L’Harmattan, 2020 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-19125-6 EAN : 9782343191256
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Particulièrement depuis la fin des années 1970 et les effets de la crise économique, dans le discours politico-médiatique la « fa-mille étrangère » est régulièrement associée aux principaux maux sociétaux. Quand les parents ne sont pas responsables du chô-mage ou de profiter des aides sociales, les enfants sont produc-teurs de conduites déviantes ou délinquantes créatrices de « zones de non-droits ». De fait, lorsque le coût social de leur présence est supposé supérieur au profit économique généré, le débat en faveur d’une « immigration choisie » (de travail) au 1 détriment de celle « subie » (familiale) se réactive , et avec lui le durcissement des politiques migratoires et plus largement sécuri-taires. L’ensemble s’inscrit dans un phénomène accru de stigma-tisation de populations le plus souvent réduites à leur origine, leur « culture » et/ou la couleur de leur peau. Éclosent alors dans le débat public des formes plus ou moins ethnicisées et racialisées d’analyse des rapports sociaux qui empêchent de penser leur 2 réalité sociale, économique et politique .
Dans cette dynamique, la question de l’ordre social et public ne 3 se pose plus en termes d’intégration mais d’assimilation , et le discrédit dont est victime l’étranger rejaillit alors quasi mécani-quement sur une descendance très majoritairement française. La fusion de l’étranger statutaire – qu’il soit en situation régulière ou non – avec la figure de « l’étranger de l’intérieur » crée pour certains un phénomène de suspicion permanente sur la légitimité à être et à rester sur le territoire national. En fait, avec
1  NOIRIEL Gérard,Immigration, antisémitisme et racisme en France e (XIX-XX s.). Discours publics, humiliations privées, Paris, Fayard, 2007. 2 Dans notre propos, ethnicisation et racialisation décrivent des formes qui se veulent essentialisées des rapports sociaux très présentes dans les discours politico-médiatiques. Pour faire synthétique, quand l’ethnicisation fait réfé-rence à des caractéristiques en lien avec l’origine réelle ou supposée de l’individu, la racialisation renvoie l’origine des comportements individuels à des phénotypes particuliers. Or comme le montre l’historien Pierre Boilley, « si la réalité pigmentaire est à la base des raisonnements, si l’analyse chroma-tique prend le dessus, si la naissance prime sur le reste, la réflexion n’est plus de mise » [BOILLEY Pierre, « Loi du 23 février 2005, colonisation, indi-gènes, victimisations. Évocations binaires, représentations primaires »,Poli-tique Africaine, n°98, juin 2005, p. 137]. 3  WEIL Patrick,La France et ses étrangers. L’aventure d’une politique de l’immigration, 1938-1991, Paris, Calmann-Lévy, 1991, p. 41.
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« l’étranger », les causes économiques de la déréliction du lien social sont rapidement abandonnées au profit de la conjoncture et de la responsabilité individuelle. Les explosions urbaines ne sont alors plus les conséquences de la faillite des politiques de la ville ou encore de lutte contre la pauvreté, mais les révélateurs d’une absence de volonté de la part de certains individus ou commu-nautés de faire évoluer, selon les normes dominantes, leurs con-4 ditions d’existence . Le transfert de responsabilité qu’opère cette logique s’inscrit dans une perspective méritocratique accompa-gnée d’une contractualisation accrue des rapports sociaux, en même temps que de l’utilisation d’une sémantique lapidaire élec-toralement porteuse (« risque zéro », « tolérance zéro », « immi-gration zéro »). Dans cette quête du zéro politique absolu, dé-viance et délinquance ne sont plus le résultat du maintien structu-rel de certaines populations dans une situation de précarité, mais l’apanage de certains individus dont les comportements réduits à leur visibilité dans l’espace public sont à l’origine de la « sensibi-lité » de certains territoires. Au-delà donc du risque pour l’ordre social et public, depuis la e fin du XX siècle c’est la remise en cause d’un certain ordre mo-ral qui accompagne particulièrement la question de « l’étranger ». L’écart des comportements avec les normes dominantes crée une déviance qui n’est plus seulement synonyme d’incivilité et de risque de délinquance, elle porte maintenant atteinte aux valeurs qui font le ciment social de notre société. Ce phénomène se cris-tallise singulièrement à la fin des années 1980 avec les succes-sives « affaires du voile ». Sous prétexte de défendre des valeurs universalistes (la protection de l’enfant et son corollaire l’émancipation féminine) et les principes républicains (la laïcité et l’égalité), ils sont nombreux à avoir intérêt à faire de la ques-tion religieuse en général, et musulmane en particulier, un débat de société. Depuis trois décennies particulièrement, par médias et forums interposés, intellectuels et politiques s’affrontent dans la défense d’une certaine conception de la laïcité et du bien-vivre ensemble. Ce faisant ils font voler en éclats les clivages partisans habituels et rivalisent d’ambition dans la redéfinition du contrat 4  BONELLI Laurent,La France a peur. Une histoire sociale de l’insécurité, Paris, La Découverte, 2010 [2008].
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