Le rite tsoo chez les Bënë du Cameroun
130 pages
Français

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Le rite tsoo chez les Bënë du Cameroun , livre ebook

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Description

Comment s'affirmer simultanément "grand catholique" et rester fidèle à l'héritage des siècles lorsqu'on est Africain ? Pour guérir, les catholiques camerounais tentent de conjuguer la rigueur romaine et le recours aux guérisseurs, la foi en Dieu et la sorcellerie. Le cas du tsoo montre comment une véritable "observation participante" instaure une chaîne d'amitiés actives, et comment une actualité vivante illumine les souvenirs glanés dans les méandres du passé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 238
EAN13 9782296704336
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le rite tsoo chez les Bënë du Cameroun
Racines du Présent

Collection dirigée par François Manga-Akoa

En cette période où le phénomène de la mondialisation conjugué au développement exponentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication contracte l’espace et le temps, les peuples, jadis éloignés, se côtoient, communiquent et collaborent aujourd’hui plus que jamais. Le désir de se connaître et de communiquer les pousse à la découverte mutuelle, à la quête et à l’interrogation de leurs mémoires, histoires et cultures respectives. Les générations, en se succédant, veulent s’enraciner pour mieux s’ouvrir dans une posture proleptique faite de dialogues féconds et exigeants. La collection « Racines du Présent » propose des études et des monographies relatives à l’histoire, à la culture et à l’anthropologie des différents peuples d’hier et d’aujourd’hui pour contribuer à l’éveil d’une conscience mondiale réellement en contexte.

Déjà parus

LABURTHE-TOLRA Philippe, Les seigneurs de la forêt, 2009.
MORGEN Curt von, A travers le Cameroun du Sud au Nord (deux volumes), 2009.
FOTSO DJEMO Jean-Baptiste, Le regard de l’autre. Médecine traditionnelle africaine, 2009.
ADLER Alfred, La mort est le masque du roi, 2008.
BARRY Boubacar, La Sénégambie du XVe au XIXe siècles, 2003.
GREVOZ Daniel, Sahara, 1830-1881, 2003.
RUSCIO Alain, Dien Bien Phu, la fin d’une illusion, 2003.
BOUQUET Christian, Tchad, genèse d’un conflit, 2002.
LIAUZU Claude, Aux origines des tiers-mondismes. Colonisés et anticolonialistes en France (1919-1939), 2002.
SENEKE-MODY Cissoko, Contribution à l’histoire politique du Khasso dans le Haut-Sénégal, des origines à 1854, 2002.
UM NYOBE Ruben, Écrits sous maquis, 2002.
Philippe LABURTHE-TOLRA


Le rite tsoo
chez les Bënë du Cameroun


Renaissance de rituels traditionnels
chez les catholiques africains
Publications récentes du même auteur

Les seigneurs de la forêt. Essai sur le passé historique, l’organisation sociale et les normes éthiques des anciens Beti du Cameroun , L’Harmattan, « Racines du présent », 2009.
Curt Von Morgen, À travers le Cameroun du Sud au Nord, traduction, présentation, commentaires et bibliographie de Philippe Laburthe-Tolra, 2 tomes, L’Harmattan, « Racines du présent », 2009.


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12511-7
EAN : 9782296125117

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
à Michèle, de tout cœur !
Introduction
Dans Minlaaba II (Ph. Laburthe-Tolra, Karthala, 1985), nous avons vu comment, chez les Beti, de nombreuses sociétés et cérémonies traditionnelles avaient pour but explicite de conjurer (ou d’"apprivoiser") l’ evu , le principe vivant de la sorcellerie (mgbë ) ; la plupart ont disparu, d’abord par suite des interdictions promulguées par l’administration allemande, tel est le cas du ngi, en second lieu sous l’effet de l’action non dénuée d’efficace des missions catholiques {1} .
Néanmoins, comme on l’a remarqué {2} , il était bien plus facile à l’administration et aux missions de détruire les institutions semi-publiques, comme le ngi ou le culte des ancêtres, que de déraciner la croyance en une sorcellerie pratiquée secrètement par des individus suspectés ou par des sociétés sans doute imaginaires. Dans l’esprit des gens, comme l’a montré notre enquête à Minlaba {3} , la suppression des rituels ou des organisations qui contrôlaient la puissance de la sorcellerie a eu pour effet aux yeux du public de permettre à cette puissance de se déchaîner sans freins, de proliférer anarchiquement. Agent et complice involontaire de cette situation, le christianisme importé de l’Europe moderne ne paraît ni vouloir, ni pouvoir y remédier. On a donc constaté, dans les campagnes autour de Minlaaba, la survie ou la renaissance d’un certain nombre de rites auxquels nous avons pu prendre part, rites de purification-protection, rites éliminateurs de la sorcellerie, tels le tsoo, le ndongo, le buti. Quarante ans plus tard, en 2008, cette reviviscence se confirme partout.
Parlons tout d’abord du tsoo, puis de sa forme mineure, le mvag, rituels auxquels on pouvait avoir encore ou de nouveau accès en 1967.
Vocabulaire
Dans ce qui suit, nous employons en français les mots mêmes employés par nos interlocuteurs Beti lorsqu’ils parlent français , pour respecter leur "dire", sans discuter ici de la pertinence de leurs traductions, ce qui est fait ailleurs. Ces mots correspondent à des termes originaux beti dont voici le tableau, avec leurs équivalents français :
tsoo : soit le rituel tsoo
soit la maladie tsoo , (voir ci-après) : "malédiction du sang"
soit le bris d’interdit correspondant, appelé tantôt "faute", tantôt "péché" ou "crime", par les Beti parlant français.
nsem : "bris d’interdit" majeur, genre dont le tsoo est une espèce et que l’on rend comme celui-ci par "péché", "faute".
olanda (plur. de bilanda très employé) : "malédiction", "maléfices", "malheurs", consécutifs au tsoo.
kpë tsoo : faire subir, "organiser" le tsoo.
mkpë tsoo : celui qui organise le rite tsoo parce qu’il est l’héritier (ou l’auteur) d’un bris d’interdit tsoo ; transcrit ici par le "pénitent", le "coupable", l’"auteur" (ou les "auteurs") du tsoo.
Dans le cas présent, il est à remarquer que le mkpë tsoo , héritier du tsoo de ses pères, est en même temps l’ asuzoa (chef de file du rite, cf. PLT 1985 op cit. à propos du So ) : ce n’est pas nécessairement le cas, étant donnée l’habitude Beti de substituer ( budan ) un jeune homme à son père dans l’accomplissement des phases pénibles d’un rite.
ntsig tsoo : mot à mot : celui qui coupe (qui fait cesser radicalement) le tsoo ; peut-être périphrase employée à la place de ngengan (guérisseur), mot et fonction qui encourent l’ostracisme de l’administration et de la mission ; traduit ici le plus souvent par le "prêtre" (du tsoo ) .
mgbë : sorcellerie criminelle, cf. PLT 1985 op cit.
evu : pouvoir de sorcellerie : même référence que ci-dessus.
Généralités
Le tsoo est avec le So (dont il faut bien le distinguer) l’un des seuls rites que les Beti reconnaissent comme authentiquement leur {4} : ils le connaissaient "avant la traversée du fleuve". Les Enoa le signalent à l’origine de leur histoire, organisé pour compenser l’inceste dont leur clan serait issu ( PLT. 1981 : 128 ). Au contraire du So, le tsoo a pu se maintenir grâce sans doute à sa relative discrétion sur tous les plans : il n’exige pas de mise en scène ou d’actions trop spectaculaires, il n’impose pas d’interdits durables, autres que ceux de la morale commune, il ne comporte pas de rites collectifs secrets : ceux qui y ont participé ne se trahissent donc pas par un comportement spécial, et n’ont également rien à trahir. Le tsoo ne fait pas entrer dans une société : rituel circonstanciel, il n’est pas une "institution" comme le So ou le ngi. De ce fait, l’administration n’a pas de prise sur lui ; et la mission de son point de vue, ne peut reprocher au chrétien qui s’y est trouvé impliqué qu’une chute occasionnelle… D’ailleurs la pastorale actuelle tend à accepter ce rituel, voire à prôner ses vertus positives comme "réunion de famille", tandis que, de leur côté, les tenants du rituel essaient de le concilier avec les exigences du christianisme.
En février 1967, le R.P. MÉHU et M. l’abbé Martin ATANGANA se sont aperçus que le rite tsoo se déroulait en bordure de la grand’route de Mbalmayo à Ebolowa, à Zoatupsi (40 km de Minlaba) ; ils m’ont signalé le fait le jour même ; l’abbé ATANGANA est intervenu pour convaincre le "prêtre" du tsoo, M. MESSI, de m’admettre dans l’assistance, ce qui se fit avec quelque hésitation, mais sans trop de peines, quand on sut que je ferais "comme tout le monde". MESSI protestait qu’il n’y avait ni "secret,

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