Le travail, entre public, privé et intime
256 pages
Français

Le travail, entre public, privé et intime , livre ebook

256 pages
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Description

De quoi la crise du care est-elle le nom ? De la crise des solidarités familiales ? De celle de l'État-providence ou encore du travail gratuit des femmes ? La perspective du care déplace les frontières entre le privé et le public, l'intime et le politique, la théorie et l'empirie. Cet ouvrage restitue l'effervescence actuelle des recherches sur le care. Il propose un regard pluriel, à partir d'enquêtes empiriques, sur le travail du care au Japon, au Brésil, en France, aux États-Unis, en Colombie, au Liban et en Argentine.

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Publié par
Date de parution 15 août 2017
Nombre de lectures 15
EAN13 9782140043369
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Coordonné par Aurélie Damamme Helena Hirata Pascale Molinier
LE TRAVAIL ENTRE PUBLIC, PRIVÉ ET INTIME
Comparaisons et enjeux internationaux ducare
L O G I Q U E S S O C I A L E S
LE TRAVAIL ENTRE PUBLIC, PRIVÉ ET INTIME
Comparaisons et enjeux internationaux ducare
Logiques sociales Collection dirigée par Bruno Péquignot En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collection « Logiques Sociales » entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action sociale. En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques. Dernières parutions Maxence LAMOUREUX,Les cinéastes animaliers, Enquête dans les coulisses du film animalier en France,2017. Nicolas COMBALBERT et Sophie ROTHÉ (dir.), Vieillissement, vulnérabilités et animation sociale,2017. Julien GARGANI,Carnet de voyage à Chandigarh. Ethnologie d’une recherche scientifique en Inde, 2017. Thomas SEGUIN,Politiques de la vie, La nature au prisme du social, 2017. Juan Carlos MURRUGARRA,La passion du soccer.Transmetteur de cohésion socioaffective,2017. Patricia DRAHI,Enseigner la Shoah et les questions socialement vives, Risques et défis, 2017Christiana CONSTANTOPOULOU,Récits de la crise. Mythes et réalités de la société contemporaine, 2017. Isaac NIZIGAMAIntroduction à la sociologie de la religion de Peter L. Berger, 2017 Roland GUILLON,Faire de la sociologie et militer. Regards croisés (1973-2006), 2017. e Didier CHRISTOPHE,siècleLes agriculteurs à l’aube du XXI en Limousin et Berry. Approche sociologique et entretiens, 2017. Maria do Céu Alves,La « vision du monde » sexuée chez Augustina Bessa-Luis, 2017. Jacques COENEN-HUTHER,Le regard du sociologue, 2017.
Coordonné par Aurélie Damamme Helena Hirata Pascale Molinier
LE TRAVAIL ENTRE PUBLIC, PRIVÉ ET INTIME
Comparaisons et enjeux internationaux ducare
Comité de lectureAurélie Damamme, Helena Hirata, Efthymia Makridou, Margaret Maruani, Pascale Molinier, Patricia Paperman,
Alain Smagghe, Kurumi Sugita
Cet ouvrage a bénéficié de l’appui
de l’Université Paris 8 Vincennes -
Saint-Denis/Cresppa
et de l’Université Paris 13/UTRPP
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-11672-3 EAN : 9782343116723
Introduction
Depuis une dizaine d’années, dans des pays aussi distants géographiquement et culturellement que la France et l’Espagne, le Japon, le Brésil, la Colombie ou l’Argentine…, de nombreux travaux ont prolongé ceux initiés aux États-Unis dès les années 1980 sur ce qu’il est désormais convenu d’appeler la perspec-tive ducare. Cette dissémination des recherches à l’échelle mondiale s’explique par ce que l’on a désigné sous le terme de crise ducare. D’un côté une augmentation de la longévité, en général, et des vies marquées par de sérieux handicaps, en particulier ; de l’autre côté, un effritement des formes de prises en charge familiales et gratuites par les femmes, du fait de leur présence croissante sur le marché du travail et sans doute d’une prise de conscience féministe contestant le coût personnel de l’abnégation envers les proches. Cette crise a fait apparaître la carence ou la pénurie decare comme un problème public, dé-plaçant les frontières entre le privé et le politique. La consti-tution d’un pays, l’Uruguay, a même placé lecare parmi les besoins primordiaux des citoyens et citoyennes au même titre que la santé et l’éducation. Sur toute la planète, un nouveau marché se développe, alimenté par des migrations féminines de grande ampleur en provenance des pays ou des régions les plus pauvres vers les plus riches, des campagnes vers les villes, des anciennes colonies vers les anciennes puissances colonisatrices. À cette mondialisation du travail decarerépondent des formes de recherches et de mobilisations elles aussi décloisonnées et transversales, qui pratiquent des échanges pluridisciplinaires, des comparaisons internationales et des co-constructions théoriques, formant un vaste réseau lui aussi planétaire.
La perspective ducarea été initialement développée dans le champ de la psychologie morale et des philosophies morale et politique. Or, l’une des originalités des éthiques ducare, y compris dans le champ philosophique, est de s’appuyer sur des enquêtes et/ou des expériences concrètes : enquête sur l’avorte-ment chez Carol Gilligan, expérience de la mère d’une enfant
très handicapée chez Eva Feder Kittay, pour ne citer qu’elles. On touche là à l’une des spécificités transversales du champ : quelle que soit la discipline d’appartenance, l’attention portée aux situations ordinaires ducarerelève d’une pensée enracinée dans l’expérience concrète des femmes, souvent analysée par des femmes qui en ont fait elles-mêmes l’expérience. Le rapport entre sujet et objet s’en trouve d’entrée de jeu déplacé, porté par un point de vue qui n’est pas seulement socialement situé mais aussi impliqué, et de façon sensible. À son tour, dans cette connaissance incarnée, l’antagonisme classique entre objectivité et subjectivité se dérobe. Les chercheuses et les chercheurs sont affectés, au sens que Jeanne Favret-Saada donne à ce terme, par 1 la rencontre avec les personnes, les situations . Enfin, les enquê-tes de terrain répondent à des méthodologies où chercheur·e·s et enquêté·e·s sont souvent partenaires, dans des relations où les intérêts des uns et des unes ne devraient pas l’emporter sur ceux des autres, ce qui implique des dispositifs ethnographiques ou de recherche-action soulevant encore d’autres questions, cette fois méthodologique autant qu’éthique et politique, notamment sur le bien-fondé de recherches qui n’interrogeraient pas leurs propres effets dans la vie des personnes ou ne donneraient pas à celles-ci les moyens de se les approprier comme siennes.
Les essais qui constituent le recueil que nous proposons ont pour vocation de restituer de la façon la plus vivante possible, et sans aucun souci d’exhaustivité, l’effervescence actuelle des recherches sur lecare. Ces dernières représentent un moment e important dans la pensée duXXsiècle, celui d’une pensée cri-tique du néolibéralisme à partir des épistémologies et des pratiques féministes. Ce qui forme le soubassement du choix des textes est un faisceau de connexions qui pour être internationales n’en sont pas moins proches, car les auteur·e·s qui figurent ici sont lié·e·s par des relations de travail souvent anciennes ou se sont déjà croisé·e·s à plusieurs reprises dans différents pays, différents colloques. Le deuxième élément important est l’articulation entre le niveau de l’empirie et celui de la théorie qui ne sont jamais
1 Voir son chapitre « Être affecté » dans son ouvrage,Désorceler, Éditions de l’Olivier, 2009.
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dissociés, dans un mouvement résolument empirico-théorique, récusant l’idée d’une théorie qui ferait « parler le terrain » pour privilégier un mode de connaissance ancré dans le sol de l’expérience. Mouvement conceptuel, éthique, politique, mouvement de rapprochement entre les aires géographiques et culturelles, il y a bien un « mouvement ducare» qui n’apparaît ainsi que déployé à cette échelle internationale. Il forme en réalité une toile bien plus étendue dont nous ne donnons ici qu’un tout petit aperçu. Celui-ci vise malgré tout à donner une idée de l’amplitude du mouvement, mais surtout de son esprit. Le choix des essais est marqué aussi par le souci, important à nos yeux, de mettre en avant des ambiguïtés du travail ducaretelles qu’elles ressortent des récits des travailleuses ; ces ambi-guïtés sont psychologiques et éthiques autant que politiques : proximité entre les corps, présence de la sexualité, de la mort, emballement des affects, récurrence des rapports de domination qui ne vont jamais sans violence et sans humiliation ou mépris social. Le privilège est accordé à des approches qualitatives de l’intime. L’analyse par le travail ducare en révèle l’inconve-nance, les complicités et les cruautés, mais aussi en souligne les lignes de forces. Le travail ducareest au sens fort « une forme de vie ». Il engage alors des individu·e·s mais aussi des collec-tifs qui sont constitués par et dans cette vulnérabilité. Dans un monde mis en faillite par le néolibéralisme, ses mensonges, ses arnaques, ses fausses valeurs et son faux langage, un monde brisé par l’extension du domaine de la concurrence où presque plus rien ne marche sans s’y référer, et dont on sait qu’il est pourtant voué à l’échec, le mouvement ducaremet au jour une autre éthique et d’autres récits qui questionnent sur ce qui est important pour les êtres vivants et pourrait se traduire dans le politique. La première partie de cet ouvrage est consacrée à la façon dont le travail ducareles rapports sociaux (de interroge sexe, de classe et de racialisation). Evelyn Nakano Glenn ouvre cette première partie par une perspective historique large sur le contexte américain qui montre
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l’imbrication des rapports sociaux de race, de genre et de classe dans les processus de domination des travailleuses ducare. Son point de départ : les raisons, à la fois, de la présence des per-sonnes vulnérables en tant que pourvoyeuses du travail decareet de la résistance à le traiter comme un emploi comme un autre, notamment en termes de législation du travail. L’exclusion de ce travail des systèmes de protection sociale et de la citoyenneté est analysée par Nakano Glenn comme étant due à la construc-tion sociale ducaring comme partie des rapports familiaux et du domaine privé. C’est là qu’il faut chercher d’où vient « l’obligation de prendre soin ». L’héritage historique de l’es-clavage, gouverné par des principes de propriété, où le travail des « servants » est possédé et contrôlé par les « maîtres » est mis en avant comme un des principes explicatifs de cette situa-tiondes pourvoyeuses et pourvoyeurs ducare. L’organisation et la mobilisation autour de leurs revendications aux États-Unis est évoquée en conclusion.
Helena Hirata, Efthymia Makridou et Myrian Matsuo pro-posenttrois éclairages à partir de la réalité de trois pays pour un même travailducare. Celui-ci est souvent réalisé dans le cadre d’un rapport social particulièrement inégalitaire, où se font pré-sents les antagonismes de sexe, de race, de classe sociale.Sont d’abord présentées des trajectoires de travailleuses et travailleurs au Brésil, marquées par l’informalité et une grande diversité d’emplois, notamment d’employée domestique et de femme de ménage. L’importance du travail de femmes migrantes en France (Île-de-France) en comparaison avec celui réalisé au Brésil et au Japon, est ensuite évoquée à partir de trois trajectoires de migrant·e·s. Enfin les auteures présentent les spécificités de la division sexuelle du travail au Japon, avec 35 % environ d’hommes travaillant dans les métiers ducare. La conclusion principale est qu’au Brésil, il s’agit d’un travail informel ; en France, d’un travail assuré grâce aux migrations ; tandis qu’au Japon, le chômage pousse les hommes à exercer ce métier. Cependant, en dépit des différences sociétales, le point commun pour les travailleurs et travailleuses ducareest la précarisation de leur itinéraire professionnel. Dans chaque pays, la manifes-tation des rapports sociaux est différente, mais dans les trois, ce
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sont les plus vulnérables qui deviennent des pourvoyeuses ou pourvoyeurs decare. Beaucoup d’efforts ont été faits pour « dénaturaliser » le travail et l’intelligence mobilisés dans les métiers féminisés, sachant que leurs concrétisations sont toujours susceptibles d’être confon-dues avec la mythique essence du féminin maternel. Pascale Molinier s’intéresse aux écueils de la profession-nalisation ducare. En mobilisant des exemples concrets issus d’enquêtes réalisées en gériatrie ou en psychiatrie, elle interroge la notion de « professionnalisation » au féminin, dans la mesure où l’on a voulu créer, sur le modèle de ce qui existait déjà pour valoriser le travail des hommes, des compétences, des spéciali-sations et où l’on a érigé la « professionnalisation » comme le maître mot de la reconnaissance des travailleuses ducare. Par ailleurs, Pascale Molinier montre que l’affirmation de « l’amour des malades » n’est rien d’autre que l’expression populaire d’une éthique ducare. Si la plupart du temps, cette éthique n’est pas perçue comme telle, c’est qu’elle ne ressemble pas aux éthiques conventionnelles, fondées sur l’abstraction et l’universalisation, par définition éloignées du réel et de l’expérience concrète. Chiho Ogaya analyse pour sa part le lien étroit entre le travail ducaresein de la société japonaise et la féminisation de la au migration, présentant d’abord les caractéristiques des flux migra-toires philippino-japonais. À partir de l’analyse des trajectoires de femmes philippines arrivées au Japon dès les années 1970, elle montre la continuité entre le travail d’hôtesse dans les boîtes de nuit à leur arrivée au Japon et le travail ducaredes personnes âgées quand elles-mêmes vieillissent. Prendre soin d’autrui, en l’occurence des Japonais, comme hôtesses de club, comme aides-soignantes, et comme épouses et belles-filles, quand elles se marient avec des Japonais et ont des enfants, est une démons-tration claire de la diversité des modalités d’exploitation du carefournis par des migrantes dans leur pays d’accueil. La deuxième partie de cet ouvrage porte sur l’articulation entre lecare, la famille et le travail à domicile. À partir d’enquêtes réalisées avec des travailleuses domes-tiques à Bogotá en Colombie, ainsi qu’avec des travailleuses
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