Les oiseaux du vent, les gens du vent
202 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Les oiseaux du vent, les gens du vent , livre ebook

-

202 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Les oiseaux frégates, encore mystérieux, sont très vénérés à Nauru, comme dans de nombreuses îles du Pacifique, car ils appartiennent au monde surnaturel. Ils créent le lien entre le monde visible et le monde invisible. C'est par eux que l'on communique avec les esprits. Cette admiration extraordinaire portée aux frégates par les Polynésiens vient d'une ressemblance entre eux. Comme eux, ils aiment les défis, le risque et la liberté…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2012
Nombre de lectures 6
EAN13 9782296500853
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les oiseaux du vent,
les gens du vent
Solange Petit-Skinner


Les oiseaux du vent,
les gens du vent

Les oiseaux frégates et les Polynésiens
Du même auteur

Les Américains de Paris , Mouton, Paris, 1975
Americans in Paris , Aldine, Chicago, 1977
Pêcheurs de Nauru , Nlles Editions Latines, Paris, 1979
The Nauruans , McDuff Press, San Francisco, 1981
Protocol Fidjien, McDuff Press, San Francisco, 1985
Adolescents in Fidji, McDuff Press, San Francisco, 1994
Les Iles du Pacifique , Cooks, Samoa, Salomons, Carolines, Marshalls, Mariannes, Nauru, Larousse Paris, 1980
La sexualité. Histoire des Mœurs , Gallimard, 1983
Odeur et Amour dans le Pacifique , Eurasie-Sentir, L’Harmattan, Paris, 2004
Sexuality in Nauru, in Sexual Snakes , Tahiti, 2008
En France rurale , Presses Universitaires Rennes, 2010


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-99084-5
EAN : 9782296990845

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012

à mom ami Dowow

Chapitre Un Jeu de Frégates Compétition des Esprits
Pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes
L’univers est égal à son vaste appétit
Que le monde est grand à la clarté des lampes
Aux yeux du souvenir que le monde est petit
Baudelaire
Il existe à Nauru un jeu étrange qui est une compétition pour la capture d’oiseaux-frégates. Cette compétition est bien un jeu mais la participation continuelle des esprits et du monde invisible lui donne une toute autre dimension. La place toute particulière qu’occupent ces oiseaux dans cette société apparaît ici de façon immediate avec une étonnante limpidité.

Les Océaniens, dans leur ensemble, qui ont une aptitude peu commune à dédramatiser les situations les plus catastrophiques, qui manient l’ironie avec un enthousiasme rare, accordent au jeu une importance considérable. L’élément ludique est toujours présent dans les activités, les réactions, les sentiments de ces populations. C’est même l’un des piliers de ces cultures, le challenge en est un autre.

Il convient en effet de toujours ici se surpasser, d’être toujours le meilleur et non pas supérieur à un adversaire. Dès que l’on aborde ces sociétés, on est sans cesse le spectateur d’une quasi-olympiade.


Le spectacle

L a compétition d’oiseaux-frégates a quelque chose de si étrange que son seul spectacle laisse une impression inoubliable. Tout y est parfaitement orchestré, une immense harmonie enveloppe toute la scène, joueurs et spectateurs réunis. La splendeur du paysage y ajoute la note poétique. C’est dans un silence solennel et avant que tout ne commence que s’élève un chant entonné par tous demandant protection aux esprits.
Avant même de connaître les règles du jeu, on peut immédiatement remarquer la participation de deux équipes, signalées par la présence de deux perchoirs d’oiseaux-frégates, symétriquement opposés, chacun d’eux surveillé par un petit groupe de joueurs. Tous les autres participants sont rassemblés sur la plage, ce sont uniquement des hommes car ce jeu est interdit aux femmes. Dans des temps plus anciens, elles ne pouvaient ni assister au spectacle ni même se tenir à proximité. Bien qu’elles soient actuellement tolérées, seuls les hommes se trouvent réunis sur le rivage.
Pendant les instants qui précèdent la compétition, dans ce calme absolu, perce l’attention intense de chaque joueur guettant la venue des frégates sauvages. Personne ne peut prévoir à quel moment ils arriveront, leur apparition est toujours inattendue. Le jeu n’a pas encore commencé, c’est la période préliminaire de l’attente. Les sens des joueurs sont exacerbés, que ce soit leur vue ou leur ouie, la moindre vibration est perçue. Ils sembleraient deviner l’arrivée des frégates avant même de les voir ou de les entendre. Soudain, perce le lointain et presque imperceptible bruissement d’ailes d’un frégate glissant avec le vent. Enfin l’oiseau sauvage apparaît.
Les joueurs qui le reconnaissent d’un simple coup d’oeil, ne se dressent pas au premier arrivant. Ils l’observent. Cette minute est étonnante. Les frégates apprivoisés des perchoirs, majestueux tels des monarques, les joueurs scrutant le moindre mouvement de l’oiseau sauvage, le seul bruit étant à cet instant le murmure des vagues et le bruissement du vent, tout contribue à créer un tableau fascinant. Les oiseaux sauvages se déplaçant à des hauteurs peu communes, il devient malaisé de les distinguer de ceux qui sont apprivoisés. Seul un oeil averti reconnaîtra sur les ailes de ces derniers les marques permettant de les identifier. C’est pourtant à son vol que l’on reconnaît un frégate sauvage et aucun Nauruan ne se méprendra sur ce point. "Les frégates sauvages ont un vol beaucoup plus élégant" disent-ils, "le battement de leurs ailes est bien plus harmonieux tandis que les frégates apprivoisés ont un vol plus lourd, plus pesant".
Aussitôt l’oiseau sauvage repéré au loin, bien que volant à des hauteurs insurpassées, les joueurs sont en alerte. Sans agitation, ils gagnent leur place comme les musiciens d’un orchestre, tout en scrutant le déplacement du nouvel arrivant. Pas un mot n’est échangé, pas un mouvement inutile ne se dessine. Le silence est toujours impressionnant et l’on n’entend que le cri des frégates virevoltant de plus en plus bas, puis, finalement le lent battement de leurs ailes. La tension est maintenant à son point culminant. Sur la plage, l’immobilité, comme le silence, est indescriptible et même le spectateur ne prendra pas le risque de tourner la tête. Tous les joueurs ont un genou à terre, leur fronde en mains animant l’une des extrémités d’un mouvement giratoire. Ils fixent avec une attention décuplée le vol des frégates. Tous les yeux sont rivés sur l’oiseau sauvage. Les joueurs près des perchoirs, armés d’une baguette, excitent subtilement les oiseaux qui sont posés là afin qu’ils battent des ailes, tandis que le joueur près du rivage lance des morceaux de poisson aux frégates qui arrivent. Ce moment là est crucial. Toutes les frondes tournoyant comme les danseurs d’un ballet et tous ces yeux perçants scrutant le même oiseau sauvage donnent une extraordinaire intensité à la scène qui prend une dimension presque dramatique.
Soudain, lorsque le moment est venu, les joueurs lancent leur fronde vers l’oiseau. C’est la minute d’apogée. Ces longues et minces cordelettes ondulant dans le ciel, toutes convergeant telles des flèches vers la même cible, produisent un spectacle fascinant et unique. Les frondes ne s’emmêlent ni se croisent tant est remarquable la précision du geste. Atteindre un oiseau aussi rapide, volant à une vingtaine de brasses au dessus de vous, demande une parfaite évaluation de la distance tout comme un lancer talentueux. L’oiseau est pris. A l’instant où il s’abat prisonnier sur le rivage, parfois dans l’eau, le joueur le plus proche libère la fronde et maintient l’oiseau captif en lui attachant les ailes. Il n’y a aucune précipitation, aucune agitation insensée ou inutile, la scène toute entière retient l’harmonie du commencement. Cette capture est déjà une minute de fierté pour l’équipe victorieuse qui entonne alors un chant pour remercier les esprits. Les joueurs sont maintenant prêts pour le frégate suivant.
L’élément poétique et étrange de cette compétition est aussi étonnant que l’élaboration des règles du jeu et que le talent exceptionnel des joueurs. Un enfant qui a côtoyé ce type de compétition, tout comme le jeune adulte qui s’y est entraîné, sera immanquablement sensible à l’harmonie, la subtilité, enfin à la poésie.


La compétition

L a compétition était toujours disputée, traditionnellement, et elle l’est encore souvent aujourd’hui, entre les deux parties de l’île appelées Nord et Sud. En réalité ces deux parties n’ont rien à voir avec ce que nous considérons comme le Nord ou le Sud, que nous délimitons en prenant le soleil comme référence. A Nauru, c’est le vent qui trace les limites et lui seul. Aussi, la frontière entre les deux parties de l’île, créant un régionalisme subtil et étonnant puisqu’il s’agit d’une si petite terre, est déterminée par la l

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents