Lettre à une amie hétéro
180 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lettre à une amie hétéro , livre ebook

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180 pages
Français

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Description

Cet ouvrage répond aux questions que se posent la plupart des gens sur les lesbiennes et les gays. L'auteure suit pas à pas les homosexuels dans leur famille, à l'école et sur leur lieu de travail. Elle montre à quelles inégalités ils sont confrontés en établissant constamment un parallèle avec la vie des hétérosexuels. Elle s'interroge également sur les causes de l'ostracisme qu'ils subissent et consacre enfin un chapitre au mode de vie des lesbiennes et un autre à celui des gays, chacun de ces groupes ayant des spécificités.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 92
EAN13 9782296802902
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LETTRE À UNE AMIE HÉTÉRO
Paula Dumont
LETTRE À UNE AMIE HÉTÉRO
Propos sur l’homophobie ordinaire
L’Harmattan
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54349-2
EAN : 9782296543492
Chère amie,
Je te remercie de prêter une oreille attentive à mes réflexions. Certes tu penses que tu m’acceptes telle que je suis, avec ma différence. Mais il faut aujourd’hui que j’éclaire ta lanterne car tu crois tout savoir sur l’homosexualité alors que tu ne sais pas grand-chose. Et il y a pire que de ne rien savoir, c’est de croire que l’on sait alors que l’on ne sait rien.
Ne t’excuse pas, la plupart des hétéros, femmes et hommes réunis, sont dans ton cas, et je pense faire œuvre utile en rédi-geant cette lettre à ton intention.
Comme je vais te parler avant tout d’homophobie et de lesbophobie, c’est-à-dire du rejet que mes semblables subissent quotidiennement, je mentionnerai aussi bien celle qui vise les homosexuels masculins, que j’appellerai les gays pour faire court, que celle qui vise les femmes homosexuelles que j’appellerai les lesbiennes pour la même raison. Ce qui ne m’empêchera pas de traiter des spécificités de ces deux catégories quand l’occasion s’en présentera.
Cette lettre veut être le témoignage d’une lesbienne qui a survécu comme elle a pu dans un monde hostile aux gens comme elle. Après avoir passé mon enfance et ma jeunesse dans une bourgade de cinq mille habitants, j’ai fait mes études à la faculté des Lettres de Lyon de 1964 à 1969. Or pendant toutes ces années, et dans ces lieux variés, je n’ai distingué autour de moi aucune homosexuelle. Toutes celles que j’ai rencontrées se cachaient, donc elles étaient totalement invisibles et cet état de fait se perpétue. En effet, je vis à Montpellier depuis l’âge de trente-huit ans, mais la deuxième ville gay de France sourit peu aux femmes qui aiment les femmes. Car si l’on compte de nombreux établissements spécifiquement gays dans cette ville, on n’y trouve, à ma connaissance, qu’un seul bar lesbien en tout et pour tout.
Je ne vais donc ni avouer, ni afficher, ni proclamer, mais dire très simplement ce que je sais et que beaucoup ignorent.
Je ne suis ni honteuse ni fière d’être ce que je suis puisque je n’ai rien choisi dans ce domaine. Je suis ainsi, c’est comme ça. Il y a eu jadis des lesbiennes et des gays dans toutes les civilisations, il y en a actuellement dans tous les pays, dans tous les corps de métier et tout porte à croire que ce n’est pas une espèce en voie de disparition. Je ne plaide pas, j’informe, et comme je connais cette réalité de l’intérieur, je m’exprime à la première personne du singulier, en faisant référence à ma propre expérience, à celle de mes proches et à mes nombreuses lectures. Les ouvrages dont je suis l’auteure ne sont pas euphoriques, mais pas pessimistes non plus. Je ne les écris pas pour faire rêver. Ils disent ce qui est, et ce qui pourrait être si l’on nous regardait comme des citoyennes et des citoyens à part entière et non comme des parias.
Comme le colibri de la fable amérindienne qui allait chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur un immense incendie, alors que les autres animaux terrifiés assistaient impuissants au désastre, je fais ma part. A d’autres plus doués, plus savants, plus performants, de prendre le relais.
ITINÉRAIRE DES LESBIENNES ET DES GAYS

Tu as déclaré hier que la condition des homos, comme celle des hétéros, devait comporter des avantages et des inconvénients. C’est bien féminin, ce besoin de faire la part des choses, de rechercher l’équilibre au lieu de foncer pour venir à bout des inégalités qui subsistent entre les différentes catégories de la population. Mais plutôt que de chinoiser sur ton éducation et sur ton caractère, je vais t’expliquer pourquoi et comment les homosexuels des deux sexes restent des parias ou tout au moins des citoyens de seconde zone dans le monde d’aujourd’hui.

Famille
Je vais prendre par la main un petit gay et une petite lesbienne pour te faire cheminer avec eux dans ce que tu crois être un parterre de roses. On sait aujourd’hui que 80% d’entre eux se sentent différents des autres, en moyenne, vers huit à neuf ans1. Toujours en moyenne, ils ressentent les premiers attraits sexuels pour une personne de leur sexe à onze ans, les premiers fantasmes érotiques à quatorze ans et le premier orgasme consenti à dix-sept ans. Ils admettent enfin qu’ils sont homosexuels à vingt ans. Or, ce parcours n’a pu se faire que dans la douleur, une douleur faite de déni, de silence, de honte et de dissimulation.
Comparons cet itinéraire avec celui des hétérosexuels.
S’il s’agit d’un garçon, ses parents vont, sans aucune arrièrepensée, se réjouir de le voir s’intéresser aux filles : pour eux c’est la preuve qu’il est en bonne santé et qu’il pourra leur donner des petits-enfants dans un avenir proche ou lointain.
Pour la fille, c’est la même réaction avec un bémol : sa mère va s’inquiéter au sujet d’une éventuelle grossesse prématurée, l’emmener chez le gynécologue et la pourvoir en contra-ceptifs. Dans les deux cas, les parents se feront également du souci au sujet du sida : plus question de coucher à tort et à travers sans préservatif, comme les jeunes gens de la génération du baby boom dans les années 70. S’ils ont pour deux sous de jugeotte, ils vont parler sérieusement à leur enfant des risques qu’il court et des précautions qu’il doit prendre. Bref, à travers le premier amour de leur fils et de leur fille, ils vont revivre leur propre adolescence, reconnaître, dans leurs enfants, leurs premiers émois, leur premier baiser et leur premier rapport sexuel. Je me souviens de ton sourire radieux quand tu m’as confié à mi-voix, au sujet de ton fils aîné qui venait d’avoir seize ans : “Je crois que Mathieu est amoureux !” En effet, Mathieu était constamment pendu à son téléphone portable, il devenait coquet et soucieux non seulement de ses vêtements, mais encore de ses sous-vêtements, indices qui, en te rappelant des souvenirs, t’avaient mis la puce à l’oreille et, avoue-le, rassurée sur sa virilité, donc sur sa normalité.
Pendant ce temps-là, le petit gay et la petite lesbienne vivent leurs attirances dans l’inquiétude, voire l’angoisse, et la solitude. La famille, c’est pourtant de l’avis général le havre de paix, le lieu de réconfort où l’on vient chercher compréhension et chaleur humaine. Pour tout le monde, oui, sauf pour les homosexuels. Je me souviens d’un film autobiographique de Michel Drach, intitulé Les Violons du bal, qui racontait l’histoire d’une famille juive pendant l’Occupation. Le petit garçon, personnage principal du film, revenait de l’école où il s’était fait traiter, d’une manière insultante, de Juif par ses camarades dans la cour de récréation. Aussitôt sa mère, incarnée par Marie-José Nat, le prenait dans ses bras et le cou-vrait de baisers en lui disant : “Nous sommes tous juifs, mon chéri. Je suis juive, ta grand-mère est juive et tu es mon petit juif chéri”. Or l’homophobie, c’est pire que le racisme parce que le Juif et l’Arabe trouvent amour et réconfort dans leur famille, parmi leurs semblables, alors que l’homosexuel est, d’abord et avant tout “l’autre”, il est différent jusque dans sa famille. J’attends avec impatience de lire le roman ou de voir le film où un jeune gay ou une jeune lesbienne sera accueilli par sa mère avec des baisers quand il ou elle sort du placard, et par des propos tels que : “tu es mon petit pédé chéri” ou “tu es ma petite goudou adorée”. J’ajoute que la plupart des parents homosexuels sont soulagés quand ils apprennent que leur gosse n’est pas comme eux ! Homophobie intériorisée ?
Oui certainement, mais aussi soulagement de parents heureux que leur enfant ne vive pas le calvaire qu’ils ont eux-mêmes connu pendant leurs dures années d’apprentissage, au cours de leur jeunesse.
La plupart des jeunes gays et des jeunes lesbiennes cachent leur homosexualité à leurs parents pour ne pas les décevoir dans leurs attentes. C’est assez dire dans quelle solitude vivent ces jeunes au sein d’une famille homophobe.
L’enfant, quand il se décide à faire son coming out, c’est-à-dire à affirmer qu&

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