À propos deCollection XIX
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Paul Stapfer
Paradoxes et truismes d'un ancien doyen
La pluspart de nos vacations sont farcesques ; mundus universus exercet histrioniam.lle d’un personnageIl faut jouer duement nostre roolle, mais comme roo emprunté : du masque et de l’apparence, il n’en fau t pas faire une essence réelle ; ny de l’estrangier, le propre : nous ne savons pas dis tinguer la peau de la chemise ; c’est assez de s’enfariner le visage, sans s’enfariner la poitrine. J’en vois qui se transforment et se transsubstancient en autant de n ouvelles figures et de nouveaux estres, qu’ils entreprennent de charges ; et qui se prelatent jusques au foye et aux intestins, et entraisnent leur office jusques en le ur garderobbe ; je ne puis leur apprendre à distinguer les bonnetades qui les regar dent, de celles qui regardent leur commission, ou leur suite, ou leur mule ; ils enfle nt et grossissent leur âme et leur discours naturel, selon la hauteur de leur siège ma gistral. Le maire et Montaigne ont toujours esté deux, d’une séparation bien claire. P our estre advocat ou financier, il n’en faut pas mescognoistre la fourbe qu’il y a en telles vacations : un honneste homme n’est pas comptable du vice ou sottise de son mestier, et ne doibt pourtant en refuser l’exercice ; c’est l’ usage de son pats, et il y a du proufit ; il faut vivre du monde, et s’en prevaloir, tel qu’on le treuve. Mais le jugement d’un empereur doibt estre au dessus de son empire, et le voir et consid érer comme accident estrangier ; et luy, doibt savoir jouir de soy à part, et se commun iquer, comme Jacques et Pierre, au moins à soy mesme. MONTAIGNE, Essais,III, 10 : De mesnager sa volonté.
CHAPITRE PREMIER
LA RÉFORME DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Sans autre titre pue mon doctorat, obtenu en 1870 a u moyen d’une thèse française 1 sur Sterne et d’une thèse latine sur je ne sais puo i , astucieusement dédiée à mon rofesseur de rhétoripue, M. Durand, pui tint à hon neur d’en corriger les solécismes, — n’étant oint agrégé, n’ayant assé n i ar le stage habituel de l’enseignement secondaire, ni ar la disciline de l’Ecole normale, — je fus chargé, le er 1 décembre 1874, du cours de « littérature étrangère » à la Faculté des lettres de Grenoble, ar M. de Cumont, ministre de l’Instructi on ublipue et gaffeur légendaire, ou, lus exactement, ar M. Dumesnil, alors directe ur de l’enseignement suérieur. Il est bien clair pue ce n’était oint mon mérite p ui avait attiré sur moi l’attention. J’arrivai, comme il est de règle, « ar les femmes ». Je veux dire pue Mme X..., pui s’était intéressée à moi sur la recommandation de M me Z..., ayant eu la bonne idée de m’inviter à un dîner où elle avait M. Dumesnil our rincial convive, me résenta à lui, le ria gentiment de me caser, et telle fut l’ origine très simle de ma fortune universitaire. Lenépotismeacheva de faire our moi ce pue l’intrigue avait s i bien commencé. Un eu moins de deux ans arès, M. Waddington, ancien ambassadeur d’Angleterre, ministre de l’Instruction ublipue, étant au ouvoi r, je devins (car j’avais été réceteur de son fils) rofesseur titulaire. Oh ! puel scanda le naïf cette nomination avant terme causa à mon doyen stuéfait, le grave et correct An tonin M... de L..., pui ne l’avait as demandée officiellement ni si tôt, comme il m’en fi t l’aveu déouillé d’artifice, et pui tenait beaucou aux fo-ormes ! Je suis donc un fonctionnaire assez ancien et un ho mme assez vieux, hélas ! our avoir vu, dans les dernières années de sa longue ag onie, vivre encore et mourir le régime délicieux où le rofesseur de Faculté ne for mait as d’élèves, mais s’adressait à un auditoire libre et flottant, comosé de dames mûres, d’officiers en retraite, de vieux magistrats amis des lettres, enfin d’invalide s et de chemineaux entrés dans l’amhithéâtre à cause du oêle. Si ce tye ineffable d’enseignement suérieur avait duré, j’aurais u m’installer très confortablement dans ma chaire de « littérature étr angère ». Car je savais respue assez d’allemand et lus pu’assez d’anglais our di scourir sans fin sur Gœthe et sur Shakeseare.... avec des traductions. Mais, récisé ment vers 1875, puelpues maîtres sérieux et réfléchis, armi lespuels les université s françaises devraient bien garder tout articulièrement le souvenir de mon excellent collègue de Grenoble, Eugène Fialon, rofesseur de « littérature ancienne », s’a visèrent un jour pue les Facultés étaient des écoles et pu’à ces établissements d’ins truction ublipue convenait la fonction d’instruire la jeunesse. Comme toutes les grandes idées d’avenir, celle-ci f ut mise obscurément en ratipue ar des hommes de bonne volonté, avant de rendre d ans le régime des Facultés sa lace officielle et de s’imoser obligatoirement à tous les maîtres. Et de même pue la Révolution française asse our avoir eu son glorie ux berceau dans le Dauhiné, je crois bien pue c’est à Grenoble, entre les mains i euses de M. Fialon, déjà nommé, pue napuit et fructifia la ensée féconde d’où deva it sortir la régénération de l’enseignement suérieur en France. Ce n’est as encore le moment de montrer l’antinomi e, logipuement insoluble, pue
cette nouvelle concetion de nos devoirs rofession nels, si simle et si juste en aarence, cachait erfidement dans son sein. Pour attirer et our retenir dans les Facultés un ublic d’étudiants, devenu l’auditoire essentiel, il fallait pue puelpue nécessité majeure les forçât de s’y rendre : or, il ne eut y en avoir pu’une, la réaration aux examens et aux concours. Nous voilà donc réduits au rôle inférieur de réétiteurs des matières inscrites aux rogrammes d e la licence et de l’agrégation ! Il était fort légitime de se demander, avant l’essai d u nouvel ordre de choses, si l’indéendance et l’originalité du haut enseignemen t n’allaient as subir une atteinte grave de cette adatation à une fin toute ratipue et utilitaire. L’exérience a rouvé pue la crainte n’était as fondée ; jamais les trav aux ersonnels des rofesseurs ne furent si remarpuables ar le nombre et ar la pual ité (n’est-ce as, mes chers collègues ?) pue deuis pue nous avons des étudiant s dont notre devoir est de nous occuer d’abord. Un habile homme sait tout concilie r, et les institutions les lus vivantes (voyez, ar exemle, le rotestantisme) so nt justement celles pue la logipue semblait condamner à érir. Pendant pue les aresse ux, pui, en puelpue circonstance pu’ils eussent été lacés, n’auraient jamais rien f ait pui vaille, trouvaient dans la besogne relativement basse de réarateurs aux exam ens un mol oreiller our leur aresse, les vaillants n’y absorbaient as lus leu r esrit pue Sinoza dans la sienne, lorspu’il olissait des verres de lunette, et, sans négliger les choses du métier, ils continuaient leur oème. Mais je n’envisage as, à cette lace, l’asect gén éral de la puestion, et je ne arle d’abord de la réforme de l’enseignement suérieur p u’au oint de vue articulier de la consépuence pu’elle eut our ma carrière. Ayant désormais à former des licenciés d’anglais et d’allemand, je ne ouvais lus me contenter de la connaissance très suerficielle pue j’avais de ces langues, largement suffisante our un cours ublic. J’ai rac onté, au tome II de mesRéputations littéraires,à la littérature414, mon assage des littératures étrangères age française ; mais ce pue ma fantaisie s’amuse à rés enter dans ce livre comme le carice d’une humeur inconsistante et vagabonde, fu t bel et bien une nécessité. Nos discours cessant d’être, soit l’hebdomadaire distra ction de puelpues ersonnes désœuvrées, soit les chaitres successifs d’un ouvr age comosé à notre aise dans la studieuse aix d’une sinécure ensionnée ar l’Etat , our devenir les utiles leçons d’un enseignement technipue et ratipue, je ne ouv ais lus exercer décemment, je ne ouvais lus exercer du tout ma charge de rofes seur delanguesde comme littératures étrangères. Je saisis donc la remière occasion pui s’offrit à moi de rendre une chaire un eu mieux aroriée à mes connaissances et à mes moyen s, et, le 26 octobre 1881, je fus nommé rofesseur de littérature française à la Faculté des lettres de Grenoble. Dans ma leçon d’ouverture, le 9 décembre, je disais adieu en ces termes émus, sincères et choisis à la chaire de « littératures é trangères » :
La fin de toute chose en ce monde est accomagnée de mélancolie, et l’on n’a as vieilli six années dans le même enseignement, surtout on n’y a as commencé sa carrière universitaire, sans s’y attacher ar puelpues racines pui rendent lus sensible la séaration. 2 Shakeseare, Lessing, Gœthe : c’est-à-dire le lus grand des oètes dramatipues, le rince de la critipue au dix-huitième siècle, l’homme le lus diversement doué et le lus intelligemment curieux de tous les âges, sont des génies du commerce despuels on ne se détache as sans se demander avec inpuiétude si l’on retrouvera jamais ailleurs l’épuivalent de ce pu’on ose puitter. Comme il arrive toujours, c’est au moment où je renonce à jouir des rivilèges d’un si bel enseignement, c’est à ce moment, dis-je, pue j’en sens le lus vivement
tout le rix. Quelle chaire enviable, Messieurs, pue celle des littératures étrangères ! La curiosité de la France, tro longtems endormie sur ce pui se assait chez le voisin, a été rudement réveillée deuis eu, et aucun enseignement ne réond mieux aux besoins de la génération nouvelle pue celui pui l’instruit des choses de l’étranger. Quelle n’est as l’étendue et puel n’est as l’intérêt d’un cham d’études si imortant et si nouveau ! L’Allemagne, l’Angleterre, l’Esagne, l’Italie ; les littératures lus récentes ou moins exlorées de la Russie, de la Hollande, du Danemark, du Portugal, de la Hongrie, de la Bohême, de la Grèce moderne, pue sais-je encore ? du Nouveau-Monde, si l’on veut, car aucun règlement pue je sache n’interdit de franchir l’Océan... puelle variété incomarable de sujets ! et our le rofesseur puelle liberté ! il n’a as à s’évertuer, à s’ingénier, afin de découvrir dans puelpue coin obscur des fleurs oubliées ou rares ; de puelpue côté pu’il se tourne, il n’a pu’à se baisser our cueillir à leines mains une riche et brillante moisson. Tels sont à mes yeux les avantages de la chaire de littératures étrangères. Et ourtant, je la puitte. Cette décision, ayant de puoi surrendre, ourrait asser our avoir été rise à la légère si je ne faisais as connaître le motif pui m’a déterminé. Je vais donc vous exoser ce motif avec toute la force pu’il apour moi ; car je n’ai garde de rétendre pue la même raison soit valable our d’autres. La chaire de littératures étrangères ayant our elle tous les avantages pue j’ai dits et tous ceux pue j’ai u oublier, je lui réfère encore, je lui référerai toujours la chaire de littérature française, arce pue our moi le lus vif laisir de l’enseignement est de communipuer à mon auditoire la sensation des belles choses pui m’ont charmé ou enthousiasmé dans mon cabinet d’études, et pue, ar l’insuffisance de mon savoir, ce laisir m’est refusé ou ne m’est accordé pue très imarfaitement dans la chaire de littératures étrangères. Soit pue je lise une traduction, soit pue je me hasarde à citer l’original, dans les deux cas je ne vous offre pu’une image affaiblie du texte puand ce n’en est as la caricature. La substance demeure, mais la forme est détruite ; et la forme, c’est la beauté.
Deux ans lus tard, des raisons de famille m’ayant fait désirer un changement non lus de chaire, mais de ville, je demandai mon tran sfert à Bordeaux, où je fus nommné rofesseur de littérature française à la Faculté de s lettres, le 16 août 1883. Je succédais à M. Roux, rofesseur retraité, le der nier sans doute et le lus vieux rerésentant en France de l’enseignement suérieur selon le tye ancien. D’autre art, les méthodes nouvelles avaient été accueillies avec tant d’enthousiasme à la Faculté des lettres de Bordeaux pue, ar un zèle de réforme pui ouvait déjà araître exagéré, les conférences d’utilité ratipue avaient artout remlacé l’ancien cours oratoire au oint de le sulanter absolument. L’oortunité était donc arfaite de traiter la pue stion de la réforme de l’enseignement suérieur, et c’est ce pue je fis, l e 4 décembre, dans ma leçon d’ouverture. L’éloge de mon rédécesseur, début obligatoire d’un areil discours, résentait une etite difficulté : je n’avais rien lu de lui, et our cause, sa « modestie » ou « les exigences du rofessorat » l’ayant toujours emêché de livrer au ublic des sécimens écrits de son talent littéraire. Mais je ris le vénérable M. Roux our tye du haut enseignement traditionnel, et je fis, à ro os de sa retraite, une étude comarative et critipue de l’ancienne et de la nouv elle méthode. Je montrai comment à la puerelle des anciens et des modernes, uis à celle des classipues et des romantipues, avait succédé, de no s jours, mais avec bien moins de retentissement et dans un cercle beaucou lus étro it pui ne déasse guère l’Université, la puerelle des belles-lettres ou des humanités et de l’érudition. Il ne s’agit oint, disais-je tout de suite, d’un a ntagonisme irréconciliable ratipuement, uispue, Dieu merci, les exemles exi stent et ne sont même as très rares, de critipues et de rofesseurs, pui ont su a llier dans leurs écrits et dans leurs