Parole d honneur
247 pages
Français

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Parole d'honneur , livre ebook

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247 pages
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Description

Un homme au soir de sa vie trie les papiers qu'une femme, plus jeune que lui, a laissés derrière elle à sa mort. Tous deux ont été unis par des liens rares et forts : il était psychanalyste, elle a été sa patiente ; il se sont perdus de vue puis retrouvés après vingt ans de silence, pour finir par nouer, une relation nouvelle, non moins décisive pour eux deux. Lui rêvait de faire œuvre de romancier. Elle ne souhaitait qu'un chose : que sa vie à elle soit, malgré les traverses, une aventure accomplie, une œuvre aussi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 75
EAN13 9782296446892
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PAROLE D’HONNEUR
© L’H ARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13064-7
EAN : 9782296130647

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Anna Marin
Jean Gillibert


PAROLE D’HONNEUR

suite freudienne
ADRESSE AU LECTEUR
Anna Marin était une très jeune femme quand elle vint me voir à mon cabinet. Je l’ai prise en analyse car je pensais, à juste titre, que cette thérapeutique la sortirait d’une impasse douloureuse. Son apparition – c’est le mot – correspondit à une période de ma vie où je m’essayais au roman. Les difficultés que je rencontrais à l’heure d’écrire me semblaient insurmontables et j’avais pris l’habitude de les consigner dans un cahier, cherchant à comprendre en moi les motifs de ce handicap.
J’ai rapidement saisi que, chez cette patiente, les souffrances causées par une enfance ravagée n’avaient en rien émondé la retenue que sa liberté intérieure chèrement acquise lui conférait. Surmonter sans avoir à oublier, telle semblait être sa devise, que j’avais faite mienne depuis longtemps. Cela, sûrement, nous rapprocha.
La relation de son passé, et des agissements de sa mère qui semblait s’être acharnée à l’anéantir dès sa venue au monde, parla d’abord en moi au thérapeute, mais pas seulement à lui. L’écrivain en panne de fiction, je m’en rendis vite compte, trouvait aussi matière à rêver dans cette histoire d’une transmission de vie massacrée : au point que j’en vins, plus tard, à tisser autour du personnage de cette mère maléfique la trame d’un roman… qui ne vit jamais le jour. Mais ceci est une autre histoire et je dois me garder de brûler les étapes, sous peine de vous faire perdre pied.
L’analyse d’Anna prit fin et celle-ci disparut de mon horizon. Cependant, ce que j’avais appris lors de ce travail et lors de cette rencontre continua d’œuvrer en moi.
Vingt ans plus tard le hasard – s’il existe – nous fit nous croiser et nous avons alors décidé de nous revoir… ce que nous fîmes pendant dix années, lors de soirées où nous parlions de tout et de rien, dans ces conversations que j’appellerais d’âme à âme ; elle cherchant avant tout auprès de moi à élucider l’énigme de nos liens ; moi suivant la route qu’elle me traçait – car, bien qu’enseignant la philosophie, elle dirigeait aussi une collection de littérature chez un petit éditeur – et qui devait me conduire à réaliser, enfin, mon projet de fiction. L’inscription de ces rencontres, de nos questionnements et cheminements, se lit en partie dans notre correspondance, car Anna, bien que nous habitions la même ville, avait pris l’habitude de m’écrire – reliquat probable d’une situation où sa parole ne pouvait sourdre que hors de ma vue –, et ses lettres appelaient presque toujours qu’on y répondît.
Quand sa mère mourut brutalement, lui revint le désir, qui l’avait si souvent taraudée et dont elle m’avait fait part, de consigner son histoire sur le papier. La découverte, dans le secrétaire de sa mère, du journal d’un jeune homme qu’Anna avait aimé, la décida : elle camperait cette femme, cela devenait évident et essentiel, dans un récit qu’elle souhaitait exhausser en fiction. Pour cela, elle entreprit de recueillir divers témoignages, ce à quoi elle se consacra avec vigueur, qui devaient lui permettre de parfaire le portrait romanesque du personnage.
Je ne sais pourquoi j’eus alors un mauvais pressentiment.
D’un commun accord, sinon d’un même mouvement, nous nous étions rendus peu auparavant en Grèce, qui avait toujours été pour nous, plus que le lieu du sacré, celui des grands commencements, de la « première scène ».
Je proposai donc à Anna – sans qu’elle renonce pour cela à son projet – que nous réalisions elle et moi un autre dessein : la relation, ensemble, sous forme de fiction, de ce qu’avait été pour nous ce voyage, qui conjuguerait nos deux histoires… et les conduirait à bonne fin , car nous pensions l’un et l’autre que cette liberté à laquelle si fort nous tenions n’existe en nous qu’autant que nous veillons à garder en vue l’issue finale. Le titre du « roman » fut choisi : Le Soleil en face…
Mais les dieux vers lesquels nous nous étions tournés ne l’ont pas voulu ainsi. Au printemps 98, Anna dut affronter une première alerte de santé, qu’elle refusa de prendre au sérieux. Un an plus tard, le 10 mars 1999, son cœur qu’elle n’avait jamais ménagé s’arrêta finalement de battre. La veille encore, nous mettions au net les dernières phrases du premier chapitre de notre « roman à quatre mains ».


Des années se sont écoulées avant que je puisse ouvrir les cartons où étaient enfermés les travaux universitaires et personnels dont Anna m’avait institué légataire. Je m’y suis résolu l’an passé, et la lecture de ces papiers – en tout cas de ceux que vous allez lire – m’a laissé une étrange impression, de celles qui résonnent en nous à l’écoute de ces musiques inachevées dont tout nous dit qu’elles sont des œuvres , même si leur manque l’accomplissement de la forme.
L’ensemble n’était pas difficile à organiser. Anna avait déjà mis en ordre quelques textes provenant de témoins qui avaient croisé le chemin de sa mère. A l’époque elle m’en avait parlé ; je ne les avais pas lus. Rangés dans le même carton se trouvaient le journal qu’elle avait tenu du temps de son analyse ainsi que les lettres que nous avions échangées elle et moi : c’était plus qu’un signe ; une injonction presque. Je me suis contenté d’y adjoindre un cahier de notes de ma main, exactement contemporain du journal d’Anna, de même que le premier chapitre de ce Soleil en face qui sonne ici, dans son suspens, comme un accord étrangement final.
A bien les lire, ces textes a priori disparates nous révèlent tous le même portrait : celui d’une âme tout appliquée au difficile métier de vivre, et qui déploie à cette tâche une vigilance rare. Si j’y fais aussi entendre ma voix, c’est avec moins d’insistance : notre aventure l’a voulu ainsi.
J EAN L IBER.
LIVRE PREMIER
LE PREMIER TÉMOIN
Londres, 21 mars 1998
Ma chère enfant,
Je m’étais dit : ma sœur dans le trou, la paix va enfin descendre sur nous. C’était oublier qu’avec toi on ne fait jamais relâche. Pas de tout repos, ma petite Antigone, Samuel avait d’emblée vu juste. Cela posé, en toute affection, j’admire ton inflexible détermination et ta vaillance. Tu as raison : certains fantômes aussi sont pernicieux et doivent être exterminés. Je ne suis pas certain de saisir les motifs et le but de l’aventure dans laquelle tu te lances. Mais ma confiance, comme toujours, t’est acquise, il y a belle lurette que je souhaite te voir écrire, et je veux bien t’aider à tordre le cou de ce revenant-là. Je vais ramasser pour ton projet tout ce qui dort dans ma mémoire, et je jure de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, cependant, tu sais, je n’ai pas mille souvenirs de mon enfance avec ta mère.
Promis, je n’édulcorerai rien. Nous avons suffisamment payé, toi et moi, pour acquérir ce regard froid qui peut autopsier les morts. Quand il fait volontairement appel à sa mémoire, l’homme est enclin à reconstruire son histoire. Il l’enjolive ou la noircit à son profit, tantôt cherchant la gloire, tantôt la charité. La vérité ici sera la mienne, que borne et cautionne mon attachement pour toi. En bref, si ma sœur a eu des excuses à être une mauvaise mère, c’est une histoire que mon propos entend ignorer. Dieu m’est témoin que je ne suis qu’un témoin dont la parole attestera ton innocence. Quant à ton absence de remords, cesse de te tourmenter. Elle est à la fois contingente et normale. Pour moi, sache que je t’absous et que tu restes l’enfant de mon cœur.


Donc, le premier souvenir que j’ai d’elle.
Le jour de mes six ans, ton grand-père m’a réveillé, trompetant et triomphant : « Bobby, Bobby, it’s your happiest birthday ! Tu oublieras jamais ! Thanks your mother : this night, ton petit sœur est née ! »
Sûr, je n’allais pas l’oublier, il est rare qu’un enfant reçoive un bébé en cadeau d’anniversaire ! Ce 15 juin, qui devint de sinistre mémoire, mon père m’offrit aussi un album anglais… Je crois bien que cela se rapportait à la Rome antique. Je me souviens vaguement de monuments, d’images austères, des gravures sans doute, mais ce qui me sauta aux yeux et que je n’ai pas oublié, ce sont, accolées à des chiffres, des lettres qui m’apparurent gigantesques : ces BC, AC (l’équivalent de nos av. J.-C. ; apr. J.-C.), non seulement étaient liés pour moi à l’apparition de cette sœur, mais ils prouvaient, de manière logique et incontestable que son existence et la mienne n

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