Petite histoire de la psychiatrie allemande

Jean-Claude Grulier

Description

Lire la collection : Allemagne d'hier et d'aujourd'hui

L'auteur nous entraîne depuis Kant sur les chemins croisés des philosophes et des médecins. Il s'agit de comprendre le rôle de l'histoire et du contexte social dans la genèse ou l'appréhension des troubles psychiques. Le malade est-il raisonnable comme le pressent Pinel? A travers ce récit brillant et documenté, l'auteur nous fait découvrir les progrès de la médecine et de la pensée, les doutes, les hésitations, mais aussi les certitudes et les contrevérités. Voici l'épopée de la psychiatrie allemande.

Sujets

• Psychiatrie
• Histoire
• Psychanalyse
• Psychologie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 juin 2006
• Nombre de lectures: 47
• EAN13: 9782296149892
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

À Barbara, Viviane, Patrick, Brigitte À ma famille allemande

À la mémoire du Professeur Théophile K AMME RE R, pour avoir accompagné nos premiers pas en psychiatrie et à ceux qui nous ont enseigné :

Pr Lucien ISRAË L, Pr J.J. K RE SS, Pr D. HOUZE L,

Dr Maurice LAVAUX , hommage et gratitude. Au Professeur Marcel FRANÇOIS pour vos leçons de philosophie, avec une infinie reconnaissance.

Ô vie, ô hommes, amitiés renaissantes

E t tout le sang du monde circulant dans des veines Dans des veines différentes mais des veines d’hommes D’hommes sur la terre.  Les hommes sur la terre  Robert Desnos  942 Il faut donc bien saisir les phénomènes célestes, expliquer les courses du soleil et de la lune,

la force par laquelle tout s’accomplit sur terre,

mais surtout découvrir par un raisonnement subtil la nature de l’âme et celle de l’esprit.  De Rerum Natura  Lucrèce

ou

PRÉ FACE

Comment a lu son livre, un ancien professeur de sciences qui enseigna, il y a quarante ans de cela à Lyon, les rudiments de la biologie animale et humaine à Jean-Claude Grulier au cours de sa première année d'études universitaires de futur médecin. Le professeur ignora ensuite ce que devint l'étudiant, parmi tant d'autres, après son succès à l'examen. Ils refirent, ou plutôt ils firent connaissance récemment à l'occasion de livres publiés par l'un et par l'autre et échangèrent simplement à distance une correspondance dont cette préface est le dernier avatar. Elle témoigne de leur attachement fidèle au même humanisme qu'ils partagèrent jadis plus profondément qu'ils ne l'auraient cru, malgré l'écart de l'âge et du parcours.

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E n ouvrant ce livre, on est tout de suite prévenu qu'il ne faut pas s'attendre à un ouvrage technique cantonné dans une spécialité médicale. Ce n'est pas seulement une histoire des idées sur le fonc- tionnement pathologique de l'esprit, et de leur mise en œuvre thé- rapeutique dans la médecine d'un pays donné. C'est aussi l'exposé d'une certaine vision de l'homme : celle de l'auteur qui veut entraî- ner son lecteur au-delà des constats cliniques, dont la prétendue neutralité scientifique n'est parfois qu'une faiblesse de l'esprit, ou une lâcheté.

Ainsi, dès les premières pages d'introduction, on lit des citations de Lucrèce, Pascal, K arl Jaspers, Saint Thomas, Spinoza et surtout de K ant (chap. I) et ses fulgurances prémonitoires du genre : " le fou est un dormeur éveillé" qui souligne l'importance des rêves. Or K ant, dans une phrase liminaire de son "E ssai sur les maladies de la tête" prolonge, comme dit G rulier, la défiance pascalienne vis-à- vis des oripeaux de la vêture et de la pensée. Le philosophe alle- mand écrit en effet : " À mesure que les arts s'élèvent, raison et vertu deviennent le mot d'ordre général, mais de telle sorte que

l'ardeur à en discourir dispense les personnes instruites et bien élevées du soin de les posséder." (p. 26). Qu'on se le tienne pour dit.

Le mot "arts" doit évidemment être pris dans le sens actuel de "culture". E st-il nécessaire de le préciser ? Oui, parce que ce livre nous plonge dans un univers au langage polysémique, voire poly- glotte dont tout lecteur non initié à la psychiatrie va parfois souf- frir, découvrant une fois de plus qu'il n'y a pas d'intelligence sans effort. On ne peut vouloir comprendre les hommes – à plus forte raison les hommes malades – sans payer au prix fort la possibilité de les aborder dans leur infinie diversité, présente et historique, qui ne saurait s'exprimer toujours dans une rhétorique unique.

Il ne s'agit donc pas des difficultés de la langue allemande qui, en tant que telle, n'intervient pas dans ce livre. Les malentendus qui jalonnent l'histoire de la psychiatrie dans tous les pays sont plus insidieux.

Le premier est d'abord dû à cette discipline médicale elle-même. La rigueur du travail quasi encyclopédique de Jean-Claude G rulier ne le dissimule pas.

E n effet, les idiomes que la psychiatrie utilise varient selon les écoles au cours des siècles et selon les lieux. Janzarick évoque à cet égard, encore en  974, un "mode d'expression ésotér ique" (p. 92). D'autant plus que la classification des troubles mentaux (p.32) subit des remaniements historiques incessants. On ne cesse d'éprouver des déphasages successifs dans cette "Petite histoire de la psychiatrie allemande" où l'on circule entre l'hypocondrie, la mélancolie, la complexion, les passions, les pulsions, les dérange- ments, délires et démences, l'hystérie, la schizophrénie. Tous les termes de cette nomenclature – indispensable dans un tel livre où G rulier, heureusement, nous guide avec efficacité – n'ont pas les mêmes définitions et les mêmes résonances aujourd'hui que jadis, ici ou ailleurs. Sans parler, plus généralement, du psychisme et du somatisme, des névroses et des psychoses dont les revendications de territoires médicaux et les conflits de frontières nous réservent encore pour demain quelques siècles de guerres sémantiques.

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