Pour une clinique du toxicomane et de la toxicomanie
282 pages
Français

Pour une clinique du toxicomane et de la toxicomanie , livre ebook

282 pages
Français

Description

Le lecteur trouvera ici vingt textes présentés par ordre chronologique de 2000 à 2014. Ce choix procède d'une volonté de faire part, à travers ces récits, du passage du temps. Cette chronique révèle les différentes évolutions des notions, des préoccupations sociales et cliniques ou bien encore les délicates relations entre justice et thérapeutique. Dans le même esprit, nous avons souhaité adjoindre les différents arguments des Journées (2007-2013) qui ont cette double fonction : celle de convier au débat et celle d'imprimer l'actualité de la question de la drogue et de la toxicomanie année par année.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2014
Nombre de lectures 45
EAN13 9782336364148
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES JOUR NÉES DE R EIMS
POUR UNE CLINIQUE DU TOX ICOM ANE ET DE L A TOX ICOM ANIE
Les journées de Reims Pour une clinique du toxicomane et de la toxicomanie
LES JOURNEES DEREIMSPOUR UNE CLINIQUE DU TOXICOMANEET DE LA TOXICOMANIEUne publication de L’association C.A.S.T. 27, rue Grandval 51100 REIMSL’Harmattan
Précédentes publications de l’Association C.A.S.T. aux Editions L’Harmattan -1993-DROGUES ET TOXICOMANIES. ETUDES ET CONTROVERSES -1994-LE CHOIX DU TOXICOMANE EXPERIENCE THEORIE ANALYSE -1995-TOXICOMANIE, TOXICOMANES GESTION OU TRAITEMENT -1996-LE DESTIN DU TOXICOMANE LE DESSEIN DES INSTITUTIONS -1997-COMMENT SOIGNER DES TOXICOMANES ? -1998-CLINIQUE ET CONTEXTE DANS LE TRAITEMENT DES TOXICOMANIES -2000-TRAITEMENTS DE SUBSTITUTION HISTOIRE ETUDE PRATIQUE
Prologue Autres que la prise en charge des patients toxicomanes et la tentative d’élucider les causes de la toxicomanie, leCAST(Centre d’Accueil et de Soins pour les toxicomanes de Reims) mène à bien, et cela depuis plus de 35 ans, une série d’activités connexes à la clinique. Parmi elles, celle d’organiser un colloque annuel :Les journées de Reims.Cette assemblée, qui a fêté sa trentième année l’an dernier, a comme vocation la confrontation des discours, et par ce biais, le rapprochement des idées. Conçu à l’origine comme un lieu destiné exclusivement à des intervenants en toxicomanie, cette réunion s’est élargie peu à peu à des penseurs venant d’autres horizons. Ainsi, sont accueillis des philosophes, des sociologues, des hommes politiques, des épistémologues, des historiens, des statisticiens, des évaluateurs, des épidémiologues, des économistes, des anthropologues, etc. L'idée était que ceux qui voienttous les jourstoxicomanes puissent apprendre de ceux qui ne les des voientjamaiset vice-versa. Chaque clinicien ouvre son atelier : psychologue, éducateur spécialisé, assistante sociale, psychanalyste, directeur d’établissement, médecin…ils exposent et s’exposent pour rendre compte d’une pratique et d’une éthique. Cette préoccupation éthique les unit tous, sous des expressions variées et singulières. Ces journées ont une fonction logique : à unfaire (on entend parfaire, la pratique directe auprès du toxicomane) il faut ajouter undireentend par (on dire, l’exposition de l’action). Ainsi dufaireaux dires,« Les Journées de Reims : Pour une clinique du toxicomane », devient assez vite un des lieux de référence pour tous ceux qui s'intéressent à la drogue et à la toxicomanie. 5
Au couplefaire-direvenu s’ajouter un troisième élément : est donner àlire.Si onfaitet si ondit, il faut alors pouvoirlirece qui à un moment donné est dit. Il y eut d’abord desActesdes Journéesgarder une trace, pour constituer des archives.Puis, décidant derendre public,le CAST publiera entre 1993 et 2000 sept livres dont six chez L’Harmattan. Les 30 ans du colloque nous suggèrent de reprendre publication.Le lecteur trouvera ici vingt textes que nous avions archivés parmi tant d’autres. Ils sont présentés par ordre chronologique, le premier d’entre eux date de 2000, le dernier de 2014. Ce choix procède d’une volonté de faire part, à travers ces récits, du passage du temps. Cette chronique révèle les différentes évolutions des notions (l’évanouissement progressif de la notion de toxicomanie aux dépens de l’inflation de la catégorie d’addiction qui tend à la remplacer), des préoccupations sociales et cliniques (par exemple,« Les femmes toxicomanes ! ? Ca n’existe pas ! ? »)bien encore les ou délicates relations entre justice et thérapeutique. Dans le même esprit, nous avons souhaité adjoindre les différents arguments des Journées qui ont cette double fonction : celle de convier au débat et celle d’imprimer l’actualité de la question de la drogue et de la toxicomanie année par année. Le comité de publication Rachel DOUCET Gustavo FREDA Gérard RICAUX
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L'EXISTENCE, UN SYMPTÔME
( à Marie-Louise ALISSE )
Francisco Hugo FREDA
C'est au 30 rue des Orphelins que l'histoire commence. Il se présenta avec ses habits d'époque, Lewis, bottes, une vieille guitare à la main, les cheveux longs et sûrement sales. Il ne venait pas seul. Un autre l'accompagnait. Il donnait son nom qui n'en était pas un, ce n'était pas non plus un prénom ni un pseudonyme. Il avait un nom de la rue. Celui qu'il avait acquis avec ses amis de came.
Son nom n'avait pas d'histoire. Son nom était né à seize ans, le jour où en claquant la porte de sa maison il se lança à faire sa vie. Le pourquoi de son départ était une énigme.
Il parcourut la maison du 30 rue des Orphelins, avec un rythme propre qui reste encore gravé dans la mémoire. Sa présentation s'accompagnait d'une véritable enquête sur le lieu, sa fonction, son directeur.
Il demanda s'il était vrai que cet endroit avait été créé pour les toxicos, pour les vrais ou pour des petits poitrinaires qui après le premier joint se disent toxicomanes sans savoir de quoi il s'agit vraiment. Il y avait deux mondes : celui des vrais comme lui et celui des autres, des faux. Son souhait n'était pas banal : la guitare, le rock, l'Inde, le narguilé tranquille et s'éloigner de ce monde pourri et sans intérêt. Tout entretien était impossible.
Les projets, d'une cohérence sans faille, étaient purs flots de paroles à l'intérieur duquel habitait la plus grande vacuité ; des énoncés l'un après l'autre sans la moindre trace d'une énonciation. Il fallait l'écouter pour rien, pour rien du tout, à la rigueur faire semblant de s'accommoder de son récit.
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Une seule phrase scandait son discours " ça ne peut pas continuer comme ça". Il fallait trouver une solution quelconque au gré des circonstances :« je veux descendre dans le sud, là-bas, il y a des copains », « je vais trouver des potes pour aller vivre à la campagne », et à nouveau : « ça ne peut pas continuer comme ça ».
J'étais simplement " Hugo, le directeur". Un jour, après un repas au 30 rue des Orphelins, il lance sa " boutade", son " mot d'esprit" :« nous sommes les orphelins du numéro 30 ».
La porte du centre d'accueil et de soins pour les toxicomanes se fermait vers 22 heures et il partait avec ses amis, la guitare à la main, à la quête d'une cage d'escalier, une cave, une chambre squattée pour passer la nuit.
Jusqu'à maintenant, il avait parlé pour ne rien dire. Ses mots ne produisaient pas le minimum de rapport que laisse dans la subjectivité de l'être ce point de référence qui fait du dire un temps du sujet.
Jusqu'au mot d'esprit, il inscrivait seulement dans l'espace institutionnel sa présence physique, ses cris, ses blagues. Ce moment-là fut un moment précis et précieux. Précis parce qu'il se situait à un moment déterminé de son existence où la parole fit sentir sa plus profonde efficacité. Il proclama à cor et à cri, sous toutes les formes, les limites de tout discours. C'est au moment où les thérapeutes voulurent instaurer un possible dialogue qu'il lança son mot d'esprit. Dans la gamme insonore d'un moulin à paroles, sans sens ni orientation, " l'effet poétique" fit irruption pour signifier un avant et un après.
Structuraliste, je peux l'être au moins pendant quelques instants et faire pivoter " la production signifiante " en tant que synchrone à l'intérieur de la diachronie discursive. La coupure, introduite par l'inversion simple d'un nom de rue, nous signale que l'événement de ladite inversion trouve son sens du seul fait de l'inscription dans un continuum. L'inscription prend valeur 8
de référence pour la coupure qu'elle produit. De ce fait, elle est le signe d'un avant et d'un après. C'est-à-dire qu'un dire devient événement du seul fait d'être le signe de la coupure. A ceci près que la coupure se referme sur elle-même étant donné que le mot d'esprit trouve sa logique non seulement dans l'effet qu'il produit mais dans le message qu'il oriente.
La structure, malgré sa clarté, ne suffit pas à nous donner l'évaluation du sujet étant donné que seul un sujet peut produire un effet poétique, « les orphelins du numéro 30 ». A ceci près que, dire ce qui semble une évidence, recèle un mystère vu que l'évaluation du sujet en tant que produit de l'effet poétique nous force à définir le premier à partir du second.
Donc, l'effet poétique.
Je dis bien l'effet poétique et non pas le poème, différence essentielle afin de ne pas perdre l'orientation indiquée par l'événement.
Le patient en question jette dans les sables mouvants du discours sanitaire « son véritable nom ». Il prend les choses à la lettre, certainement sans le savoir.
Il va régulièrement au CAST de Reims, 30 rue des Orphelins, une maison parmi les autres dans une petite rue de la ville de Reims.
Cependant, chaque fois que j'ai l'opportunité de le rencontrer au-delà des murs de la maison qui abrite le lieu de soins, il me ditvais rue des Orphelins « je ».efface le numéro de la Il maison et garde le nom de la rue. Ce sceau qui permet au registre de la propriété d'ordonner l'ensemble des habitants afin d'identifier les parcelles qui le constituent. Il prélève le signe de reconnaissance de la maison pour faire entendre que pour lui, le nom de la rue le représente auprès de sa destination, destin du sujet et en même temps point d'orientation de ses errances dans une ville qui lui est propre.
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