Psychologie économique
358 pages
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Psychologie économique , livre ebook

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Description



« Envisagée sous son aspect industrieux, laborieux, producteur, comme par son côté criminel, immoral, destructeur, la vie sociale m'a paru relever avant tout de l'inter-psychologie, qui étudie ses rapports élémentaires. »
Gabriel Tarde

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 22
EAN13 9791022300315
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gabriel Tarde

Psychologie économique

© Presses Électroniques de France, 2013
Avant-propos
Ce livre est la substance d'un cours professé au Collège de France en 1900-1901. Il est l'application au domaine économique et, ce me semble, la confirmation d'idées générales que j'ai depuis longtemps exposées. Ce qu'il y a de plus caractéristique dans le point de vue auquel je me place pour explorer à mon tour un champ si souvent parcouru était déjà en germe dans plusieurs études publiées par la Revue philosophique dès 1881 et par la Revue d'économie politique quelques années plus tard. Envisagée sous son aspect industrieux, laborieux, producteur, comme par son côté criminel, immoral, destructeur, la vie sociale m'a paru relever avant tout de l'inter-psychologie, qui étudie ses rapports élémentaires. J'ai pensé cependant qu'il était inutile d'intituler cet ouvrage «Cours d'inter-psychologie économique», titre qui eût été peut‑être plus exact, mais moins clair et moins simple.
G. T.
Octobre 1901.
Partie préliminaire


Chapitre I Considérations générales et lois sociales
I La société, tissu d'actions inter-spirituelles.
Avant d'aborder le sujet spécial de ce traité, il me semble bon de tracer à grands traits la conception générale de la société humaine à laquelle on est conduit quand, tenant fermement en main les principes sur lesquels se fonde à mon avis la science sociale, on les applique non seulement au côté économique mais à tous les autres côtés sociaux de l'humanité.
Ces principes, je n'ai pas à les démontrer de nouveau; je me borne à les répéter en les résumant. La société est un tissu d'actions inter-spirituelles, d'états mentaux agissant les uns sur les autres, mais non pas de n'importe quelle manière. Expliquons-nous clairement. Chaque action interspirituelle consiste dans le rapport de deux êtres animés ‑ d'abord, la mère et l'enfant ‑ dont l'un impressionne l'autre, dont l'un enseigne ou dirige l'autre, dont l'un parle à l'autre qui l'écoute, dont l'un, en un mot, modifie l'autre mentalement, avec ou sans réciprocité. Je dis d'abord que cette modification, quand elle est de nature à nouer ou à resserrer le lien social entre ces deux personnes est un rapport de modèle à copie. En effet, toutes ces actions d'esprit à esprit ne sont pas, il est vrai, des empreintes du sujet actif sur le sujet passif, des reflets du premier par le second. Souvent, le sujet modifié l'est dans un sens diamétralement contraire à celui du sujet modifiant, il pense et il veut précisément l'opposé de ce qu'il voit penser et vouloir. Parfois même, bien rarement, l'influence qu'il subit a pour effet de lui suggérer un état mental qui n'est ni semblable ni contraire à l'état mental du sujet modifiant, mais qui est quelque chose de tout différent. Or, dans ce dernier cas, le sujet modifiant et le sujet modifié restent étrangers l'un à l'autre, après comme avant la modification. Quand un paysage suggère un sentiment à un paysagiste, quand un animal suggère une idée à un naturaliste, le paysage et le paysagiste, l'animal et le naturaliste, n'entrent pas en rapport social. Pourquoi? Parce que le lien social n'est pas seulement une action inter‑mentale mais encore, et avant tout, un accord inter-mental né de cette action. Accord, cela signifie que l'un désire ce que l'autre désire, ou repousse ce que l'autre repousse, que l'un affirme ce que l'autre affirme ou nie ce que l'autre nie. La société, donc, en son essence intime, doit être définie une communion mentale; ou mieux, car cette communion n'est jamais parfaite, un groupe de jugements et de desseins qui se contredisent ou se contrarient le moins possible, qui se confirment ou s'entr'aident le plus possible. La société est un système, un système qui diffère d'un système philosophique en ce que les états mentaux dont il se compose sont dispersés entre un grand nombre de cerveaux distincts, au lien d'être ramassés dans le même cerveau. Mais cette différence, qui constitue toute celle de la logique sociale à la logique individuelle, seule étudiée par les logiciens, n'empêche pas les règles de celle-ci de s'appliquer, en se transposant, moyennant quelques additions importantes, aux phénomènes de la vie sociale. La vie sociale, avec ses concurrences ou ses coalitions d'efforts, avec ses alliances on ses lattes de partis et de peuples, est une grande et bruyante dialectique qui tend à résoudre un problème ardu, renaissant à chaque âge de ses solutions mêmes, toujours incomplètes et provisoires, le problème d'un maximum de croyances et de désirs à équilibrer.
Partant de là, il est facile de comprendre que c'est seulement dans le cas où l'action du sujet modifiant sur le sujet modifié aboutit à refléter l'état mental du premier dans celui du second, que le lien social se trouve créé ou renforcé entre eux. L'harmonie sociale commence toujours par être un unisson et ne peut commencer que par là. Si l'image de l'état mental modifiant est non pas positive mais négative, il se peut que, indirectement, par suite de la discussion ou de la guerre engagée, un accord social plus profond ou plus vaste finisse par résulter de là, mais, par son effet direct, cette contre‑imitation est anti-sociale. On s'explique ainsi la fécondité du phénomène de l'imitation, qui est le rapport social élémentaire, et, de fait, le cas de beaucoup le plus fréquent de l'action inter‑spirituelle. La contre-imitation est, en somme, exceptionnelle. Quant à l'hypothèse de deux esprits se suggérant l'un à l'autre des états tout à fait dissemblables sans être opposés, elle ne se réalise jamais, si ce n'est entre esprits déjà très civilisés, ultra-cultivés, au cours, par exemple, d'une conversation où, d'ailleurs, en parlant la même langue et agitant un même fonds de pensées, accumulées par une commune éducation, ils se sont révélé l'un à l'autre infiniment plus de similitudes que de dissemblances, et n'ont pu se différencier que grâce à ces similitudes mêmes.
À ce point de vue, nous avons à distinguer deux grandes espèces ou plutôt deux degrés principaux du lien social: 1°, le lien le plus fort, celui qui naît, entre le sujet modifiant et le sujet modifié, de la similitude mentale produite par l'action de l'un sur l'autre, ‑ action qui commence par être unilatérale et qui tend toujours à devenir réciproque. C'est le noeud qui lie les parents à l'enfant, le maître au disciple, le meneur au mené, le parleur à l'écouteur, et, en général, tous les gens habitués à vivre, à causer, à travailler ensemble. 2° Le lien, beaucoup plus faible, qui résulte, entre sujets ne se modifiant pas l'un l'autre, entre personnes ne causant pas l'une avec l'autre, ne s'écrivant pas, ne se lisant pas, de la similitude produite en chacun d'eux par l'empreinte qu'ils ont séparément subie d'un même sujet actif. Cette dernière catégorie comprend la majorité des gens qui appartiennent au même milieu social. Sans se connaître entre eux, ils sont vigoureusement liés les uns aux autres par une multitude de fils invisibles, par ces innombrables manières de parler, de penser, de sentir, d'agir, qui leur sont communes parce qu'elles procèdent ‑ si on les analyse chacun à part ‑ des mêmes auteurs premiers, des mêmes inventeurs, découvreurs, initiateurs, anciens ou modernes, connus ou anonymes.
Comme on le voit, le rapport proportionnel de ces deux espèces de liens sociaux, du lien primaire et du lien dérivé, va changeant au profit du dernier, à mesure qu'une société se complique et s'étend; mais le lien primaire n'en reste pas moins le plus important, puisque, sans lui, l'autre ne saurait être. C'est donc à celui‑ci qu'il faut nous attacher.
II Tendance de tout exemple au rayonnement imitatif.
La première généralisation, bien réelle et bien positive, qui s'offre à nous ici, est la suivante. Un groupe d'esprits en contact mental étant donné, si l'un d'eux conçoit une idée, une action nouvelle, ou paraissant telle, et que cette idée ou cette action se montre avec une apparence de vérité ou d'utilité supérieure [1] , elle se communiquera autour de lui, par reflet, à trois, quatre, dix personnes; et chacune d'elles, à son t

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