Quand les mots construisent la réalité
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Description

La science économique aime à se présenter comme la plus rigoureuse des sciences humaines. La clarté des prémisses, l’usage intensif des mathématiques, la rigueur déductive des raisonnements, l’ampleur des modélisations semblent la rapprocher des sciences de la nature. Pourtant, certains de ses axiomes de base sont proprement invraisemblables et excluent toute espèce de validation empirique. Comment expliquer, dès lors, sa légitimité et sa diffusion planétaire ? Comment expliquer la force probante du récit qu’elle nous raconte et l’omniprésence du raisonnement économique dans la prise de décision politique ?

Le présent ouvrage explore une piste d’interprétation trop souvent négligée : celle de la performativité. Et si l’économie ne cherchait pas tant à se conformer aux réalités du monde qu’à conformer ces réalités à ses propres propositions ? Par quels processus les théories que nous formulons sur le comportement des êtres humains peuvent-elles engendrer des effets conformes à nos théories ? Comment passe-t-on, quelquefois sans même s’en apercevoir, de la description à la prescription ?

Membre de l’Académie royale de Belgique, Alain Eraly est ingénieur en gestion, docteur en sciences sociales et docteur en économie appliquée. Il est actuellement professeur à l’Université libre de Bruxelles où il enseigne la sociologie et la gestion.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782803104468
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

QUAND LES MOTS CONSTRUISENT LA RÉALITÉ
Alain Eraly
Quand les mots construisent la réalité La performativité de l’économie
Académie royale de Belgique
rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique
www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique
ISBN : 978-2-8031-0446-8

© 2014, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche
Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant
Volume 50
Diffusion
Académie royale de Belgique
www.academie-editions.be
Crédits
Conception et réalisation : Grégory Van Aelbrouck, Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Illustration de couverture : Grégory Van Aelbrouck, Académie royale de Belgique
Publié en collaboration avec
Bebooks - Editions numériques
Quai Bonaparte, 1 (boîte 11) - 4020 Liège (Belgique)
info@bebooks.be
www.bebooks.be

Informations concernant la version numérique
ISBN 978-2-87569-158-3
 
A propos
Bebooks est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
L’économie de marché est-elle juste ?
Le programme des six leçons du Collège Belgique
Ce que nous appelons « la » crise, celle qui a débuté en 2008, a sans doute plus que d’autres suscité cette question : l’économie de marché est-elle juste ? Ou, au contraire, porterait-elle en elle-même les inégalités, le chômage de masse, la pauvreté, en un mot, « l’horreur économique » ?
Le Collège Belgique a proposé une session de six conférences ayant pour ambition de cultiver ce jardin du bien et du mal et de fournir à ses auditeurs une sorte de « boîte à outils » leur permettant de se forger leur propre opinion.
La première leçon , qui fait l’objet de ce volume, posera en fait la question de la vraie nature du marché. On montrera comment, dans certaines conditions, le marché peut arriver spontanément à un équilibre et que cet équilibre a des propriétés étonnantes, notamment du point de vue de la justice sociale. Mais que signifient-elles vraiment ? On s’interrogera également sur les critères de cette justice : au fond, qu’est-ce que la vie bonne, celle qui, dit-on, « mérite d’être pleurée » ?
Cependant, il suffit d’observer l’histoire ou l’actualité économique pour se rendre compte que, loin d’être stable, l’économie est en fait une suite de déséquilibres. Deux des causes essentielles de ces déséquilibres sont l’innovation et les crises.
La deuxième leçon questionnera donc le phénomène de l’innovation et ses agents les plus actifs : l’entrepreneur et l’entreprise. Fondamentalement destructrice, en ce sens qu’elle bouleverse l’ordre éternel des choses, l’innovation est le moteur de la vie économique. Les entrepreneurs, ceux qui « volent le feu aux dieux », ne seraient-ils pas, comme les héros des mythes grecs, voués à la malédiction ? Et, pour l’éviter, comment (re)donner un sens à ce qui, depuis deux cents ans, a initié le progrès ?
Dans la troisième leçon , on s’interrogera sur les causes et l’histoire des crises ainsi que sur les remèdes qui ont été proposés. L’économie n’est pas une science exacte ; elle s’apparente plutôt à l’art de l’ingénieur, où il s’agit d’utiliser différents corpus pour construire un ouvrage. Dans ce domaine, rien n’est univoque et l’on présentera les choix que la pratique a retenus et ceux qu’elle a disqualifiés.
Mais ce qui fait notre époque, c’est « la mondialisation » de l’économie : l’extension du domaine de l’entreprise et l’effacement des États nationaux. Or ceux-ci ont notamment pour mission de fixer des normes (juridiques, sociales, environnementales, morales) pour l’exercice de l’activité économique. La quatrième leçon dira si, dans le village global, il y a des raisons de penser qu’une nouvelle « fabrique de normes » est en cours de constitution et sous quelles formes elle pourrait assurer une nouvelle régulation.
La production de normes est une chose, leur respect et la sanction des manquements en est une autre. Comment la philosophie et la pratique du droit doivent-elles évoluer pour tenir compte de ce nouveau champ et de ces nouveaux signes ? Le triptyque droit-morale-marché nous invite-t-il à revisiter les fondements mêmes de notre manière de juger ? Par exemple, l’usage de la propriété peut-il ou doit-il être limité pour éviter un hiatus entre « Wall Street » et « Main Street » ? Ce sera l’objet de la cinquième leçon .
Enfin, la sixième leçon se demandera si l’économie ne ferait pas elle aussi l’objet d’un phénomène que l’on observe parfois dans d’autres sciences sociales et qu’on appelle la performativité : ou, pour le dire simplement, l’économie éprouve-t-elle « le poids des mots » ? En effet, il est des situations où le simple fait de nommer un phénomène le fait naître à la vie et d’autres non. Le discours économique façonnerait-il parfois lui-même sa propre réalité ?
Remerciements
Ce petit ouvrage résulte de la mise en forme d’une leçon que j’ai eu le plaisir de donner dans le cadre d’un cycle intitulé « L’économie de marché est-elle juste ? ». Ce cycle, organisé par le Collège Belgique, rassemblait Bruno Colmant, Xavier Dieux, Jean-Pierre Hansen, Benoît Frydman, Philippe de Woot et moi-même, tous confrères au sein de la Classe Technologie et Société à l’Académie royale de Belgique. Chacun d’eux, à sa manière, m’a fourni matière à réflexion ; cet ouvrage leur est dédié.
Je remercie plus particulièrement Jean-Pierre Hansen qui fut le moteur et l’animateur du cycle. C’est lui, en effet, qui m’a résolu à me pencher sur cette question difficile, rarement traitée, de la « performativité de l’économie ». Sans son insistance amicale, le présent ouvrage n’aurait jamais vu le jour. Il va de soi que je suis seul responsable des approximations, des erreurs et peut-être des excès qu’il contient.
Chapitre 1
Qu’est-ce que la « performativité » ?
Dans leur quête interminable de légitimité, les sciences humaines s’appliquent à entretenir un idéal, celui de la neutralité du langage qu’elles utilisent : l’idée que les discours des chercheurs ont pour unique fonction de décrire, dépeindre, désigner, prédire, constater, schématiser, modéliser, en bref représenter une réalité extérieure à ces discours. Lakoff et Johnson 1 qualifient d’ objectiviste cette conception selon laquelle l’esprit humain utiliserait le langage comme un substitut des choses empiriques afin de les connaître et d’y faire référence, le sens d’une proposition se trouvant défini par ses conditions de vérité, c’est-à-dire par les conditions qui doivent être remplies pour que la proposition corresponde effectivement à la réalité.
Cette conception qui nous vient de Descartes et de la révolution scientifique du xvii e siècle ne fonde pas seulement l’idéal scientifique, elle s’est déposée dans le sens commun sous la fausse évidence des « représentations de l’esprit » et de la « correspondance aux faits ». Ce n’est pas ici le lieu de se lancer dans l’histoire du dépassement de cette conception ; un tel détour nous conduirait à citer des philosophes comme Charles Peirce, William James, John Dewey, Richard Rorty, Michel Foucault, Ludwig Wittgenstein, John Austin ou encore Ian Hacking. Tout récemment, Bruno Latour a livré une critique approfondie de la théorie de la correspondance 2 en soulignant l’ anémie ontologique à laquelle elle nous réduit.
Le présent opuscule s’inscrit dans ce champ de réflexion : il se propose d’analyser le discours économique à la lumière d’une notion aujourd’hui omniprésente dans les sciences sociales, celle de performativité — ou de performation . Qu’est-ce que la performativité ? La notion nous vient d’un philosophe d’Oxford, John Langshaw Austin, dans un ouvrage très célèbre intitulé How To Do Things With Words 3 . Austin appelle « performatifs »

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