Sous le Soleil de Saturne
223 pages
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Sous le Soleil de Saturne , livre ebook

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Description

Paris 1915 : le peintre italien Giorgio De Chirico, tout jeune créateur de la peinture métaphysique, disparaît mystérieusement dans les étranges architectures urbaines surgies de son génie visionnaire. On va l’y suivre au fil des péripéties et des rebondissements de son aventure personnelle et d’une enquête (patiente autant que savante) qu’il mène, incognito, sur les agissements et la nature intime du Temps. Un temps qui montre son visage le plus hideux et le plus monstrueux dans cette période tourmentée de la Grande Guerre, mais qui révèle aussi toute son ambiguïté et sa force de résilience, à travers les témoignages des philosophes et des savants rencontrés…
Sous forme romanesque, Sous le soleil de Saturne se veut une vulgarisation des théories philosophiques et scientifiques sur le thème du temps, l’un des plus fascinants et des plus déroutants de toute l’histoire de la pensée. Il invite le lecteur à une escapade métaphysique, au double sens du mot : à la fois dans les arcanes de la métaphysique classique (qui se voit ici débarrassée de tout jargon, sans préjudice néanmoins pour l’exigence, le plaisir et l’effort de pensée) et sous les arcades de la ville métaphysique chère à Chirico (qui offre ses paysages surréalistes et ses situations énigmatiques à la mise en scène des problèmes et des concepts philosophiques). Délibérément hybride sous sa double visée, pédagogique et esthétique, le livre s’adresse à l’amateur de philosophie (et de peinture) que rebute la technicité des écrits spécialisés et qui préfère penser en images ou contempler en méditant.

Informations

Publié par
Date de parution 03 avril 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312065953
Langue Français

Extrait

Sous le Soleil de Saturne
Claude Chrétien
Sous le Soleil de Saturne
Escapade métaphysique dans les arcanes du temps
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2019
ISBN : 978-2-312-06595-3
Prologue
Au début, il n’y a rien qu’une pensée obsédante qui, dans les toutes premières lueurs, tient le siège de mon esprit enténébré. Encore informulée (à peine une rumeur), encore indiscernable (tout juste une esquisse), elle revient en boucle, insistante, lancinante. D’abord simple murmure qui, tout en douceur, ronfle comme un rhombe et continue de bercer mon sommeil dans la quiétude du cercle où tout repose encore dans l’indifférenciation et dans l’immobilité de l’être. Puis murmure qui se met à enfler à chaque tour, apaisant-agaçant comme la scie d’un mantra…
étranjdisparisionoseptentrion… étrange disparition oseptentrion… étrange disparition ô septentrion… étrange disparition au septentrion… étrange disparition au septentrion…
Bientôt des bulles viennent crever en surface : un simple remous optique, puis des images qui, progressivement, prennent forme en sortant du maelstrom à la suite des sons. La mélopée s’étire et s’anime, en vient à se confondre avec les lamentations d’un vieil histrion barbu prostré dans les travées d’un théâtre désaffecté, déplorant le va-et-vient universel et la caducité de toutes choses… À moins que ce ne soit avec celles d’un patriarche à demi-nu qui lui a succédé incontinent, couché, lui, dans la fange, couvert d’ulcères, de déjections et de vermine, et pourtant tirant sur ses épaules pour s’en draper un manteau de gloire… Lambeaux de visions tumultueuses qui moutonnent et s’effilochent dans ma tête… La bande sonore s’est encore imperceptiblement modifiée et ce sont maintenant des aboiements furieux qui attirent mon attention et, à leur suite, le caniche blanc d’un atrabilaire chenu, qui se mord la queue et tourne sur lui-même comme un fou. Puis , comme dans les images sautillantes des premiers films, de brèves séquences viennent encore se bousculer sous mes yeux clos : faces livides et déshumanisées de toute une bande d’énergumènes et d’éclopés condamnés en assises pour avoir comploté contre le temps ; savant volubile et gesticulant dont les traits peinent à se fixer, hésitant, semble-t-il, entre un gosse espiègle à la tignasse poil de carotte et un christ sans âge aux bras étendus en croix ; satyre tonitruant qui prophétise l’éternel retour de toutes choses, dans une sorte d’immense carrousel aquatique qui s’étend, s’étend tout en tournant et ne cesse de filer à toute allure aux quatre horizons, au point – je le sens venir, terrifié, avec l’imminence d’une catastrophe – de couvrir bientôt l’univers entier…
Fantasmagories de mon esprit encore en proie à tous les démons de la nuit ? Ou bribes de réalité enfonçant le coin du souvenir dans le bloc enténébré du sommeil ? Flottant entre deux eaux, je ne saurais dire. Non , je ne sais pas. Je ne sais qu’une chose : c’est qu’il faut s’en saisir ; vite, les retenir avant qu’elles n’aillent s’engloutir dans le gouffre qui les aspire ! Mais je vois bien, en même temps, que tous mes efforts sont vains : à vouloir contenir et freiner le flux d’images, je ne fais que l’accélérer ; tout se précipite soudain et s’embrouille… c’est en train de m’échapper inexorablement… définitivement…
Depuis qu’a commencé de se déchirer l’épais manteau nocturne de l’inconscience, les deux pans s’en sont progressivement écartés pour permettre aux premières lueurs de la conscience de pointer d’abord, de percer, d’occuper progressivement la place, puis de s’embraser d’un coup comme un soleil, qui va dès lors étendre son triomphe ; irrésistible et impérieux… Au premier frémissement, tout, insensiblement, s’est mis à bouger, à glisser, à dériver, et très vite à fuir et se débander. Les sons d’abord, les mots. Puis les formes, les images. Et maintenant les sensations du dedans ; celles qui me viennent de l’intérieur de ma tête, des oreilles et des yeux de l’esprit, de ma conscience elle-même, et enfin de mon corps. Bref , de MOI : de tout ce que ces trois pauvres lettres enten dent prélever et retrancher du noir chaos de la nuit. Le plein jour a fait irruption et il inonde à présent toute la place, chassant même – et je sais que cet éloignement est irrévocable – mon très cher Hebdomeros avec qui j’étais, tous ces derniers temps, comme les deux doigts de la main. Sous le choc, me voilà définitivement réveillé, assistant impuissant (et pourtant complice autant que témoin) à cette débâcle universelle : l’hémorragie du devenir qui s’est déclarée, sinon déclenchée, aux premières lueurs de ma conscience et que rien ne peut plus arrêter. Le mantra, qui n’a pas cessé de me tourner dans la tête depuis qu’il a donné le branle, scande maintenant dans tout mon corps de nouvelles sensations, comme un balancement léger et cependant douloureux au creux des reins. « Étrange disparition au septentrion… », continue de chuchoter un clapotis d’eau qui accompagne le tangage du monde dans lequel je me vois émerger. Ouvrant à demi les yeux, je réalise alors que je suis couché au fond d’une barque dérivant au fil de l’eau, le dos cassé contre le banc de nage et contre les rames laissées en travers. Je veux bouger un peu pour me libérer, mais la douleur irradie aussitôt dans l’échine et les jambes ; ce qui suffirait du coup à me réveiller tout à fait si un sentiment d’urgence ne m’obligeait à rester encore… oui, à rester le plus longtemps possible, dans cet entredeux précaire et précieux que, par superstition, on veut croire propice à d’étranges communications, voire à de secrètes révélations. Surtout , ne pas réintégrer trop vite ou trop tôt la réalité… ou le fil de ma propre histoire, quelle qu’elle soit ! Renonçant donc à chercher où je suis et comment j’en suis venu là, je préfère m’intéresser ou plutôt me livrer à l’énigme posée par la voix mystérieuse…
« … Étrange disparition au septentrion » : comme un titre de une, dirait-on… un de ces appâts à gogos concocté par quelque journal à sensation. Mais qui a disparu ? Qui ou peut-être quoi ? Serait -ce l’un des personnages qui viennent de m’apparaître justement ? L’atrabilaire par exemple, qui du coup aurait laissé son chien tout désemparé ? Ou bien l’histrion mélancolique ? À moins que ce ne soient ces chronophobes qui avaient déjà l’air si mal en point ? Mais pourquoi pas aussi le savant ambigu qui donnait déjà l’impression de flotter dans son identité ? Ou peut-être le satyre, qui aurait fini par se noyer dans son labyrinthe aquatique ? Le patriarche, non ! J’ai bien reconnu le vieux Job , et je sais que lui, contre toute attente, il s’en est bien sorti. Alors ? J’ai beau tirer sur chacun des fils de ces six lambeaux d’histoires, rien ne vient ; panne d’associations… Peut -être aussi qu’il ne s’agit pas d’une victime humaine, mais, disons, d’une chose quelconque ? Mais alors là, macache… sans indice, la liste des possibles est carrément illimitée ; pas même moyen de savoir si c’est une aiguille qu’il faut chercher dans la botte de foin ! Et pourtant, j’ai comme l’intuition – à cause peut-être du septentrion, ou bien de l’étrange nom de mon alter ego qui vient de me lâcher, allez savoir – oui, j’ai la certitude qu’il me manque quelque chose, une pièce, une carte, je ne sais pas, comme si le jeu n’était pas complet. Oui , forcément, il doit y avoir un septième élément… car les choses vont toujours par sept, n’est-ce pas, tout le monde sait cela, qu’il s’agisse des planètes du système solaire, des merveilles du monde, des jours de la semaine, des couleurs de l’arc-en-ciel, des notes de la gamme, des sages de la Grèce antique, des familles du jeu de cartes, des nains de Blanche - Neige et que sais-je encore… Et le Septentrion , alias la Grande Ourse , la constellation qui indique le nord, ne doit-il pas son nom aux sept étoiles qui la composent ?…
Mais où diable suis-je embarqué ? Qui parle encore de « septentrion » de nos jours, en dehors des alchimistes ou des astrologues ? O

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