Surdité et Sciences Humaines
171 pages
Français

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Surdité et Sciences Humaines , livre ebook

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Description

Comment peut-on penser sans les mots et en utilisant des images gestuelles ? De quelle nature est la perception subjective de tous ceux qui vivent une expérience de silence. Enfin comment une singularité biologique peut-elle entraîner une création culturelle, à savoir la culture sourde ? Toutes ces questions nourries par une expérience professionnelle approfondie sont à la source des textes réunis dans cet ouvrage. Ce livre présente une synthèse des liens entre la surdité et les sciences humaines.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 44
EAN13 9782336257860
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296105003
EAN : 978229610500-3
Surdité et Sciences Humaines

Benoît Virole
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Ouvrages du même auteur Introduction Sciences du langage
Chapitre 1 - Deux voies pour le langage Chapitre 2 - Le bilinguisme Chapitre 3 - Icône et objectivité Chapitre 4 - Langue des signes et autisme
Phénoménologie
Chapitre 5 - Perception et signification Chapitre 6 - Subjectivité et perception Chapitre 7 - De l’intégration de soi Chapitre 8 - Affordance et précurrence
Sciences sociales
Chapitre 9 - Sociologie professionnelle Chapitre 10 - Perspectives pédagogiques Chapitre 11 - La révélation adolescente Chapitre 12 - Un pas hors de l’instant Chapitre 13 - Pluralité de l’identité sourde
Questions Contemporaines
Ouvrages du même auteur
Figures du silence, Éditions Universitaires, L’Harmattan, Paris, 1989.
Sciences cognitives et psychanalyse, PUN, Nancy, 1995.
Psychologie de la surdité, De Boeck Éditions, Bruxelles, 1996, deuxième édition 2000, troisième édition 2006.
Le voyage intérieur de Charles Darwin, Éditions des Archives Contemporaines, Gordon and Breach, Diffusion Vrin, Paris, 2000.
L’enchantement Harry Potter, Hachette Littératures, Paris, 2002.
Du bon usage des jeux vidéo et autres aventures virtuelles, Hachette Littératures, Paris, 2003.
Psychopathologie et complexité, Éditions scientifiques, Gordon and Breach, Diffusion Vrin, Paris, 2005.
Shell, roman, Hachette, Paris, 2007.
Introduction
La surdité est une entité clinique complexe. Elle engage la mise en œuvre de pratiques diverses et elle est l’objet de nombreuses publications dans les champs spécialisés de la rééducation des handicaps. Mais elle pose aussi trois grands problèmes théoriques dans les sciences humaines. Ce livre, composé d’articles et de conférences, est consacré à l’analyse de ces problèmes.

Le premier problème est celui de la nature du langage et de ses liens avec la pensée. L’émergence d’un langage gestuel chez les sourds profonds intéresse directement les sciences du langage. Dans la première partie de cet ouvrage, nous exposerons l’essence du problème linguistique de la surdité (chapitre 1). Nous proposerons une refondation de la notion de bilinguisme sur des bases sémiotiques éclaircies (chapitre 2). Nous reprendrons la question de l’objectivité dans ses rapports avec l’iconicité (chapitre 3) avant de l’illustrer avec l’apport de la langue des signes aux enfants autistes (chapitre 4).

Le second problème est celui de la relation entre la surdité et le sentiment vécu. Dans un ouvrage précédent, Psychologie de la surdité 1 , nous avions présenté les différents apports de la surdité en psychologie générale, en psychanalyse et en psychiatrie. Les quatre chapitres de la seconde partie montrent comme une phénoménologie de la surdité permet la construction d’une subjectivité non déficitaire (chapitre 5). L’observation des personnes sourdes porteuses d’implants cochléaires nous permettra de mieux comprendre les liens entre perception et signification subjective (chapitre 6). Nous avons joint à cette seconde partie le texte d’une conférence faite à Buenos-Aires abordant le thème de l’aperception – partage intuitif des vécus (chapitre 7). Enfin, nous proposerons deux concepts, l’affordance et la précurrence, pour mieux appréhender les phénomènes observables dans la clinique des implants cochléaires (chapitre 8).

Le troisième problème concerne l’émergence d’un fait social sur le fond d’un déficit biologique. En sociologie, l’existence d’une communauté linguistique regroupant les sourds gestuels a mis du temps à être reconnue. Il a fallu l’obstination de Bernard Mottez pour qu’elle sorte de l’ombre 2 . Pour autant, son statut reste difficile à cerner car elle est transverse aux classes et aux groupes sociaux connus. La définition anthropologique de la culture sourde est également source d’interrogations 3 . Nous aborderons ces deux points en consacrant un chapitre entier (chapitre 9) à la description des représentations idéologiques dans les pratiques professionnelles. Nous traitrerons certains aspects de la question scolaire (chapitre 10) et de la situation des adolescents, révélatrice de la dimension culturelle de la surdité et de sa négligence par les dispositifs éducatifs (chapitre 11). Les deux derniers chapitres sont centrés sur la culture sourde. Nous montrerons que ses sources ne résident pas dans une posture idéologique (chapitre 12) mais dans une expérience plurielle de l’altérité (chapitre 13).

Les propositions et réflexions qui composent ce livre sont volontairement concises. Elles sont issues d’une pratique extensive de la clinique de la surdité, tant sur le plan de la recherche que sur le plan de l’engagement professionnel 4 . Elles ne relèvent pas d’une méthodologie de la preuve statistique. Nous n’avons pas voulu surcharger l’argumentation par des observations, des récessions de « littérature » et des résultats d’études. Dans cet ouvrage, l’élaboration prime sur la démonstration. La complexité de la surdité nous engage à observer, puis à élaborer, non à mesurer et à démontrer. Son apport fondamental est épistémologique. La surdité nous oblige à la subversion des cloisonnements interdisciplinaires comme elle nous invite à nous ouvrir à l’acceptation de la différence.
Sciences du langage
Chapitre 1
Deux voies pour le langage

Rappel général sur la surdité
Sur le plan physiologique, la surdité de perception résulte d’une lésion irréversible des cellules spécialisées de l’épithélium neurosensoriel de la cochlée (organe de Corti). Sa mesure audiométrique révèle une baisse importante, de plus de 60 dB de perte vis-à-vis du seuil liminaire de sensation d’une oreille normale. La perception des indices phonétiques nécessaires à la parole est altérée quantitativement, mais également qualitativement par de fréquentes distorsions cochléaires. Sans appareillage et rééducation, au moment de la maturation des circuits neuronaux permettant de contrôler sa propre voix (6 – 8 mois), le contrôle audiophonatoire ne se réalise pas. L’enfant, atteint d’une déficience auditive profonde bilétérale, ne peut contrôler ni le spectre, ni l’intensité de sa voix. Il évolue vers un état de surdi-mutité. L’enfant développe alors un mode linguistique de type visuo-gestuel. Avec le concours des appareillages auditifs, ce processus peut être modifié. L’enfant sourd, appareillé et rééduqué, peut s’engager dans le langage oral. Cependant, d’autres enfants, appareillés et rééeduqués de la même façon, ne le peuvent pas et développent un langage gestuel. L’orientation vers l’une ou l’autre de ces deux voies dépend de l’intrication de plusieurs facteurs. Les facteurs audiologiques sont évidents. Plus la surdité est profonde, plus elle est acquise précocement et plus l’orientation en direction de la voie audiophonologique sera difficile. L’étiologie joue un rôle important. De grandes différences existent entre un enfant ayant une surdité génétique isolée et un autre enfant présentant des troubles associés consécutifs à une atteinte au cytomégalovirus, à la rubéole, ou atteint de méningite. Les facteurs cliniques doivent être pris en compte. Histoire hospitalière, histoire clinique de la surdité, maladies de la petite enfance ayant entraîné des séparations, évenements familiaux, tous ces élements peuvent s’avérer décisifs. Ils fragilisent l’enfant et rendent plus difficiles les approches éducatives. La variation interindividuelle de la résilience doit aussi être prise en compte. Les facteurs génétiques sont toujours impliqués. À courbes audiométriques similaires et dans des contextes cliniques assimilables, certains enfants présentent des compétences remarquables en phonologie alors que d’autres ne possèdent pas ces prédispositions. Les facteurs familiaux, sociaux et culturels sont majeurs. L’investissement parental de la rééducation est tributaire des conceptions culturelles liées au langage, à l’écrit, à la transmission, (etc.) qui sont très variables selon les configurations familiales et sociales. Ces facteurs

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